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L’impératrice défait le reître

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Publié par dans Politique ·

Lettre bernoise 60
L’impératrice défait le reître

Cher Klaus,

Les augures le savaient : l’Impératrice Merkel déferait le reître Steinbrück. L’incertitude portait sur l’ampleur de la victoire ; elle est écrasante, atténuée par le mode de scrutin et les particularités régionales d’un Etat fédéral. La CDU-CSU obtient 41,5% et 311 sièges au Bundestag, le SPD 25,7% et 192 sièges, Die Linke (réunissant des dissidents de gauche du SPD et d’anciens communistes de la RDA) 8,6% et 64 sièges, les verts 8,4% et 63 sièges.  Les deux grands partis progressent et les petits partis régressent, à l’exception de la nouvelle formation des milieux d’affaires hostile à l’euro, « Alternative pour l’Allemagne », qui, avec 4,7%, frôle la barre des 5% qui lui aurait permis d’entrer au Bundestag. Angela Merkel et Peer Steinbrück ont en commun d’être nés à Hambourg. De surcroît, de 2005 à 2009, il a été le conciliant ministre des finances de la chancelière dans le gouvernement de grande coalition entre chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates.

La force tranquille de l’impératrice terrasse les foucades du « pont de pierre »,  le patronyme écorché de Steinbrück en français. L’étonnant, cher Klaus, est que la social-démocratie allemande se soit choisi un si mauvais chef de cavalerie, qui, en amateur de westerns, se flatta de mettre en déroute ces indiens de Suisses dans le différend fiscal entre nos deux nations. Dans un pays riche où les pauvres ne manquent pas, où la flexibilité du travail est la règle, les sociaux-démocrates n’ont pas craint de choisir pour héraut un millionnaire, ancien administrateur de Thyssenkrupp,  prêchant à prix d’or (1,25 millions d’€) la bonne parole de l’orthodoxie financière devant des cénacles choisis. Le truculent Steinbruck n’hésita pas à traiter de clowns deux dirigeants politiques italiens, ni à imputer le manque de ferveur européenne de Merkel à son passé est-allemand, ni, pour couronner le tout, à se faire photographier faisant un doigt d’honneur (Stinkefinger, ou « doigt puant » en allemand). De tels dérapages lui ont aliéné des voix populaires, féminines, est-allemandes, d’autres encore.

L’Impératrice est une physicienne. Face à l’énergumène Steinbrück, elle fit montre d’une grande puissance : la force d’inertie. Nonobstant un positionnement tactique « à gauche » n’abusant pas grand monde, le vacarme du candidat social-démocrate visait à faire oublier le peu de différences essentielles avec la chancelière chrétienne-démocrate sortante, qui s’offrit le luxe de quelques semblants progressistes. Angela se montra inébranlable, patriotiquement allemande, savourant même, in petto, l’impopularité dont l’étranger la gratifiait. Par conviction autant que par souci de ne pas laisser le champ libre au nouveau parti eurosceptique « Alternative pour l’Allemagne », elle mania la physique des forces, neutralisant l’européisme des uns par l’euroscepticisme des autres.

Tout cela est-il l’essentiel ? L’inédit ? D’autres signes, cher Klaus, méritent l’attention, dont la disparition à la chambre basse du parti libéral (FDP), le désamour des intellectuels pour la politique officielle. La victoire d’Angela Merkel atteste de l’inertie politique allemande adossée à son isomorphisme aux tendances de l’économie mondialisée. L’industrie allemande fournit en bien d’équipement et en produit de consommation de luxe les pays émergents et leurs classes  dominantes. Devançant la France, l’Allemagne est aussi devenue le troisième fournisseur d’armes conventionnelles de la planète, sans compter quelques suspicions de ventes de substances chimiques pouvant servir à la fabrication d’armes illicites.

Tout va très bien, Madame l’Impératrice. L’impéritie de vos rivaux, au-dedans et au-dehors, vous met en valeur, leur exubérance fait ressortir votre sobriété, dont vos costumes sont la marque. Avec talent, vous feignez de ne pas assumer l’hégémonie d’une Europe que vous prenez pourtant la peine de dominer. Rien n’interdit de penser que vous avez gardé quelques souvenances de vos cours de matérialisme dialectique, de votre pratique de la retenue, apprise par votre père, pasteur luthérien, et par le régime communiste.

Vous allez continuer à exporter chez nous vos médecins, vos cadres d’entreprises, vos ouvriers qualifiés, et à faire venir en Allemagne des informaticiens indiens ou des personnels turcs et français, qualifiés ou non. Le déficit démographique sera traité plus tard. La fabrique des bébés, leur accueil en crèches, les facilités accordées aux femmes au travail s’avèrent moins faciles que la production de Mercedes et de Porsche destinées à l’exportation. Sur ce point de la fabrication des bébés, vos voisins français sont imbattables, prenez-en de la graine.

L’Allemagne ne veut pas dominer par la guerre, ni même s’associer aux ingérences chères à tant de dirigeants occidentaux. Elle laisse cette tocade aux fanfarons Français, qui en déduisent naïvement qu’elle refuse le leadership. Elle prolonge l’indéfectible alliance avec les Etats-Unis, confortée, elle ne manqua pas de le faire remarquer aux détracteurs qui lui reprochèrent se complaisance pour l’espionnage informatique de l’Oncle Sam, par ses prédécesseurs sociaux-démocrates. L’Allemagne paya sa part dans la première guerre du Golfe sans se souiller les mains. Autant que faire se peut, elle livre la guerre par procuration.

Cher Klaus, le sourire d’Angela, sa retenue, n’enlèvent rien à la suprématie allemande. Le modèle européen, l’euro, l’économie mondiale, lui vont comme un gant.

Le déséquilibre politique que crée la prépotence allemande est et sera une source d’instabilité. Il appartiendrait à ses voisins de prendre les mesures de rééquilibrage nécessaires. On ne voit guère qu’ils en prennent le chemin, nonobstant leurs rodomontades.

Ton Guillaume tel qu’il te semble : admiratif de l’impératrice, inquiet de l’empire.

Berne, le 23 septembre 2013




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