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Définitions, questions et réponses sur les formes de terrorisme

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Publié par dans Culture ·

Définitions, questions et réponses sur les formes de terrorisme,
par Arnaud BLIN, Spécialiste de géopolitique et de politique américaine.

Ancien directeur du Centre Beaumarchais (Washington),
ancien chercheur à l'Institut diplomatie et Défense (Paris),
actuellement chercheur à l'Ecole de la paix(Grenoble).
co-auteur de L'histoire du terrorisme de l'antiquité à Al-Qaïda (éd. Michalon)

Le Terrorisme est-il un phénomène nouveau ?

On a tendance parfois à penser que le terrorisme est un phénomène nouveau : ne lit-on pas aujourd’hui qu’il constitue la plus grande menace du 21e siècle ? Bien entendu, cette idée pourtant répandue est fausse. L’usage de la terreur, par les régimes en place ou par des groupes cherchant à s’emparer du pouvoir ou à déstabiliser un adversaire est presque aussi vieille que les luttes de pouvoir. Parmi les exemples les plus anciens, citons celui des icarii (ou Zélotes) au 1er siècle qui utilisent la technique du terrorisme pour tenter de repousser l’envahisseur romain. Plus célèbre, le cas de la secte des Assassins (ou Hashshashin) au Moyen Age, démontre le potentiel de longévité d’un groupe terroriste qui, pourtant, n’a jamais réussi à s'octroyer le pouvoir politique recherché malgré plusieurs attentats retentissants. Le terrorisme moderne, né au 19e siècle, s’est manifesté sous une multiplicité de formes, avec plusieurs vagues d’attentats au moins aussi sérieuses que celle que nous connaissons aujourd’hui, et qu’illustre la liste impressionnante des chefs d’États et têtes couronnées victimes d’attentats terroristes au tournant du 19e-20e siècle. Rappelons que c’est par un attentat terroriste, celui de Sarajevo en 1914, que s’est embrasée l’Europe. Il suffit de lire l’Agent secret de Joseph Conrad pour s’apercevoir à quel point le terrorisme d’il y a cent ans fonctionne selon les mêmes mécanismes que le terrorisme contemporain

Existe-t-il une définition du terrorisme ?

Dans la mesure où le terrorisme est un phénomène à la fois complexe et multiforme, il est extrêmement compliqué de trouver une définition simple qui décrive bien la problématique. A en croire certains spécialistes, on aurait répertorié plus d’une centaine de définitions. L’ONU est à l’heure actuelle incapable de s’accorder à une définition. Le groupe de « sages » qui s’est réuni récemment sous l’égide des Nations Unies (Novembre 2004) a opté pour une définition mettant l’accent sur les civils comme cible privilégiée de groupes ayant pour but de « d’intimider une population, ou d’obliger un gouvernement ou une organisation internationale à agir, ou à ne pas agir. » La dichotomie civils/militaire est importante mais elle n’est pas à mon avis fondamentale. J’aurais plutôt tendance à insister, comme Raymond Aron et d’autres, sur l’aspect psychologique de la technique terroriste. Car ce qui caractérise le phénomène terroriste est avant tout l’asymétrie presque totale entre les effets psychologiques recherchés et les moyens physiques employés. Le fait que les civils soient aujourd’hui les cibles presque exclusives des terroristes n’est que l’effet de cette asymétrie. Les terroristes ne pouvant s’attaquer aux forces armées, faute de moyens (sauf dans le cadre particulier d’une insurrection comprenant la guérilla), ils sont obligés de s’attaquer à d’autres cibles, y compris, logiquement, les civils. Par ailleurs, le but des terroristes étant généralement de déstabiliser un pouvoir politique, ils jouent avec une opinion publique particulièrement sensible aux problèmes d’insécurité. Ajoutons aussi que dans le cadre de l’évolution de la démocratie qu’a connu le monde au cours des deux derniers siècles, le citoyen est une figure aussi représentative de l’État que ne l’est le gouvernant, et plus vulnérable aussi, ce qui explique pourquoi les gouvernants ont laissé place aux civils anonymes comme cible privilégiée des terroristes. Pour résumer, je proposerai moi-même cette définition (imparfaite comme toutes les autres) : un acte terroriste est un acte politique dont le but est de déstabiliser un gouvernement ou un appareil politique, où les effets psychologiques recherchés sont inversement proportionnels aux moyens physiques employés et dont la cible principale, mais non exclusive, est la population civile.

Existe-t-il une différence fondamentale entre le terrorisme « politique » et le terrorisme « religieux » ?

Depuis 1979 et la révolution iranienne est apparu le phénomène du terrorisme islamiste qui a supplanté le terrorisme d’inspiration marxiste-léniniste des années 1960 –1970. Dans l’histoire, si l’on exclut le cas de la secte des Assassins, le terrorisme est principalement un terrorisme « non-religieux » ou si l’on préfère, laïc. Il apparaît que les terrorismes ont une chose en commun dans l’histoire : le projet politique, réaliste ou pas, qui anime pratiquement tous les groupes employant la technique terroriste, y compris les anarchistes. Seule exception à la règle, peut-être, les nihilistes russes de la fin du 19e siècle, immortalisés par Dostoïevski dans Les Possédés, à travers la figure de Sergeï Netchaïev, mais dont l’impact fut quasiment nul, et qu’on a tendance à confondre avec les populistes et anarchistes russes de la même époque, qui eux commirent beaucoup d’attentats. Or, dans pratiquement tous les cas de figure, se greffe à ce projet politique une idéologie qui peut prendre plusieurs formes : marxiste, anarchiste, fasciste, nationaliste, et fondamentaliste religieuse. Le terrorisme islamisme appartient à cette dernière catégorie, comme d’autres formes de terrorisme fondamentaliste. La dimension religieuse du terrorisme, s’il elle est importante n’est pas, à mon sens essentielle. Elle est importante car la religion offre une base plus large que l’idéologie séculaire ainsi qu’une plus grande source de légitimité. En ce sens, le terrorisme d’inspiration religieuse se rapproche plutôt du terrorisme d’inspiration nationaliste : forte identification à un groupe ; désir profond de changer le statu quo politique ; souvent aussi, de revenir à un âge d’or passé (communauté des croyants, État indépendant) plutôt que d’accéder – plus rapidement - à une nouvelle étape de l’histoire.

Pourquoi le terroriste de l’un est-il le combattant (de la liberté, de Dieu, etc…) de l’autre ?

Aucun groupe ou individu ne s’affiche comme étant « terroriste ». Le terrorisme étant avant tout une technique, le « terroriste » est tout simplement celui qui emploie cette technique à des fins diverses qui peuvent paraître légitimes pour les uns, immorales et abominables pour les autres. Le terrorisme se situant dans la sphère de la guerre psychologique, c’est donc sur ce théâtre que se joue la partie, où les renvois d’images comptent pour une bonne part de la réussite. Le « terroriste » cherche généralement à affaiblir l’État qu’il combat en projetant une image négative de son adversaire (faible, illégitime, corrompu, etc…). L’État tente de son côté de renvoyer une image négative de son adversaire afin d’éviter qu’il ne génère un soutien populaire : le « terroriste » est immoral, irrationnel, barbare, stupide, fanatique, etc…. Or, dans les esprits, le terme « terroriste » est le symbole de cette image négative, que les Etats engagés dans la lutte terroriste ne vont cesser d’amplifier, souvent à l’aide des médias, ces derniers faisant partie intégrale de ce jeux à trois. Rappelons qu’au moment même où Lénine lançait les premières campagnes de terreur de l’URSS – Staline ne fit que suivre le chemin tracé par son illustre prédécesseur -, il s’en prenait d’abord à ceux qu’il qualifiait de « terroristes » (anarchistes, etc.. ) .
Nous touchons ici à la dimension morale du terrorisme (que capte remarquablement la pièce d’Albert Camus, Les Justes, basée sur un incident réel). Si l’on s’en tient à une éthique de type kantien, l’emploi du terrorisme est par définition immorale, et rien ne peut la justifier. En revanche, une éthique fondée sur les conséquences de l’acte offre un champ beaucoup plus ouvert : ainsi le terrorisme pratiqué dans le contexte des luttes anti-coloniales apparaît-il aujourd’hui, pour certains du moins, comme foncièrement moral, ou tout au moins comme non immoral. Dans le cadre d’un conflit asymétrique du faible au fort, l’emploi de la terreur peut éventuellement se justifier. Néanmoins, la présence de vastes zones grises fait qu’il est parfois très compliqué de donner la mesure exacte de l’acte. Pour exemple : est-il légitime que le Hamas ait recours au terrorisme ? Ou encore, Israël est-il un État terroriste ? De toutes manières, il est évident que la plupart des terroristes se perçoivent comme des justes agissant pour une cause supérieure où la fin justifie les moyens. S’il est difficile de trancher sur le vif, il semble toutefois que l’Histoire parvienne à faire la part des choses, tout au moins à légitimer certains actes terroristes (cas de l’Irlande autour des années 1920 ; de l’Inde, du Kenya, de l’Algérie et d’autres durant la décolonisation). Enfin, le terme « terroriste », aussi imparfait soit-il, est plus facile à utiliser que, par exemple, « groupe utilisant l’arme du terrorisme », ce qui explique aussi pourquoi ce terme ambigu est employé dans le langage courant, y compris par l’auteur de ces lignes.

Le terrorisme de destruction massive présente-t-il un réel danger aujourd’hui ?

La fin de la guerre froide a vu disparaître la menace d’un cataclysme nucléaire qui pesait sur le monde tel l’épée de Damoclès. A cette menace se sont substitués deux dangers susceptibles de bousculer le monde relativement sûr des grandes zones industrialisées : la prolifération nucléaire (et des armes de destruction massive) et le terrorisme. Il était logique que ces deux menaces fassent l’objet d’un regroupement représentant la menace ultime contre la paix dans le monde : le terrorisme de destruction massive. Pour des raisons principalement politiques, provoquées en partie par les attentats du 11 septembre 2001 et par l’arrivée au pouvoir la même année des « néo-conservateurs », cette menace constitue désormais le cheval de bataille de l’administration Bush, dont l’écho a été véhiculé dans le monde par divers modes de communication, y compris le cinéma et la littérature. Qu’en est-il de ce danger? Que des groupes terroristes utilisent des ADM [Armes de Destruction Massive], cela ne fait aucun doute puisque ce scénario s’est déjà produit au Japon il y a une dizaine d’années. Pour autant, plus une arme a un potentiel destructeur plus elle est difficile à acheter, à obtenir, et surtout à manipuler. Or, les groupes terroristes, à moins qu’ils ne soient appuyés par des États, n’ont pas les ressources ou les moyens nécessaires pour se lancer dans des aventures extrêmement périlleuses susceptibles de compliquer une existence déjà fort compliquée. Surtout, les moyens classiques sont amplement suffisants pour les objectifs que les terroristes cherchent à atteindre ; On voit d’ailleurs avec le cas du 11 septembre que des ADM ne sont pas indispensables pour provoquer des destructions massives. Mais comme le terrorisme est un jeu d’échecs psychologique, le simple fait qu’un groupe clandestin parvienne à faire croire qu’il possède des ADM représente une victoire politique, ne serait-ce que parce que les États engagés dans la lutte anti-terroriste dépensent une grande partie de leurs ressources dans la prévention d’une attaque d’ADM. Dans le même ordre d’idées, plus un pays est préparé à faire face à une telle attaque, et moins un attentat terroriste aux ADM aurait d’impact sur la psyché collective. En somme, le terrorisme de destruction massive est à la fois une réalité toute proche mais qui risque de rester dans le domaine du virtuel pendant encore un moment. Notons que dans l’histoire du terrorisme, les techniques ont très peu évolué depuis l’invention de la dynamite en 1867, pour la bonne raison que la force du terrorisme n’est pas de frapper fort mais en un point sensible où cela fait le plus mal – et en général où on s’y attend le moins – donc où il n’est pas nécessaire de posséder l’arme la plus sophistiquée. Gageons que l’imagination des terroristes se traduira plutôt par des choix de cibles nouveaux et surprenants plutôt que par le désir d’acquérir des armes de destruction massive.

Table des matières
Patrice SAWICKI, terrorismes, guerres et médias
Arnaud BLIN, définitions, questions et réponses sur les formes de terrorisme
Serge SUR, un mal qui répand la terreur
Julien FRAGNON, Médias et Politique face au terrorisme : la nécessité
d'une régulation





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