FM 300 ANS

Franc-maçonnerie

Commémoration des 300 ans de la Franc-maçonnerie moderne

Genève, le 9 juin 2017

La Franc-Maçonnerie dite spéculative a été formellement créée à Londres en 1717, par la réunion de diverses loges actives à Londres et à Westminster en une grande loge. Elle existait toutefois depuis un temps indéfini dans plusieurs pays, notamment en Ecosse. Elle est issue de l’admission dans des corporations de métier de personnes qui n’exerçaient pas effectivement lesdits métiers. Les loges sont devenues la réunion de personnes qui se regroupaient pour avoir un lieu d’échange sur les questions fondamentales de la vie. La Franc-Maçonnerie est l’héritière des corporation qui l’ont précédée et dont elle a repris les usages et les rituels. La Franc Maçonnerie transmet une tradition exprimée dans des symboles. Leur interprétation est laissée à l’appréciation de chacun de ses membres. Il règne partant la plus absolue liberté de penser au sein des loges. La Franc Maçonnerie a recueilli des traditions diverses, parmi lesquelles on citera notamment la Gnose, la Kabbale, l’Alchimie, qui sont sous-jacentes dans la symbolique maçonnique. La formation du franc maçon est assurée par des séances d’instruction, au cours desquels on lui propose des exemples d’interprétation des symboles. Le but de la Franc Maçonnerie est d’élever l’esprit de ses membres, de les détacher de leurs préoccupations journalières et de les amener à une réflexion et à un effort sur eux-mêmes sur eux-mêmes pour les rendre meilleurs et les libérer de tout préjugé. Par ce biais, elle espère offrir à la société des modèles de comportement juste et généreux, afin d’améliorer la société par la vertu entraînante de l’exemple. Elle essaye de propager l’égalité des humains, le respect de chacun, la liberté d’opinion et la pratique des devoirs qu’impose la vie en société.

Discours d’Alain Marti

A l’occasion du troisième centenaire de la création de la Grande Loge de Londres et Westminster en 1717.

La création d’une obédience de Maçonnerie spéculative en 1717 passe pour la première, alors qu’on sait que la Maçonnerie existait déjà en Ecosse. Il faut remarquer le peu d’ambition des fondateurs de cette obédience : ils l’ont appelée Grande Loge de Londres et de Westminster. A cette époque, il y avait de la campagne entre ces deux localités. Malgré le caractère très restrictif de cette création, la Maçonnerie s’est propagée à une vitesse incroyable, non seulement en Angleterre, mais sur tout le continent européen et même dans les deux Amériques et en Inde en quelques années seulement. Comment l’expliquer ? C’est sans doute grâce à l’air du temps. Dans la société de l’Ancien Régime finissant, à une époque où la noblesse doutait du bien-fondé de ses privilège et méprisait pourtant la bourgeoisie, qui, de son côté, respirait la contestation tout en jalousant la noblesse, la Maçonnerie a constitué un cadre unique de rencontre sur pied d’égalité de gens qui auraient dû rester perpétuellement séparés. C’est aussi l’époque où les Lumières ont mis en doute les religions traditionnelles, en sorte qu’il importait à nombres de personnes déçues de leurs Eglises de trouver une nouvelle forme de spiritualité.

La multiplication rapide et anarchique des loges a provoqué un foisonnement d’organismes et de rituels, de doctrines et de courants d’opinion. La formule a en effet suscité des émules. Tous se réclamaient de la Franc-Maçonnerie. Mais étaient-ils tous véritablement maçons ? Poser cette question revient à tenter de définir ce qu’est la Maçonnerie.

Dé-finir, c’est faire une séparation, exprimée par le préfixe de, au moyen d’une frontière, en latin fines.  Une frontière implique qu’il y a  deux camp : l’un à l’intérieur de la limite, l’autre au-delà d’elle.

Un membre de la famille royale de Prusse a voulu faire de l’ordre et a convoqué le fameux convent de Wilhelmsbad. Il en est sorti un rituel unifié connu comme la Stricte Observance. Bien que répondant à un véritable besoin, ce convent n’a nullement résolu le problème, car en Prusse seulement, on comptait pas moins de trois obédiences et rien n’astreignait les loges à suivre ce rituel.

Où chercher la définition de la Maçonnerie ?  En tout cas pas à la Grande Loge Unie d’Angleterre ! Celle-ci n’est aucunement la continuation de la création de 1717. Il y a eu en effet deux obédiences en Angleterre, celle des Anciens et celle des Modernes. Les premiers suivaient une inspiration libérale, pas les seconds. Du temps de Napoléon, l’Angleterre a éprouvé le besoin de se rassembler autour de la monarchie et de son gouvernement et les deux grandes loges ont fusionné, d’où le mot unie dans le résultat de cette fusion. Cette dernière consacre la victoire des modernes sur les anciens, de l’esprit obtus sur la pensée libérale.

Aurons-nous plus de succès en scrutant les Constitutions d’Anderson ? Lesquelles ? Car il y a eu trois versions successives, une première très libérale, une seconde restrictive et une troisième à mi-chemin entre les deux précédentes. Bien malin qui nous dira laquelle est la bonne !

D’ailleurs ces constitutions portent la marque de leur temps. Il n’est que de penser à ce passage impensable aujourd’hui que le maçon ne peut être « ni femme ni esclave ».  Née dans un contexte révolu, ces Constitutions sont aujourd’hui dépassées à plus d’un titre. C’est un fait incontournable que le monde a évolué ; la pensée, de même. Rien d’étonnant donc à ce que la compréhension des symboles ait changé elle aussi.

Qui oserait aujourd’hui retracer l’histoire du genre humain comme l’a fait Anderson,  en ne s’éclairant que des légendes de l’Ancien Testament, à part quelques attardés en Amérique ?  Et que dire du Grand Architecte de l’Univers ? D’aucuns le prennent encore pour un dieu révélé ; d’autres l’interprètent comme un symbole. Et les frères Bogdanov jettent sur cette question un jour nouveau, lui-même plein de mystère.

Pour ma part, je tiens pour acquis que les symboles de la Maçonnerie sont plus anciens que le Christianisme et partant étrangers à celui-ci. Je me permets de renvoyer à cet égard à la publication de mon étude sur l’âge des rituels qui a paru dans la revue Masonica. Sur des rites et des symboles anciens, on a ajouté des paroles imbibées de Christianisme, mais ce n’est qu’un habillage sur des usages plus anciens, dont la signification est en grande partie perdue.

Devant tant d’incohérences, comment définir la Maçonnerie ?

Il n’existe malheureusement aucun organe qui pourrait revoir le texte des constitutions d’Anderson.

Il y a en tout cas une réalité commune à toutes les obédiences qui se réclament de la Maçonnerie, c’est l’initiation. L’ensemble de ceux qui ont vécu l’initiation constituent la Communauté des Initiés, terme que j’emprunte à notre président André Moser. Mais, il faut hélas constater que cette Communauté n’est pas organisée. Il y a pourtant un champ d’actions communes qui pourraient être entreprises par toute cette Communauté. En rassemblant des frères et des sœurs de toutes obédiences, la Maçonnerie pourrait faire entendre sa voix dans un monde en désarroi. N’est-elle pas une force morale, porteuses de valeurs ? Les mêmes ne pourraient-ils par réunir leurs forces pour des œuvres charitables ou des créations de grande envergure ? Et tout simplement au niveau de l’administration, des échanges d’informations permettraient de ne pas accepter dans une obédience un candidat refusé dans une autre. On le voit bien : il y a un énorme champ de possibilité de coopération ouvert, qui pourrait dépasser des querelles de clocher d’un autre âge.

Où trouverons-nous le dynamisme capable de donner à la Maçonnerie un élan nouveau ? En tout cas ni à Londres, ni à Berne ! Cherchez-le plutôt en Italie. Dans aucun pays la Maçonnerie n’a été en butte à davantage de persécutions. Qu’on pense à la succession de malheurs qui s’est abattue sur le Grand Orient d’Italie : la persécution fasciste, le scandale de la P2, puis des procédures judiciaires et parlementaires interminables, le tout sur un fond d’hostilité traditionnelle de certains milieux influents. Le Grand Orient d’Italie, sous la conduite du frère Virgilio Gaito a résisté victorieusement. Je renvoie à son livre « Massoneria, un amore » ( paru chez Pontecorboli, Firenze, 2017). On y lira une énumération de projets, dont certains sont grandioses, qui supposent des moyens considérables. En réunissant la Communauté des Initiés, il y aurait moyen de les réaliser. Et le Grand Orient d’Italie a mis sur pied des manifestations en commun avec d’autres obédiences en Italie.

Si je puis donner un conseil, je suggèrerais que les obédiences qualifiées de libérales prennent contact avec leurs pendants en Italie. S’il y a un pays où l’on peut dépasser les stupides querelles de clocher, c’est l’Italie. Que les plus ouverts et les plus dynamiques s’unissent ! Les trainards finiront bien par suivre.

Discours de Jean Dizerens

Cette célébration des 300 ans de la Franc-Maçonnerie, me paraît une très bonne idée, d’autant que celle-ci est ouverte aux profanes. Je ne suis pas historien, mais de dater les événements que nous estimons importants, est souvent une manière de poser les choses, dans le contexte des époques parcourues et de leurs spécificités.

La demande d’André qui nous a permis de préparer nos prises de parole, était accompagnée de questions :

Pour ma part : La mixité, ses différences, son avenir, relations avec les autres Obédiences ?

Je vais quelque fois un peu déroger à cet ordre donné, pour vous livrer mon  ressenti, par rapport à mon vécu et à ma propre vision des choses, par rapport à la maçonnerie et à la mixité.

Je ne sais pas s’il y a beaucoup de profanes présents aujourd’hui. Le mot profane est dans notre langage, un terme qui désigne des Hommes et des Femmes non-initiés. Notez en passant que je connais quelques profanes qui ont en eux, une manière de penser et de vivre qui est très proche de celles des initiés que nous sommes.

Si vous êtes ici parce que vous êtes intéressés par la Maçonnerie et non de simples curieux et que vous aimeriez un jour nous rejoindre, je peux vous assurer que ce choix vous apportera beaucoup de découvertes enrichissantes et avant tout, sur vous-même. Je me demande aujourd’hui qui je serais, si je n’avais pas fait le choix conscient, de frapper à la porte du Temple. Je compare parfois mon initiation à une roue de la fortune que l’on trouve dans les manèges. Cette roue d’une nouvelle vie a été mise en mouvement par une main invisible et elle ne s’est jamais arrêtée. J’ai le sentiment que ce sera ainsi jusqu’à ma mort physique. Le chemin de la découverte de soi et de sa place dans l’Univers, n’a pas de fin.

Les questions existentielles que je me posais, sur ma personnalité, ma vie sociale, familiale, spirituelle, ont trouvé des réponses, et, ce qui est important, ce sont mes réponses et non celles des autres.

Qu’est ce qui relie tous les Maçons et Maçonnes dans le monde ? En fait rien de compliqué,  mais des liens profonds. En premier lieu l’Initiation qui a marqué notre entrée dans une même communauté. Elle est essentielle, parce qu’elle est un vécu individuel. Elle ne peut être transmise par des écrits ou des explications perçues uniquement par notre mental. Les profanes nous posent souvent la question : qu’est-ce que le secret maçonnique ? Je pense sincèrement que le secret maçonnique n’existe pas, si ce n’est qu’il est en filigrane à l’intérieur de chacun et de chacune qui a été initié  

Il y a également nos symboles qui sont propres à cette démarche. Ils sont souvent en relation étroite avec les outils de base utilisés dans la construction : compas, équerre, fil à plomb. Il y a aussi certainement un même amour de l’Humanité, une envie profonde de liberté et un besoin d’évolution dans l’harmonie et le partage. Une vision universelle, puisque nous sommes tous et toutes des parcelles de l’Univers.

Peut-on définir la Maçonnerie en quelques mots ?  Très complexe; chaque initié, chaque Obédience, chaque Loge, a ses spécificités propres et c’est certainement toute la richesse de ce que nous appelons « l’Art royal ». La diversité n’est pas un obstacle, mais plutôt une dynamique nécessaire. Nos différences sont peut-être l’une des sources de la pérennité de la Franc-Maçonnerie.

Avant de vous parler de la mixité, je vous doit une vérité. J’ai été initié en 1990, dans une Loge masculine, « Espérance et Cordialité » qui fait partie de la Grande Loge Suisse Alpina. Je n’ai donc pas choisi la mixité, je ne connaissais même pas son existence. Quelques années après mon initiation, j’ai plusieurs fois partagé les Travaux la Loge Horus qui à l’époque faisait partie de la fédération suisse du Droit Humain qui est une obédience mixte. Leur façon de vivre le Rituel et de transmettre la connaissance à travers les symboles, leur approche du travail initiatique a fait que je les ai rejoint en 1997.

La mixité et ses différences : mixité, dixit le dictionnaire :« caractère d’un groupe, d’une équipe, comprenant des personnes des deux sexes ».  Le mot mixte, nous indique qu’en latin, mixtus est le participe passé de miscere, mêler. Je trouve que ce mot mêler, va bien avec ce que nous recherchons en mixité. Le travail maçonnique est un travail personnel, sur soi- même, qui tend à la découverte de sa vraie personnalité. En nous vit deux pôles complémentaires : féminin et masculin.

Nos échanges en Loge nous ouvrent l’esprit. La vision, les réflexions librement exprimées de tous les Frères et pour moi, des Sœurs, sont essentielles pour nourrir non seulement ma propre  évolution, mais également le groupe dans lequel nous vivons. Les pensées exprimées par nos Sœurs portent en elles un autre éclairage qui anime la partie féminine qui est en moi et me permet de faire un lien complémentaire avec ma propre nature.

Aujourd’hui vivre en Loge avec des Sœurs et des Frères est devenu naturel et évident. Lorsque je vais visiter d’autres Obédiences où les Sœurs ne sont pas admises, j’ai l’impression qu’il manque une partie de moi-même. Les échanges ne sont plus tout à fait aussi « riches ». A fortiori dans les Loges féminines, où j’aime également pouvoir partager les Travaux, je ressens un léger déséquilibre, dans les échanges partagés.

Pourtant, j’accepte et j’aime ces différences de fonctionnement. Je comprends tout à fait le désir que  chacun peut avoir, de vivre ses ressentis séparément, soit dans une Loge masculine ou féminine. La tolérance est très importante, elle fait partie d’une juste ouverture d’esprit et d’autant plus en maçonnerie.

Il y a un autre facteur qui me fait  poursuivre ma démarche en mixité.

Cette recherche de la Lumière que j’ai choisi de vivre,  n’aurait pas de sens, si elle se « confinait » au sein de nos Temples. C’est à l’extérieur de ceux-ci que les Frères et les Sœurs doivent faire partager naturellement cet espoir de liberté, de fraternité et d’adogmatisme. Comment ? le plus simplement du monde, par nos paroles et nos actes et ceci dans la vie de tous les jours. Très franchement, au cours de ces dernières années, mon approche de la féminité s’est construite autrement et je pense également que mon respect envers les femmes que je côtoie tous les jours, s’est réellement matérialisé.

Je considère la femme sur un total plan d’égalité et je comprends sa sensibilité, je me sens parfaitement à l’aise en toutes circonstances. Tout ceci naît de nos échanges, de nos partages d’idées. La communication et qui plus est entre Hommes et Femmes, me permet de réellement faire partie du monde qui m’entoure et d’en comprendre la diversité.

L’avenir de la mixité : très franchement, je pense qu’elle peut susciter de plus en plus d’intérêt auprès des nouvelles générations qui vont s’intéresser à la démarche maçonnique.  Notre monde est composé d’Hommes et de Femmes.  Le partage d’idées, nourries par des perceptions naturellement différentes, me parait essentiel.

Nous avons tous et toutes des questionnements universels  qui méritent d’être partagés entre les 2 sexes : origine de notre présence ici-bas, la vie, la spiritualité, notre finalité.

Relation avec les autres Obédiences : avant de créer des relations, il a fallu tout d’abord mettre sur pieds l’Obédience dont je fais partie. La Grande Loge Mixte de Suisse a été fondée en 1999. Nos règlements généraux stipulent que nous sommes une Confédération de Loges et de Rites.

En janvier 1999, dans un élan d’indépendance et de liberté, 3 Loges prirent la décision de quitter le Droit Humain, afin de créer une nouvelle Obédience mixte. Quelques mois plus tard, d’autres Loges nous ont rejoints. Nous sommes aujourd’hui 8 Loges, six en Suisse romande, une au Tessin et une à Zurich. Tous les Rites sont acceptés. La plupart de nos Loges travaillent au REAA, une travaille au Rite Français rectifié.

Pourquoi cette décision d’indépendance ?

Nous avions le désire de mettre en place des bases communes qui exprimeraient notre propre vision de la démarche initiatique. Cette vision qui s’est ainsi concrétisée, s’exprime dans la déclaration de principe que nous avons édictée.

Quelques extraits :

« Nous sommes constitués de Loges mixtes, libres et souveraines.

La GLMS affirme l’égalité de l’Homme et de la Femme. Elle est composée de Francs-Maçons, hommes et femmes fraternellement unis, sans distinction d’ordre racial, ethnique ou religieux, elle s’impose une méthode rituelle et symbolique, grâce à laquelle ses membres édifient leurs Temple à la Gloire du Grand Architecte de L’Univers et ou au perfectionnement de l’Humanité.

Respectueux de toutes les croyances et conceptions du monde, ses membres cherchent, avant tout, à réaliser sur la Terre et pour tous les humains le maximum de développement moral, intellectuel et spirituel qu’il est possible à chacun d’atteindre dans une société fraternellement organisée.

La GLMS reconnaît les principes et les méthodes de travail de tous les Rites maçonniques ».

Nous avons fortement désiré cette liberté qui s’exprime également, par notre ouverture aux autres Obédiences maçonniques.

La Maçonnerie devrait être une possibilité d’ouverture au monde, mais en premier lieu au monde très complexe que représente le « paysage » maçonnique. C’est loin d’être gagné, et nos différences, sont parfois pour certains, restées des obstacles.

L’Etre humain, Maçon ou non, a encore bien du chemin à faire pour trouver des consensus qui l’amène enfin, à tout simplement s’aimer fraternellement, sans jugement quel qu’il soit.

La GLMS a signé plusieurs charte d’Amitié, notamment pour les principales : avec le GOS, la GLFS, la GLMU,  la Grande Loge symbolique du Portugal, la Grande Loge de Lusitania.

Si je n’avais qu’un souhait à formuler pour l’avenir de la Grande Loge Mixte de Suisse, ce serait de poursuivre nos rapprochements fraternels avec d’autres Obédiences.

Le partage de nos différences et l’ouverture vers d’autres pensées, est une richesse. C’est le départ de toute évolution. L’Initié tend à aider à la création d’une humanité meilleure et plus consciente de l’essentiel, c’est une partie de notre tâche ici-bas.

Merci de votre attention.


La démocratie et la Franc-maçonnerie


Démocratie et Franc-maçonnerie, sujet inépuisable dont je vais partager une courte approche avec vous. Dans un premier temps, j’évoquerai quelques aspects de la définition de la démocratie, puis j’aborderai l’évocation concrète de celle-ci en Franc-maçonnerie, vous verrez, c’est court, et enfin je parlerai de Démocratie et Franc-maçonnerie  du point de vue institutionnel et initiatique.

La démocratie, il me semble, se définit essentiellement par rapport à son contraire, la dictature. Il s’agit du système dont les pouvoirs (cratos) émanent du peuple (demos). Dans l’évolution de l’idée démocratique à l’époque moderne, on peut schématiquement distinguer trois phases. La démocratie a d’abord été considérée comme un moyen de la liberté. C’est à ce titre qu’elle s’est introduite dans les institutions sous sa forme exclusivement politique. Elle fut ensuite tenue pour un instrument de la justice, ce qui, outre les changements que cette interprétation entraînait dans l’organisation politique, provoqua son extension aux rapports économiques et sociaux. Enfin, la démocratie tend à assurer le contrôle de la collectivité sur la croissance économique et, à la limite, sur le bon usage de la prospérité.

Ce sont les transformations de la société qui ont provoqué l’enrichissement de l’idée démocratique. Tel type de société s’accommode d’une forme de démocratie qui sera considérée comme insuffisante dans un autre milieu et à une autre époque. D’où il suit que la démocratie n’est pas un schéma abstrait apte à fournir des recettes d’organisation politique et sociale universellement valables. Elle ne peut vivre qu’en fonction du milieu où elle s’enracine et dont elle enregistre les aspirations.
A quels moments, nous, Francs-maçons du Grand Orient, évoquons-nous de manière concrète la démocratie républicaine ? Au rite français et au moment de l’initiation, lors de la rédaction du testament philosophique, nous demandons à l’impétrant de plancher sur les devoirs de l’homme envers lui même, sa famille, la cité et l’humanité. Puis, juste avant la prestation de serment, le Vénérable Maître avertit : Monsieur, l’engagement que vous allez prendre ne contient rien qui puisse blesser la conscience ni porter atteinte à l’obéissance due aux lois. Au rite écossais, le Frère Orateur avertit d’emblée les récipiendaires en ces termes : « Nul n’entre ici que de sa pleine et libre volonté, mais quiconque est admis doit se conformer à nos statuts et à nos règlements, comme dans un pays libre, le citoyen se soumet à la loi. Lors du banquet d’ordre, je citerai la première santé : A la république française, au peuple qui en est le souverain, à la grandeur morale et à la prospérité de la France. Et enfin, bien sur notre devise : Liberté, Egalité, Fraternité. Cette année cependant, la question de la paix recoupe ma réflexion :
« L’incivisme, fléau de la société contemporaine est une menace pour la démocratie. Comment inciter les citoyens à retrouver à la fois un esprit civique et les moyens d’exercer pleinement leur souveraineté ? » Je ne résiste pas à l’occasion qui m’est offerte d’apporter ma petite pierre, en proposant une analyse d’un événement récent : les manifestations de policiers, et même de gendarmes… La réponse que ces fonctionnaires apporte à l’incivisme est la suivante : On ne veut plus voir les juges relâcher ceux qu’on arrête, on veut des peines incompressibles, on ne veut plus de la loi sur la présomption d’innocence qui nous gâche le boulot, on ne veut pas d’enregistrement des gardes à vue, on veut des peines aggravées quand les victimes sont policières, on ne veut pas d’avocats dès l’arrestation… Bref, davantage de sévérité, davantage de pouvoirs, un accroissement de la force publique, une inégalité devant la loi et une diminution des droits des justiciables. Ils ont leurs raisons : ils connaissent la peur, la mort de collègues et ils sont payés avec parcimonie.
Hors en réalité, alors que ces revendications pourraient laisser entendre le contraire, la justice n’a jamais été aussi sévère, et particulièrement envers les émigrés depuis le 11 septembre, avec des condamnations allant au delà des réquisitoires, et une multiplication des doubles peines. Ce qui est grave dans cette affaire, c’est que les policiers sont en train de faire valoir leur droit à dicter une politique pénale. Or, dans une démocratie, le Droit est au-dessus de tout. Le pouvoir de rendre la justice est supérieur au pouvoir exécutif et législatif, et c’est bien le prix à payer pour éviter la dictature.

La police est là pour exercer une fonction prévue dans le cadre d’institutions qui supposent, précisément, un certain nombre de droits. Or ces droits ne sont plus garantis. Certaines expressions, passées dans le langage courant, en témoignent : chômeurs en fin de droits, zones de non-droit… Et l’on demande à ces fonctionnaires de garantir l’ordre, bien que la justice ne s’exerce pas. Ce n’est pas leur boulot. Lorsque les bassins d’emploi se transforment en océans de chômage, ce n’est ni aux profs ni à la police d’écoper. C’est au pouvoir politique et au législateur qui maintiennent l’impunité et permettent l’enrichissement des auteurs de plans sociaux. Il s’agit ici à mon sens d’une remise en cause fondamentale de la démocratie sociale qui vise l’affranchissement de l’individu à l’égard de toutes les contraintes qui l’oppriment, et sa participation à l’établissement des règles que, dans tous les domaines, il est tenu d’observer. Or, si l’on considère que c’est sa situation économique qui est à l’origine de toutes les formes d’oppression qu’il subit, c’est sur la transformation des structures économiques que la démocratie sociale fera porter son effort. Elle met en cause le statut de la propriété, les conditions du travail et les modes de rémunération, la garantie de l’emploi et toutes les institutions qui, sous le titre général de sécurité sociale, protègent l’individu contre les risques de la vie ou les aléas de la chance. La démocratie dans la loge est bien présente :

La loge est souveraine et a pour principe « un homme libre dans une loge libre ». Toutes les responsabilités sont clairement délimitées et électives. Tous les frères maîtres sont éligibles aux différents plateaux. Le pouvoir des officiers dignitaires est très limité et les décisions sont collégiales. Les statuts et règlements de la loge sont votés par la loge et aucun responsable ne peut les modifier d’autorité. La liberté d expression de chacun est au cœur du dispositif. De par la méthode de « prise de parole », chacun a la possibilité de s’exprimer dans l’espace du Temple. Seules les idées sont contradictoires si nécessaires. Et l’aspect contradictoire de ces prises de parole me semble un élément important de l’aspect démocratique de notre Ordre Personne n est tenu de faire ce que lui refuse sa conscience ni de défendre le point de vue de la majorité. Par contre, il n’y a pas de campagne électorale et de vote au suffrage direct pour l’élection tous les deux ans du nouveau Vénérable. En fait le bureau sortant avalise de fait le nouveau Vénérable qui coopte son nouveau bureau, le tout étant approuvé par la chambre du milieu réunie pour valider un choix qui est tout ce que l’on veut, mais certainement pas démocratique. Cependant on pourrait distinguer les choses un peu différemment en regardant la source des règles (lois) auxquelles un groupe se soumet. Si celles-ci trouvent leur source au sein du groupe elle-même on pourrait qualifier (a défaut d’un autre mot) le système de démocratique. En d’autres termes un système pourrait être aussi qualifie de démocratique (au sens large définit ci-dessus) tant qu’un groupe social n’impose pas ses règles à un autre groupe social. Ou par extension tant que tous ceux qui le désirent pourrait se poser candidat a la gestion. Dans l’institution loi 1901 du Grand Orient, les piliers de l’organisation démocratique semblent en place avec une séparation nette des trois pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires. Une restriction cependant, il me semble que le conseil de l’ordre avait fait une tentative de confusion des pouvoirs en tentant d’avoir l’autorisation de suspendre en urgence un frère, tout en transmettant la demande à la chambre suprême de justice maçonnique pour décision définitive. Cette demande a été rejetée, mais je trouve inquiétant le simple fait qu’elle ait pu être formulée. Il me paraît plus difficile par contre d’associer démocratie et initiation, voir démocratie et tradition.

L’initiation est une cooptation et n’est donc pas d’essence démocratique. Cependant, c’est la loge dans son ensemble qui vote l’acceptation des nouveaux membres et dans ce cas de figure, il n’existe aucune différence entre cooptation et élection au suffrage universel. Le seul élément étranger aux exigences habituelles de la démocratie est, pour le profane, le caractère anonyme de ses interlocuteurs. Ceci peut être fort grave lorsqu un frère de l’atelier fait valoir des objections et que le profane ignorant qui l’accuse et ce dont on l’accuse, ne peut se défendre. Le travail des frères enquêteurs doit éclairer l’atelier pour l’établissement de la vérité et permettre ainsi à chacun de juger en conscience et en connaissance de cause.
Puis débute pour le jeune initié un temps de silence, et un droit de vote très partiel. Ce processus n’est pas démocratique qu’à première vue car la grande majorité des apprentis finissent par acquérir la maîtrise. Dès lors ils ne sont pas, ni en tant qu’individus, ni en tant que groupe social fixe, prive de l’accès au pouvoir et ils peuvent donc se considérer comme faisant partie du même groupe que ceux qui érigent les règles

Je considère que la loge, outre l’espace formidable de liberté qu’elle représente, est aussi un lieu où se transmet une tradition et où les anciens sont sensés représenter et interpréter cette tradition. La transmission étant individuelle et chacun étant différent, personne ne chemine à la même vitesse, ni au même niveau de développement. Ceci n’a rien à voir avec la valeur des individus car chacun est aussi essentiel à la construction de l’édifice. Tous les maçons sont des pierres indispensables dans le bâtiment du temple, et s´il y a une pierre faible, les autres doivent la consolider. Il n’y a pas ici d’égalité d’accès à la connaissance, mais respect et attention du désir de progression individuel des frères.
Je ne sais pas qui a dit cette phrase : La démocratie est le régime politique sous lequel l’on peut regarder tout inconnu comme un ami. ». Elle est très optimiste, je n’oublie pas que la bête immonde arrive très souvent au pouvoir de manière démocratique. Platon écrivait d’ailleurs que la démocratie a inévitablement pour successeur la tyrannie à cause des excès de la liberté. Par contre la Franc-maçonnerie est l’institution où je peux regarder tout inconnu comme un ami, et où tout frère connu a été, est ou redeviendra un ami.

J’ai dit

Planche d’un inconnu