Des revenus toujours plus hauts pour les Gessiens
Economiquement parlant, les communes frontalières bénéficient, entre autres, des hauts niveaux de rémunération accordés dans le pôle économique genevois. Pour d’autres en revanche, formant une sorte de couronne autour du lac d’Annecy, la part des ménages déclarant des revenus perçus à l’étranger paraît trop faible pour expliquer le niveau élevé de revenu par unité de consommation. Les explications les plus probables sont à aller chercher dans le développement et la forte attractivité de cette zone d’emploi au cours des dernières décennies.
Le revenu médian par unité de consommation du Genevois français s’élève à 26400 euros, soit 6300€ de plus que la moyenne de la région Rhône-Alpes; une supériorité qui touche quasiment toutes les communes du secteur.
Calculer la richesse à l’aune des déclarations de revenus de ses habitants, un bon moyen pour se faire une idée du niveau de vie d’une région; c’est ce qu’a fait l’Observatoire transfrontalier, avec des résultats éloquents: en 2011, les Gessiens ont déclaré des revenus de l’ordre de 40% supérieurs à leurs homologues rhônalpins; mais ces résultats sont en trompe-l’œil, car ils ne concernent qu’une partie de la population. Celle dont l’activité est réalisée hors de France.
Comment définir la notion de richesse? Le PIB (Produit intérieur brut) peut être la référence au niveau national, mais localement? Ce bon indicateur de l’état de santé d’une région, c’est l’impôt sur le revenu. Et, dans ce domaine, la région frontalière n’est pas à plaindre. Au titre de l’année 2011, les ménages français du Genevois (Genevois haut-savoyard + Pays de Gex) ont ainsi déclaré huit milliards d’euros.
Une somme en progression de 85% en près de 10 ans (période 2003-2011) qui montre, si besoin était, l’insolente vitalité de la région frontalière, aidée il est vrai par la non moins insolente situation économique suisse et genevoise. Car, pour près de la moitié, cette somme provient d’activités réalisées en dehors de la France. Tel est l’implacable constat dressé par l’Observatoire statistique transfrontalier.
Disparités
En 2011, les ménages du Genevois français ont ainsi déclaré 53000€ en moyenne, ce qui représente un écart de 40% par rapport à la moyenne régionale (37800€) et de 16% par rapport au département de la Haute-Savoie. Les habitants de la partie Ain du Genevois français (pour l’essentiel ceux du Pays de Gex) se singularisent quant à eux par des revenus annuels moyens par ménage supérieurs à ceux de leurs voisins haut-savoyards: 55400€ contre 52000€ de l’autre côté du Rhône.
Il s’agit cependant d’une situation qui masque d’importantes disparités. Parce que ces revenus, très au-dessus de la moyenne, ne concernent véritablement qu’un tiers des ménages du territoire. Et parce que ces écarts de ressources entre les ménages percevant des revenus à l’étranger et les autres sont très prononcés, surtout dans le Pays de Gex.
En 2011 donc, 3,8 milliards d’euros ont ainsi été perçus à l’étranger par des ménages du Genevois français, comme le souligne encore l’Observatoire transfrontalier dans son étude statistique. Dans le détail, l’on remarque que 71300 ménages rhônalpins (soit 2,7%) ont déclaré avoir perçu des revenus à l’étranger pour un montant total de 4,8 milliards d’euros.
«Les niveaux élevés des revenus des ménages du Genevois français sont très largement imputables au poids de ceux perçus à l’étranger, en particulier dans le canton de Genève.»
En outre, les trois quarts d’entre eux résident dans le Genevois français, les zones d’emploi d’Annecy et du Chablais ne réunissant respectivement que 10% et 6% des ménages à revenus de source étrangère. A l’échelon des départements, 74,3% des ménages rhônalpins déclarant avoir perçu des revenus à l’étranger en 2011 habitent en Haute-Savoie, 19,8% dans le département de l’Ain.
Les revenus médians par unité de consommation (notion permettant de comparer le niveau de vie de ménages de taille et de composition différentes) des foyers du Genevois français percevant des revenus à l’étranger sont pour leur part très supérieurs à ceux des autres déclarants: 42200 euros en 2011 contre 18700€, soit un écart de 125%. Cette différence est encore accrue dans le seul Pays de Gex (145%).
Restent que les trois quarts des habitants du Genevois français ne percevant leurs revenus qu’en France déclarent moins de 27800€, alors que 75% des ménages à revenus étrangers déclarent plus de 30600€. Une situation qui n’est, certes, pas nouvelle, mais qui tend à s’accentuer, entraînant un risque toujours plus grand de déséquilibre au sein des départements limitrophes, entre leurs habitants qui travaillent en Suisse, et ceux qui perçoivent leurs revenus en euros.
Commune par commune
Les revenus médians par unité de consommation (UC) les plus élevés sont logiquement observés dans les communes du Genevois français les plus proches de la frontière franco-genevoise. C’est particulièrement vrai pour vingt d’entre elles, toutes situées autour de Genève et dont ce revenu médian est supérieur d’au moins 75% à celui observé ailleurs en Rhône-Alpes. Il est ainsi de 40000€ à Collonges-sous-Salève et à Veigy-Foncenex, de 41000€ à Echenevex, de plus de 42000€ à Nernier et même de 45000€ à Archamps.
Ce revenu médian par UC diminue progressivement à mesure que l’on s’éloigne de Genève en direction du Chablais, de la Vallée de l’Arve ou de la zone d’emploi d’Oyonnax. A une différence près, celle d’Annecy qui regroupe également un nombre non négligeable de communes où ce revenu est élevé.
Enfin, bien que les revenus médians par unité de consommation soient particulièrement élevés dans la partie Ain du Genevois (44100€ contre 41600 côté Haute-Savoie), les ménages percevant des revenus à l’étranger y sont aussi moins fréquents.
Chiffres
En 2011, la région Rhône-Alpes comptait 2635000 ménages fiscaux; 12% d’entre eux résidaient en Haute-Savoie et 9,2% dans le département de l’Ain. Près de 100 milliards d’euros ont été déclarés par les ménages rhônalpins à l’administration fiscale française au titre des revenus perçus en 2011. Les ménages haut-savoyards représentaient 14,5% de ce montant, ceux résidant dans l’Ain 9,8%.
Comparatif
Les ménages du Genevois français ont déclaré avoir perçu un peu plus de 8 milliards d’euros de revenus imposables en 2011, dont 5,8 milliards (71,8%) pour les Haut-savoyards. Cela représente un montant total nettement supérieur aux revenus déclarés par les habitants de la Vallée de l’Arve (un milliard d’euros), du Chablais (1,7 milliard) ou encore de la zone d’emploi d’Annecy (5,1 milliards d’euros).
Frontaliers
Les deux tiers des communes du Genevois français (115 collectivités) comptabilisent de l’ordre de 30% de leurs ménages travaillant en Suisse. Cette proportion dépasse les 60% sur les communes d’Archamps ou de Veigy-Foncenex. Mais toutes les communes de ce territoire que l’on appelle Genevois français (Genevois haut-savoyard et Pays de Gex) ont sur leur territoire des ménages déclarant des revenus à l’étranger. La part de ces ménages est supérieure à 30% dans 115 d’entre elles, soit dans les deux tiers de la zone d’emploi. Ce sont en grande majorité les communes où sont aussi observés les plus hauts revenus médians par UC. Cela se vérifie particulièrement pour les communes d’Archamps et de Saint-Blaise (près de 62% des ménages y perçoivent des revenus hors de France) ou encore pour Veigy-Foncenex (60%).
LE + DU WEB
6 milliards de salaires
De source fiscale genevoise, la somme des salaires touchés par les habitants de l’Ain et de la Haute-Savoie pour leur activité professionnelle dans le canton de Genève se monte à 7,3 milliards de francs suisses en 2011, soit 5,9 milliards d’euros. Cette somme a progressé de 85% entre 2003 et 2011. Or, la source fiscale française fait état de 4,6 milliards d’euros pour les revenus de source étrangère des ménages des deux départements frontaliers.
Comment expliquer cette différence? L’Observatoire statistique transfrontalier avance, d’une part, que la source genevoise porte sur des salaires bruts, avant déduction des cotisations sociales à la charge du salarié et des primes d’assurance-maladie. Les revenus de la source française sont nets de ces cotisations et primes.
D’autre part, les revenus de la source française ne sont pas constitués uniquement de salaires: ils comprennent aussi des revenus d’exploitation et de la fortune. Cela étant, en termes de montant, la déduction des cotisations et primes l’emporte certainement, et de loin, sur la différence due aux types de revenus pris en compte.
L’écart de 21,7% entre les deux chiffres est donc fort vraisemblable et ces chiffres peuvent ainsi être considérés comme cohérents entre eux. La somme des salaires citée ici est produite par l’administration fiscale genevoise pour la péréquation financière inter-cantonale, mécanisme qui vise à réduire les importantes différences de ressources entre les cantons en Suisse.
Les montants de la péréquation sont calculés par l’Administration fédérale des finances (AFF) sur la base des données transmises par les administrations fiscales cantonales. Ces calculs nécessitent des traitements particuliers pour les revenus des contribuables imposés à la source qui obligent l’administration fiscale genevoise à fournir cette somme à l’AFF. Les données qui entrent dans les calculs de la péréquation sont publiques et disponibles sur le site Internet de l’AFF.
Par Bertrand Durovray - Article publié le 09/01/2015
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