Menu principal :
News
Le néo populisme est arrivé, par Alexandre Dorna
L’historique des populismes nous a permis de saisir le va-et-vient de ses contradictions idéologiques et de ses postures antonymiques. Aussi bien que le rôle vital de ses figures charismatiques, toutes différentes et toutes bariolées. Et un discours obéissant à des règles à géométrie variable. Avec cependant un air de famille qui traverse toutes leurs histoires. Un positionnement idéologique chargé d’interpellation avec une volonté d’articulation des conflits, des classes et des paroles. A y réfléchir, sommes-nous devant une théorie politique implicite (sociologique et psychologique) dont les éléments éclatés nous parlent d’un paradigme perdu où « la » politique n’est pas séparée « du » politique, l’opinion de la connaissance, et l’homme de la cité.
Si le populisme confère une identité aux déçus, aux démunis, aux révoltés, alors nous avons certainement intérêt à retrouver ses traces et à prêter attention à ses paroles. Il y a là, peut-être, une zone inexplorée de la connaissance anthropo-psycho-politique, car le populisme est en quelque sorte un concentré d’affectivité retenue. Une richesse archéologique enterrée sous un amas de malentendus et de préconçus échafaudés tout au long de ses affrontements avec les élites gouvernantes en déperdition de sens. Une forme d’action qui nous rappelle le besoin de penser la politique politiquement. Pour y voir un peu plus clair, observons, avec les yeux grands ouverts, en suivant le conseil de B. Gracian, les divers passages des populistes qui, à la manière des comètes, traversent de temps en temps le firmament politique de nos sociétés modernes, laissant une traînée d’éléments divers qui parlent de l’origine de notre culture.
Premier élément : le populisme n'est pas un simple mouvement de masse, mais un processus de masse, sous le signe de la protestation et en réaction à l'attitude (jugée courageuse) et à l’appel au peuple lancé par un leader charismatique qui affronte le système politique en place et les élites au pouvoir
.
Deuxième élément : Le style charismatique du leader compte pour beaucoup, car la forme entraîne le fond. C’est le jeu de la séduction et du savoir-faire, de la finesse dans l’esquive, du contact direct et chaleureux avec autrui. Il a l’énergie contagieuse, la dimension anti-dépressive et l’enthousiasme charismatique, dont les gouvernants sont dépourvus.
Troisième élément : La parole du leader charismatique épouse la rhétorique, mais rarement la démagogie, et, si l’imposture guette le chef démagogue, la démesure accompagne le leadership populiste.
Quatrième élément : Le ciment du populisme n’est pas sociologique, mais psychologique, véritable socle sur lequel tous les autres composants (sociologiques, politiques et économiques) se mettent en place pour former un nouveau monde imaginaire. La caractéristique principale du populisme n’est pas l’effervescence sociale, mais son potentiel de contestation.
Cinquième élément : L’appel des leaders populistes s'adresse à tout le peuple, avec une farouche volonté de rupture, mais tout particulièrement à tous ceux qui subissent en silence l’impasse et la misère, afin de contribuer au retour de l’unité nationale. Il y a donc évocation des grands mythes fondateurs et vision d’un avenir à la hauteur des espoirs de la nation. Les gestes symboliques jouent ici un formidable rôle de reconnaissance.
Sixième élément : les populismes émergent toujours associés à une situation de crise sociétale profonde, touchant à la fois les valeurs et le système politique en place. Cette crise, faut-il la chercher en amont d’une politique opaque et d’une classe politique coupable de confiscation de la volonté populaire ? Ou en aval, avec la perte de repères, le manque de confiance dans l’avenir, le conformisme des citoyens, l’impression d'un épuisement culturel et idéologique, l’érosion de la cohésion sociale, l’immobilisme des institutions, la désintégration de l’âme collective, la disparition accélérée de la tradition. En somme, une perte de sens qui se traduit par l’abandon d’un projet d’avenir commun.
Septième élément : C’est l'alchimie de trois composantes psychologiques qui font du populisme une sorte de révolte spontanée : la déception, la frustration et l’attente.
Huitième élément : Le leader populiste se distingue d'autres types charismatiques (Dorna 1998) par la plasticité et l'habileté avec laquelle il façonne une communauté émotionnelle de suiveurs, organisés en cercles concentriques autour de sa propre personne. La magie se trouve dans le contact direct et le dialogue avec tous, les échanges ouverts, vivaces, directs et l’attitude de disponibilité permanente, sans affectation ni calcul apparent. En synthèse, ces éléments habitent toutes les expériences populistes.
D’où l’hypothèse d’une conception politique universelle et concrète qui permet d’envisager la recherche de ses mécanismes. Certes, il y a certaines situations plus riches que d’autres. Inutile d’insister sur tel ou tel point. Il n’existe pas une fabrique unique de populismes ni un moule standard de leaders. Chaque contexte et chaque culture produiront une forme distincte de populisme. Cela est valable aussi pour la présence et la formation plus ou moins flamboyante des leaders charismatiques. AD
Source: l'Observatoire de la démocratie