Conférence de Alain Marti

Publié par DDS le

Déjeuner-débat à Genève

D&DS

Saison 2012-2013

Vendredi 14 décembre 2012

au

6, rue de la Scie 1207 Genève

Nous aurons l’honneur de recevoir

Alain Marti

Alain Marti

Avocat et homme de lettres

Commémoration des 75 ans du rejet de l’initiative Fonjallaz

Résumé: L’initiative Fonjallaz

Une demande d’initiative populaire, portant 56.000 signatures, a été déposée à la Chancellerie fédérale dans le dessein d’obtenir l’interdiction légale des soi-disant «sociétés secrètes» telles que FRANCS-MAÇONS, ODD FELLOWS, UNION, et sociétés similaires. Par un amas de mensonges, de calomnies et d’altérations de toute nature, les Fronts, les Ligues et certains milieux catholiques ont excité un grand nombre de citoyens à tel point que ceux-ci ont fini par apposer leur signature sur les listes. Là où ces manœuvres échouèrent, on eut recours aux épouses qui furent induites, sur la foi d’informations mensongères, à signer pour leurs maris, ce qui constitue naturellement un délit. Par des machinations de ce genre on est parvenu à réunir le nombre de signatures nécessaires et, maintenant, le peuple suisse va être appelé à faciliter la réalisation des projets des Fronts et Ligues en faisant la première brèche dans le droit d’association garanti par la Constitution.
Nous espérons fermement que le peuple saura reconnaître ses véritables ennemis et refusera de diffamer 10.000 citoyens suisses, auxquels, en toute justice, on ne saurait rien reprocher.
Le Conseil fédéral avait chargé le Département de Justice d’établir un rapport sur cette initiative. Celui-ci se livra à une enquête approfondie. Les trois associations incriminées lui avaient fourni spontanément leurs constitutions, statuts, listes de membres et règlements divers ainsi que tous leurs rituels et catéchismes. De même, elles lui ouvrirent entièrement leurs archives, car elles n’avaient rien à dissimuler, quand bien même elles n’avaient point jusqu’ici communiqué ces documents au grand public pour des raisons diverses et naturelles.
Le rapport du Département de Justice, que le Conseil fédéral approuva A L’UNANIMITÉ, aboutit d’ailleurs à la conclusion que, dans les trois associations incriminées, rien n’avait pu être trouvé qui puisse les faire considérer comme illicites ou dangereuses pour l’Etat. Leurs adversaires n’ONT, EN AUCUN CAS, PU APPORTER DE PREUVES DE LEURS. AFFIRMATIONS. Une modification de la Constitution est inutile parce que l’article 56, dans sa teneur actuelle, est suffisamment explicite pour permettre aux autorités d’inter- venir en cas de besoin.
Une nouvelle restriction du droit d’association ne saurait se justifier et constituerait un affaiblissement sensible de l’idée démocratique.
Le Conseil fédéral parvient ainsi à la conclusion qu’il n’y a pas lieu de procéder à une révision de la Constitution, telle que la demande l’initiative Fonjallaz, et propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple le rejet de cette initiative.
Le Conseil National et le Conseil des Etats ont tous deux nommé des commissions spéciales chargées d’étudier le rapport du Conseil fédéral. Celles-ci ont procédé à un examen approfondi de la question et décidé à l’unanimité de recommander le rejet de l’initiative. Enfin, les débats du Conseil National de décembre 1936 et juin 1937 ont abouti également à un vote négatif, le Conseil National ayant décidé à l’unanimité moins 2 voix (celle du conseiller national frontiste Tobler et celle du conseiller national Duttweiler) de recommander au peuple le rejet de l’initiative. Le Conseil des États a aussi pris position contre l’initiative Fonjallaz.


Document:

Initiative Fonjallaz Magazine Alpina 2012/12

Auteur: Dominique Freymond
75e anniversaire du refus de l’initiative Fonjallaz : une leçon de courage !

Le 28 novembre 1937, le peuple suisse rejetait l’initiative «Fonjallaz». Nous fêtons aujourd’hui le 75e anniversaire du rejet de l’initiative en faveur de l’interdiction des sociétés maçonniques. Durant la période troublée de l’entre-deux-guerres nos frères menèrent un combat courageux pour éviter la remise en cause de l’Alpina et pour défendre la liberté d’association.
Fils de Charles Fonjallaz et d’Emmy Margaretha Gelzer, Arthur Fonjallaz naît le 2 janvier 1875 à l’asile psychiatrique de Cery (Prilly) où sa mère est internée. Après ses études secondaires, il suit les cours de l’académie militaire de de Modène, où naît son italophilie. Rentré en Suisse en 1895, sa carrière militaire est rapide pendant qu’il effectue en parallèle des études de sciences sociales et politiques à Lausanne où il obtiendra un doctorat en 1922. Toutefois, en 1923, le colonel brigadier Arthur Fonjallaz démissionne, à la suite de divers conflits dans l’armée suisse, notamment l’affaire Estoppey-Bornand. De 1931 à 1933, chargé de cours à la section militaire de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, il mène parallèlement des affaires financières désastreuses. Politiquement, il adhère au parti des paysans, artisans et indépendants (1927-1932), puis évolue par étapes vers l’extrême-droite. En 1932, il milite à la Heimatwehr avant de fonder une année plus tard, à Rome et en grande pompe, la Fédération fasciste suisse. Condamné en février 1941 pour espionnage au bénéfice de l’Allemagne, le colonel Fonjallaz est emprisonné puis libéré sous condition en avril 1943.

Il mourra probablement d’une insuffisance cardiaque le 24 janvier 1944 à l’âge de 69 ans et sera modestement enseveli au cimetière de Saint Moritz.

Lancement de l’initiative et principaux arguments

Avec l’appui financier et politique de Benito Mussolini, Arthur Fonjallaz lance, avec sa Fédération fasciste suisse, une initiative fédérale qui propose un nouvel article 56 de la constitution fédérale avec la teneur suivante: «Les citoyens ont le droit de former des associations, pourvu qu’il n’y ait, dans le but de ces associations ou dans les moyens qu’elles emploient, rien d’illicite ou de dangereux pour l’Etat. Les lois cantonales statuent les mesures nécessaires à la répression des abus. Cependant les sociétés franc-maçonniques, les loges maçonniques et Odd Fellows, la société philanthropique Union et les associations affiliées ou similaires sont interdites en Suisse. Toute activité quelconque se rattachant directement ou indirectement à de semblables associations étrangères est également interdite sur le territoire suisse». Claude Cantini propose une explication sur les motivations du Colonel Fonjallaz. La récolte des signatures commence le 15 avril 1934. L’initiative est déposée le 31 octobre 1934 à la Chancellerie fédérale qui reconnaît formellement son aboutissement le 10 décembre 1934 avec 56 238 signatures valables sur 57 303.
Dans un tract encourageant à signer l’initiative, nous trouvons les arguments les plus fréquents : «On sent confusément les manœuvres occultes d’un pouvoir secret qui confisque l’Etat à son profit et fait litière de tout scrupule pour protéger des coupables, pour caser des gens incapables et des ambitieux dont le seul souci est de se servir aux dépends de la collectivité… La franc-maçonnerie travaille, sous le couvert d’une prétendue philanthropie, à l’asservissement général…Dans la grande masse, les Francs-Maçons sont évidemment des dupes, enrôlés par naïveté, par cupidité, mais ils obéissent à une redoutable hiérarchie… La franc-maçonnerie est l’arme secrète du piston !».

Soutiens politiques et ambiguïtés

Deux membres du Conseil national ont approuvé l’initiative dont naturellement le Dr Richard Tobler, chef du mouvement frontiste. Plus surprenant fut le soutien de Gottlieb Duttweiler, fondateur de l’Alliance des Indépendants et de la Migros. Voyant le risque que l’initiative soit refusée, il déposa le 8 juin 1937 la motion suivante: «Le Conseil fédéral est invité à déposer dans le plus bref délai un projet de loi ou d’article constitutionnel obligeant tout citoyen qui exerce ou postule une fonction publique à déclarer publiquement s’il appartient à une société secrète (loge maçonnique ou société analogue». Elle fut refusée par 63 voix contre 40. Le Conseiller fédéral Jean-Marie Musy, fribourgeois et PDC, joua un rôle ambigu. Il démissionne le 23 mars 1934 du Conseil fédéral. «Aussitôt certains le voient comme la victime d’un complot franc-maçon. Le pense-t-il également ? C’est possible car, dès cette époque, il se place plus nettement dans le camp des adversaires de la franc-maçonnerie», note Daniel Sebastiani dans sa thèse de doctorat sur J.-M. Musy. Quant à Arthur Fonjallaz apprenant sa démission, il lui tresse sur le champ une couronne de laurier.
De juin 1931 à août 1935, le Duce n’accordera pas moins de dix-huit audiences au fondateur du fascisme vaudois. Au total, depuis octobre 1932, Fonjallaz reçu du ministère des Affaires étrangères la somme colossale de 2 260 000 lires, soit environ 610 000 francs de l’époque, une des plus grosses subventions accordées par le Duce à des mouvements fascistes à l’étranger. En 1936 Rome cessa finalement d’apporter son aide parce qu’il était devenu évident que son mouvement n’avait pas obtenu de résultats concrets, et avait parfois même contribué à accentuer l’opposition contre le fascisme italien en Suisse».

Les défenseurs de la liberté d’association

L’écrivain bernois C.A. Loosli publia en 1935 son rapport officiel d’expert pour le Tribunal de Berne concernant le procès des «Protocoles de Sion». Selon lui, il n’y a que deux points de vue à faire valoir :

1) L’initiative trouble les notions de droit commun et de justice les plus élémentaires et les plus généralement reconnues, en abolissant les garanties constitutionnelle sur un point de droit essentiel, le droit d’association, et, implicitement, la liberté de foi et de conscience ; 2) elle établit à la place des garanties constitutionnelles et légales l’arbitraire despotique et illégal, ce qui reviendrait à l’abolition pure et simple du régime démocratique en Suisse. Donc : «Jeter le trouble dans l’opinion publique, semer la zizanie entre Confédérés, afin de pêcher en eau trouble, fomenter des discordes intérieures, afin de ruiner la constitution démocratique et républicaine au profit d’une dictature omnipotente de la tourbe fasciste et nationale-socialiste, voilà en dernière analyse le but de l’initiative Fonjallaz». Après une analyse détaillées et documentées de la franc-maçonnerie, il conclut : «Bon gré, mal gré, nous sommes obligés de nous rendre à l’évidence que la franc-maçonnerie, du simple fait qu’elle existe, soit qu’elle agisse, soit qu’elle demeure passive, représente l’un des postes les plus avancés de la défense des droits de l’homme et du citoyen et, de ce fait, de la liberté de foi et de conscience, du libre examen – donc de la démocratie dans l’acceptation la plus haute et la plus large du terme».

Positions du Conseil fédéral et des Chambres

Dans son rapport du 4 septembre 1936, le Conseil fédéral à l’unanimité aboutit à la conclusion que «rien n‘établit que la franc-maçonnerie et les autres sociétés nommément énumérées ou indirectement désignées par l’initiative soient illicites, dangereuses pour l’Etat ou contraires aux mœurs. En tout cas, l’abondante documentation que nous avons pu obtenir ne nous a pas apporté une preuve positive du contraire. De leur côté, les auteurs de l’initiative ne l’ont pas fournie non plus». Le Conseil national, après ses débats en décembre 1936 et juin 1937 a décidé à l’unanimité moins 2 voix de recommander au peuple le rejet de l’initiative. Le Conseil des Etats a pris la même position. Résultats du vote du 28 novembre 1937: l’initiative est rejetée par 515 327 non contre 234 980 oui avec un taux de participation de 64,5%. Seul le canton de Fribourg l’accepte avec 53 % de oui (participation de 43%) en raison de « l’influence du corporatisme, la présence de l’université catholique et la croisade antimaçonnique traditionnelle.», souligne l’historien fribourgeois Georges Andrey.
Conséquences de l’initiative : tentative de mise en sommeil de la GLSA. Malgré le vote clair en faveur de la liberté d’association, Alpina subira des conséquences négatives. Edmond Jomini dans son rapport en 1944 sur les loges vaudoises écrira : «Le Comité Directeur a répondu par un Non possumus net et catégorique aux tentatives de mise en sommeil de notre Grande Loge Suisse Alpina, exercée sous la contrainte d’événements politiques et militaires extérieurs à notre Patrie».

Par ailleurs, les coûts de la campagne contre l’initiative Fonjallaz ont été importants : 350 000.- francs de l’époque uniquement pour Alpina, soit environ 1 000.- par membre.

Message du Comité Directeur de l’Alpina

À l’issue de la votation, le Comité Directeur de l’Alpina publia le message suivant : «Le Comité Directeur tient à exprimer sa gratitude à tous les membres de la Grande Loge qui ont pris une part active à la lutte pour la défense de nos libertés (…) Au peuple suisse et à ses gouvernants, nous devons une profonde reconnaissance d’avoir prouvé une fois de plus, par le rejet imposant de l’initiative Fonjallaz, son inébranlable volonté de conserver intactes ses libertés fondamentales.
Cette reconnaissance envers le peuple et la patrie, d’autre part, implique l’obligation d’un accomplissement toujours plus consciencieux de notre devoir en Loge et au dehors, par l’élévation du niveau spirituel et intellectuel de nos travaux, par une prudence redoublée pour les admissions et par un contact plus étroit avec nos concitoyens, afin que nous méritions le vote de confiance prononcé par le peuple suisse le 28 novembre 1937».

Perte substantielle des effectifs

Rappelons qu’en 1935, selon C.A. Loosli, il y avait 8 920 loges maçonniques en Europe. En 1936, le Conseil fédéral estime à environ 5 000 les membres de la franc-maçonnerie suisse, dont 4 200 répartis dans 41 loges bleues, 450 au REAA, 150 au RER et environ 200 dans les loges mixtes. Alpina annonce officiellement 3 687 membres. Il n’y avait aucun franc-maçon au Conseil fédéral et à peu près une demi-douzaine dans l’Assemblée fédérale. L’épreuve laissa des traces comme l’explique Michel Cugnet : «Cette campagne antimaçonnique et les premières victoires de l’Axe Rome-Berlin laissèrent néanmoins de nombreuses cicatrices à la Maçonnerie suisse, qui vit de nombreux frères, en bute aux pressions extérieures, obligés de démissionner des Loges pour épargner autant leur vie familiale que leur vie professionnelle !». Après la Deuxième Guerre mondiale la maçonnerie suisse avait perdu la moitié de ses effectifs en tombant à quelque 2 500 adhérents en 1945.
En conclusion saluons leur courage de nos frères. Rendons hommage à nos frères qui se sont battus pour défendre nos valeurs, la liberté d’association, la liberté d’expression et les autres valeurs liées à la démocratie. «Le courage n’est pas l’absence de peur mais la conviction que l’objectif final est plus important que la peur». Ne jugeons pas les frères qui devaient pour des raisons personnelles se mettre en retrait, voire en sommeil. Chacun est seul juge de son attitude et de sa décision. Restons attentifs et vigilants. N’oublions pas les événements graves qui ont amené la Deuxième Guerre mondiale avec toutes ses conséquences. Cultivons ces souvenirs, non par nostalgie, mais pour demeurer vigilant et être capable d’agir à temps si les circonstances l’exigent. La franc-maçonnerie, de par ses caractéristiques intrinsèques, ne peut pas éviter d’avoir des détracteurs, des opposants et des ennemis. La liberté et la démocratie ne sont pas des acquis. Tout peut rapidement basculer. À nous de rester attentif et soyons prêt à agir directement, publiquement ou en arrière-plan, si les circonstances l’exigent et si nous le pouvons. Gardons confiance dans la force du mouvement maçonnique, son histoire, ses valeurs et ses rituels pour maintenir sa capacité à poursuivre ce combat pour la liberté et la démocratie dans le futur, quelles que soient les circonstances.


Dominique Freymond – loge Liberté, Lausanne

11h45  Accueil

12h10 Repas

13h00 Déjeuner-débat

Débats réservés aux Francs-maçons et Franc-maçonnes

Soyez les bienvenu(e)s.


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