NEWSLETTER
Newsletter N°1
Qui sommes-nous ?
Pour la plupart des francs-maçons l’essentiel se vit en loge où tout se construit et se vit dans une démarche initiatique pour trouver du sens à sa vie et développer l’harmonie par la fraternité. Néanmoins les fruits de cette démarche doivent être apportés dans la société civile. Mais comment traduire en actes les bienfaits récoltés en loge. Pour certains une telle démarche est inutile, car le but est de ne développer que l’aspect personnel et initiatique en loge. Pour d’autres l’engagement doit se faire d’une façon individuelle et dans la discrétion. Pour d’autres enfin l’engagement peut se faire dans le cas d’associations civiles totalement indépendantes des obédiences et les loges maçonniques.
D&DS est un club de réflexion politique et philosophique pour la démocratie au sens noble du terme. Les membres tous Frères et Sœurs s’engagent pour travailler ensemble sur des thèmes plus en relation avec les grands défis de notre monde en mutation, mais en utilisant dans le cadre de leurs études et de la pratique la méthode maçonnique qui exige le respect mutuel, l’écoute de l’autre et une dialectique bienveillante au service des causes et d’une recherche consensuelle des problèmes. Ils pourront travailler sans se faire connaître ou participer aux débats sociétaux. La liberté de choix est totale à D&DS. La liste des membres est totalement confidentielle.
D&DS a été créée dans ce but, il n’a aucun intérêt électoraliste, ne prendra jamais parti dans la vie politique institutionnelle. Tout au contraire puisque dans ses commissions thématiques il s’emparera de sujets sociétaux que souvent les partis politiques délaissent parce qu’ inadaptés d’un point de vue électoraliste. D&DS est aussi une maison d’édition, ce qui veut dire qu’il publiera les résultats de ses études et les soumettra aux organes politiques cantonaux et fédéraux.
Pour revenir à l’article paru dans la Tribune de Genève (TDG) et pour laquelle tant de personnes se demandent pourquoi deux membres de l’association se sont découverts et dans quel but. Je vous répondrai tout d’abord qu’il n’est pas facile de faire un « coming-out » maçonnique mais que dans ce cas particulier, il était nécessaire que nous soyons en accord avec nos idéaux démocratiques et pour une cohérence des engagements de D&DS dans la cité. D’autre part, tout maçon peut se dévoiler à titre personnel sans mettre en cause les fondements des institutions maçonniques. Notre décision d’apparaître en photo a procédé de cette démarche et n’avait qu’un seul but montrer notre loyauté vis-à-vis des organes politiques dans la cité. Ce n’était évidemment pas une démarche people comme certains pourraient le laisser croire.
Nous avons trop le respect de nos institutions cantonales et fédérales pour avancer cacher .
André Moser, président de D&DS
Newsletter N°2
Pourquoi nous sommes apolitiques
L’envahissement de l’espace du politique par les préoccupations électorales et partisanes, au point que ces mots sont dans la pratique courante souvent considérés synonymes, a amené à utiliser le terme d’apolitisme pour exprimer une vision politique qui se tient éloignée et dépasse le débat partisan ou la lutte électorale.
Nous sommes apolitiques, mais nous ne refusons pas de nous engager dans le débat public. Nous y prenons part d’une autre façon, en partant d’une vision de l’histoire qui transcende les idéologies.
La liberté, une exigence universelle
Les XIX et XXe siècles ont été dominés par des conflits idéologiques. Si les démocraties libérales ont fini par s’imposer ce n’est pas parce qu’elles avaient une meilleure vision du monde que leurs adversaires ou une meilleure appréhension du sens de l’histoire, mais parce que les idéologies de leurs adversaires menaçaient directement la dignité humaine.
Notre ambition est de dépasser les clivages idéologiques qui opposent traditionnellement la gauche et la droite, et de proposer une vision de la politique pouvant rassembler un vaste consensus. Nous n’avons pas la naïveté de croire qu’il est possible de mettre un terme aux méfiances et aux frustrations qui caractérisent les rapports entre riches et pauvres, entre faibles et puissants. Nous pensons cependant qu’une claire vision des enjeux globaux auxquels nous sommes tous confrontés, riches et pauvres, faibles et puissants, doublée d’une culture du respect, pourrait apporter une réponse aux défis de la société moderne là où toutes les idéologies du passé ont échoué.
La passion de la liberté a guidé les démocraties jusqu’à ce jour. Mais l’exacerbation des individualismes, la montée des égoïsmes, la rapacité des uns et le relativisme des autres, menacent l’idéal de liberté tout autant que les outrances islamistes ou que le nationalisme marxien-confucéen. Nombreux sont ceux qui désormais voient dans la liberté d’entreprendre et de commercer ou dans le développement des sciences et des techniques, plus de menaces que de promesses.
Nous devons rechercher un point fixe qui nous permettrait de guider nos pas au milieu de l’immense complexité de la société humaine d’aujourd’hui.
Les anciennes et les nouvelles certitudes
Toutes les civilisations qui ont précédé le monde moderne reposaient sur des techniques stables et clairement identifiées : les techniques de la pierre polie, celles du cuivre, celles du bronze puis celles du fer. Elles n’ont jamais reposé sur l’évolution constante des techniques c’est pourquoi elles ont pu se doter de systèmes de pensée figés dont elles pouvaient interdire la critique. Ces civilisations prenaient pour point fixe certaines productions de l’intelligence humaine qu’elles désignaient comme des absolus. Cette façon de faire avait une conséquence dramatique : l’apparition d’une technologie nouvelle entraînait la destruction de la civilisation elle-même. Les civilisations du bronze, comme celle de l’Égypte ou celle de Mycènes, ont toutes disparues lors de l’apparition d’une nouvelle technologie à base de fer.
En Europe, la vieille civilisation du fer a commencé de disparaître à son tour au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle pour être remplacée par une civilisation d’un type radicalement nouveau : la civilisation scientifique, qui repose sur l’évolution constante des techniques et des théories. Son point fixe ne peut plus être une production de l’intelligence, comme ce fut le cas jusqu’à présent. Nous ne devons plus prendre pour point fixe une technique, une théorie, une philosophie ou une religion, voire même une pulsion à laquelle nous nous identifierions, mais l’intelligence elle-même. C’est pourquoi notre avenir dépend de l’idéal de liberté et d’une recherche constante de la vérité.
A la recherche d’un point fixe
Dans un monde en mutation constante et sur lequel s’appliquent des techniques qui évoluent sans cesse, le seul point fixe qui nous soit désormais accessible ne peut plus être une idéologie sociale ou une théorie scientifique. Il est l’intelligence humaine en activité.
Prendre pour point fixe une production de l’intelligence une technique, une théorie, une philosophie ou une religion, et non pas l’intelligence elle-même, où considérer que notre volonté de puissance ou notre désir de richesse prime toutes autres considérations, ne peut mener qu’à des désastres sociaux.
Une carte et une boussole
Depuis le néolithique jusqu’au milieu du XIXe siècle l’essentiel des richesses provenaient de la terre. C’est pourquoi durant cette très longue période le pouvoir et la politique se sont organisés autour de la maîtrise de la terre et de ceux qui la cultivaient. Ils protégeaient des privilèges.
Les civilisations agraires imposaient aux hommes de s’adapter à un milieu naturel, avec lequel il devait opérer une sorte de fusion. La politique ne se justifiait que par la nécessité d’organiser les moyens de la production agricole et de protéger l’activité de la communauté agraire contre les convoitises extérieures. Elle favorisa l’apparition d’une classe d’hommes armés qui s’est rapidement conduite en maîtresse de la société.
Depuis la deuxième moitié du XIXe siècle l’essentiel des richesses provient des entreprises industrielles et commerciales. Dans la civilisation scientifique, l’origine de la richesse ne réside plus dans la nature objective, elle est une production de l’homme lui-même, elle réside dans la nature humaine. L’homme est à l’origine de la découverte scientifique, il est le créateur des techniques qu’il met à la disposition de ses propres desseins, ses rêves alimentent la quête d’horizons nouveaux, il crée dans ce but des entreprises industrielles ou commerciales, des laboratoires, des centres spatiaux. L’origine de la richesse n’est plus un privilège, elle ne résulte plus d’une appropriation unilatérale de biens objectifs, comme la terre, mais de l’imagination, de l’intelligence et du travail des hommes.
Dans cette nouvelle civilisation, la politique, comme on l’a pratiquée depuis 10 000 ans, n’a plus de sens. Elle devait organiser et défendre des privilèges, elle doit désormais favoriser la créativité des personnes, l’esprit de recherche et le goût d’entreprendre. Et, puisque l’accroissement de la richesse résulte tout entier de l’intelligence, de l’inventivité et de l’habileté des hommes, la volonté de puissance ne peut plus trouver satisfaction dans la guerre et la conquête : nul ne peut s’approprier les rêves des hommes. Une entreprise scientifique, industrielle ou commerciale, est vidée de sa substance dès qu’elle n’est plus incluse dans un dense système de partenariats scientifiques, techniques et financiers, et d’échanges commerciaux à l’échelle planétaire, animés par une exigence de réciprocité.
Il est un moyen simple de détruire cette nouvelle civilisation : il suffit d’étouffer les rêves des hommes dans un réseau inextricable de contraintes et d’interdits.
Le temps des dogmatismes est révolu.
Nous ne pouvons plus aujourd’hui imposer une théorie de l’histoire, de la société ou de l’homme comme un absolu auquel l’intelligence devrait se plier. Ce fut l’erreur des marxistes de le penser, c’est celle des islamistes et des marxo-confucéens.
La civilisation scientifique, cependant, a un besoin vital de théories et de philosophies, c’est par leurs existences qu’elle progresse, à condition que ces théories et ces philosophies soient critiquables et révisables. C’est dans l’opposition des points de vue que s’alimente son dynamisme.
Tous les conflits du XIX et XXe ont opposé l’idéal de liberté à d’autres idéaux qui niaient l’impératif de la liberté. Les protagonistes de ces conflits n’ont pas toujours discerné la différence essentielle qui existait entre l’idéal de liberté et tous les autres idéaux, comme l’idéal de sainteté de la civilisation chrétienne, l’idéal de perfection de la civilisation japonaise, l’idéal de fraternité de la civilisation islamique ou encore l’idéal de stabilité de la civilisation chinoise. L’idéal de liberté est d’une catégorie à part, en réalité elle est supérieure à toutes les autres. Il renvoie chaque individu à sa responsabilité d’être humain de sorte que ses choix idéologiques ne regardent que lui. Cette liberté de choix, pourvu qu’elle soit acceptée par tous ceux qui en bénéficient, a pour vocation d’englober toutes les idéologies. Elle permet la confrontation de tous les points de vue dans le respect des règles de l’éthique.
Voilà pourquoi nous sommes apolitiques. Mais voilà aussi pourquoi nous ne sommes pas neutres. Les plus grands risques auxquels nous sommes désormais confrontés résultent de l’activité humaine, des ambitions humaines, de la rapacité humaine. Voilà pourquoi nous nous engageons. Aux effets secondaires de l’activité humaine, l’intelligence humaine peut apporter des solutions, pourvu que le courage politique ne soit plus entravé par les seules ambitions électoralistes.
Nous pouvons avoir confiance en l’humanité, pourvu que l’idéale de liberté cesse d’être pris pour une soumission à nos plus bas instincts et à nos pulsions les moins avouables.[1]
Franck. C. Ferrier
Vice-président de D&DS
Newsletter N°3
La métaphysique dans la démocratie, une idée moderne ?
En ce début de 21ème siècle, la globalisation des échanges commerciaux et des systèmes d’informations a profondément modifié les équilibres socio-économiques des pays occidentaux et de la Suisse en particulier. Est-ce que cela pose un vrai défi à la gouvernance du conseil fédéral et aux types d’évolution politiques de notre société démocratique actuelle ?
Depuis l’instauration de la constitution fédérale de 1848 la Suisse vit dans une relative paix politique et son régime démocratique reste en parfaite adéquation avec la déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule dans son article 21 (3) que » La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote. «
D’autre part, le conseil fédéral a toujours su s’adapter aux réalités sociétales si diverses en natures et en faits de la Suisse ainsi qu’aux nouveaux paradigmes du capitalisme financier sans toucher aux droits fondamentaux tels la liberté d’opinion et de réunion, l’indépendance de la presse et de la justice.
Pourra-t-il encore longtemps s’adapter aux profondes mutations économiques et écologiques que nous allons inévitablement subir dans les prochaines décennies sans réformer ses structures institutionnelles et par la même changer notre société démocratique ?
Pour essayer de caractériser et de définir cette nouvelle société en devenir il faut tout d’abord s’intéresser aux potentialités d’adaptation de l’homme dans une démocratie politique directe et de l’évolution des valeurs démocratiques du citoyen de base dans un pays moins riche où le manque des besoins fondamentaux pourrait générer des inégalités sociales et salariales .
Face à un devenir incertain, il est important de rappeler les valeurs de la démocratie telles qu’elles ont été introduites par Jean-Jacques Rousseau, le philosophe des libertés qui affirme que :
» Le citoyen est un être éminemment politique qui exprime non pas son intérêt individuel mais l’intérêt général. Cet intérêt général ne se résume pas à la somme des volontés particulières mais la dépasse. « Mais aussi par Montesquieu, Robespierre et Saint-Just parce qui ont placé au centre du système démocratique les vertus morales tels la tolérance et la charité ainsi que les vertus cardinales et intellectuelles que sont respectivement le courage, la prudence, la tempérance et l’intelligence.
L’ensemble de ces vertus ne sont pas étrangères à la Franc-maçonnerie puisque nous les retrouvons dans les rituels maçonniques et qu’ils participent à l’édification d’une personnalité initiatique maçonnique. Il est donc aisé d’affirmer que le contenu démocratique procède de la démarche initiatique.
Alexis de Tocqueville, ce grand érudit de la société moderne avait parfaitement reconnu la démocratie comme un procédé initiatique inséparable d’un principe initiatique personnel qui renvoie à l’intuition démocratique .
Une telle démarche présuppose bien sûr qu’il existe une unité de la pensée démocratique en quelque sorte inscrite dans le sur conscient du citoyen qui permet d’appréhender la démocratie à la fois dans sa partie visible et métaphysique. C’est donc par l’acceptation d’un principe évolutif et structurant de l’égalité des conditions associé à une destinée humaine que le citoyen peut affronter les contradictions permanentes de la vie démocratique. En vivant cette unité par la raison du cœur et avec une vision utilitariste il est à même de ne pas se décourager devant les crises naturelles et par conséquent de faire taire l’histoire qui dit qu’après la révolution vient toujours la terreur et la tyrannie..
C’est encore une fois avec Tocqueville que l’on trouve une porte de sortie respectueuse de la réalité démocratique puisqu’il préfère parler d’ » intérêt bien entendu » plutôt que de la vertu.
La défense de la vertu mène naturellement à la guerre tandis que la pratique d’une » doctrine peu haute, mais clair et sûr « qui » ne cherche pas atteindre de grands objets ; mais qui atteint sans trop d’effort tous ceux auxquels elle vise…. « mène à une coexistence pacifique et consensuelle d’une communauté, bien sûr, rarement éblouissante mais toujours respectueuse des intérêts de tous.
Ne retrouvons-nous pas dans ces principes de Tocqueville la confirmation que ce qui est important n’est point dans l’affirmation péremptoire d’une certitude dogmatique aussi vertueuses soit-elle mais la continuation du processus démocratique avec sa capacité de transmission des valeurs dans l’intérêt de tous.
» Connaître, craindre et espérer » sont les mots qu’utilise le philosophe pour donner du sens au processus initiatique mais aussi pour mettre en évidence que les principes démocratiques peuvent se renverser en leur contraire et conduire au paradoxe. Liberté et esclavage ne sont pas très loin, d’où l’extrême prudence que nous devons tous avoir dans la sublimation du mot liberté puisqu’elle n’est jamais donnée et reste à conquérir tout au long de sa vie.
La démocratie est par nature un processus historique, elle est donc naturellement en crise perpétuelle. La Franc-maçonnerie qui est un laboratoire du contenu démocratique ne participe pas du processus historique puisqu’elle défend une méthode initiatique basée sur la Tradition. Elle est donc génératrice d’un contenu politique qui organise une manière d’être, de penser et de se comporter. Elle prépare donc à la citoyenneté non pas dans la passivité mais pour gouverner. Elle pratique l’Art Royal non pas par l’exaltation des vertus aristocratiques de l’Ancien Régime mais par celles de la démocratie respectueuses à la fois des diversités et des caractères mais dans le respect absolu d’une règle qui, comme l’affirme Kant, transcende toutes les différences et devient l’universel de tous. Le centre de l’union est donc la règle. Elle n’est point un dogme mais exprime une volonté commune de gouverner ensemble afin de rassembler ce qui est épars.
En période de crise de la démocratie, chacun de nous peut se demander si l’accomplissement de l’homme ne se retrouve pas dans ses contradictions et son manque de confiance dans l’avenir du genre humain. Les contradictions de l’enchantement de l’idéal démocratique qui procèdent des fractures de monde social et politique mais aussi des questions de religion et de liberté peuvent faire douter du bien fondé démocratique.
Une réponse positive est à trouver dans les pays anglo-saxon où la métaphysique du bien vivre ensemble démocratique résulte d’un pragmatisme utilitariste issus du 19ème siècle qui a été initié par Jérémy Bentham. C’est grâce à ce processus que la religion ne fut pas combattue et participa en quelque sorte au maintien des institutions démocratique. Ce fut aussi une tentative de traduire rationnellement le commandement » Aime ton prochain comme toi-même « et de donner une définition rationnelle de l’altruisme, ciment de la construction de l’Etat moderne et égalitaire.
En France et en Suisse, la liberté dans la démocratie est née du combat contre les religions. Elle a donné naissance à la laïcité qui autorise toutes les religions et les croyances dans la mesure du droit mais à amoindri considérablement la foi publique dans les institutions démocratiques. Ce déficit de métaphysique est la principale cause de l’affaiblissement et de la confiance dans le processus démocratique.
Heureusement en Suisse, Jonas Furrer Membre de la Loge Akazia de Winterthur, Grand Orateur de la Grande Loge Suisse Alpina en 1844 puis, quatre années plus tard premier président de la Confédération helvétique a participé à la rédaction de la Constitution fédérale de 1848.
Nous lisons dans le préambule de la Constitution toute la quintessence de l’esprit de Tocqueville et des valeurs maçonniques. En quelque sorte notre Frère Jonas Furrer avait parfaitement compris que la foi démocratique doit être vivifiée ad Vitam Aeternam dans la constitution fédérale afin de palier aux crises inévitables du processus historiques démocratiques.
Nous trouvons dans le préambule trois phrases d’inspirations maçonnique qui sont les suivantes :
» Au nom de Dieu Tout Puissant » qui rappelle l’importance du GADLU et de la composante métaphysique de la démocratie.
» Déterminés à vivre ensemble leurs diversités dans le respect de l’autre et l’équité » qui enjoint les citoyens à vivre comme des initiés
» Sachant que seul est libre qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres » qui propose de vivre ensemble selon les préceptes de la chaine d’union.
Enfin, pour couronner le tout le Conseil Fédéral est formé de sept conseillers fédéraux, ce qui le relie analogiquement à une loge maçonnique juste et parfaite..
Nous sommes en Suisse des privilégiés puisque nous n’avons pas à nous poser la question suivante : » Quel type de foi est-il possible d’envisager à l’intérieur de la condition démocratique » Nous la connaissons, puisqu’elle se nourrit d’altérité, de respect de l’autre et des diversités ethniques, de dialectiques constructives au service des équilibres sociaux et politiques.
En période de crise la tentation est très forte de vouloir réformer mais si la réforme consiste à faire disparaître la démocratie métaphysique c’est comme vouloir penser la foi sans la religion ou la démarche initiatique sans les rituels c’est une façon de séculariser l’idéal métaphysique de la démocratie. Le voulons-nous vraiment ? Ecoutons encore Alexis de Tocqueville qui en quelque sorte nous met en garde contre les réformes : » J’ai pensé que beaucoup se chargeraient d’annoncer les biens nouveaux que l’égalité promet aux hommes, mais que peu oseraient signaler de loin les périls dont elle les menace «
André Moser, président D&DS
Newsletter N°4
Le Labyrinthe culturel du XXIème siècle
Si l’on demande à cent personnes ce qu’est la culture, on aura à coup sûr presque cent définitions différentes. Car elles seront fonction du niveau social des individus dont elles émanent. Ainsi que de l’implantation géographique de ceux-ci. Le prisme mental de tout un chacun dépend des spécificités du pays où il vit. Les traditions et les croyances religieuses dominantes, qui peuvent formater les esprits, et la langue. Laquelle est une des deux principales barrières à la libre accession au savoir universel. L’autre étant le niveau économique, généralement exprimé par une donnée fallacieuse (PIB*) qui représente une moyenne entre les ressources des immensément riches et celles des morts de faim (sur)vivant dans une même aire géographique.
Laquelle constitue une sorte de labyrinthe dont seules les principales artères sont identifiables par les étrangers. Car un labyrinthe est un paradigme. Autrement dit, une faculté de percevoir la réalité et de comprendre le monde. C’est ce qui explique l’addiction de Jorge Luis Borges pour les labyrinthes. Car il considérait que si notre monde continue d’exister, c’est qu’il est un labyrinthe. Faute de quoi il n’y aurait qu’un permanent chaos.
Sans doute, sans le formuler, bien entendu ainsi, nos lointains ancêtres attribuaient-ils une signification ésotérique aux labyrinthes. Car on en trouve de nombreux dans sites préhistoriques.
En tous cas, de nos jours, les labyrinthes sont omniprésents dans nos vies. C’est tellement évident que l’on n’y prête pas garde.
Ces labyrinthes sont accolés et souvent complémentaires. Si bien que l’on passe volontiers de l’un à l’autre. Ils portent évidemment des noms qui nous sont familiers :
– L’EDUCATION avec de prestigieux pédagogues tels que Ferrer, Freinet, Decroly, Pestalozzi, Montessori
– L’UNIVERSITE (Du bon emploi d’Erasmus, les Grandes Ecoles, les ponts vers les grandes entreprises)
– LA FORMATION PROFESSIONNELLE
– LA COMMUNICATION, LES MEDIAS & LA DIFFUSION DE LA PENSEE (Dazybaos, samizdats, Ruedo Ibérico, papelìgrafos, livres, numérisation, Internet)
– LES STRUCTURES POLITIQUES INTERNATIONALES (Avant et après Yalta. ONU, OTAN et autres traités interafricains, latino américains et asiatiques)
– LES STRUCTURES FINANCIERES INTERNATIONALES (Avant et après Bretton Woods, avec analyse de la crise actuelle)
– MEDIATIONS INTERNATIONALES, NATIONALES, REGIONALES et autres.
– LA CITOYENNETE (Montesquieu, Alexis de Tocqueville, De Gaulle, la Constituante genevoise)
– LITTERATURE & POLITIQUE ( » J’Accuse » d’Emile Zola, » La République » de Pierre Mendès France, etc)
– LA COOPERATION avec les pays en voie de développement.
– L’ENVIRONNEMENT, le réchauffement de la planète
– LA SANTE, les pandémies, la grippe A, la grippe H1N1, le paludisme, le sida et les autres maladies vénériennes
– L’ORIGINE DU MONDE. Les grandes religions, les théologiens les plus éminents et les véhéments contempteurs tels Michel Onfray et Stéphen Hawkins.
– LA DECOUVERTE DE L’ESPACE
– L’ENERGIE NUCLEAIRE CIVILE ET MILITAIRE
– ETAT ACTUEL DES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES ET DE LA RECHERCHE FONDAMENTALE.
Cette liste n’étant pas exhaustive, il est évident que la Commission Culture de DDS a du pain sur la planche. Aussi a-t-elle besoin de la collaboration active des SS:. et des FF:. qui sont porteurs de savoirs et d’expériences susceptibles d’animer des débats instructifs.
Les labyrinthes ci-dessus évoqués, et une kyrielle d’autres font partie de l’immense territoire labyrinthique que représente la culture mondiale. Leur agglomérat comporte des aspects similaires et d’autres qui présentent des différences abyssales. On ne sort que trop facilement de ceux qui sont essentiels, contrairement au Dédale crétois. On est fréquemment appelé à abandonner tel labyrinthe (Par exemple celui de la géographie) pour chercher un complément d’information et devoir entrer dans celui d’une autre discipline (Disons, ici, l’histoire). Ainsi sont fréquentes les entrées et les sorties dans les labyrinthes que nous impose la vie. Elles sont momentanées ou définitives. On peut ainsi abandonner des études, sans aller jusqu’à la sortie normale, celle du doctorat ou d’un diplôme équivalent
Car les émules de Bernard Palissy ne sont pas légion. Mais aussi, souvent, parce que les circonstances sont parfois très hostiles aux vocations les plus affirmées. De sorte que tout ce qui, dans la culture, n’est pas directement utilitaire fait souvent l’objet de la dérision : Qui n’a pas entendu : « La culture, c’est comme la confiture, moins on en a et plus il faut l’étaler »
Même si la chanson de Georgius est aujourd’hui bien oubliée, la charge contenue dans le
» Lycée Papillon « *1 participe d’un mépris pour le savoir qui n’a pas disparu des chaumières, en dépit du Ministère de la Culture et autres géniales innovations d’André Malraux.
Tout comme il a servi de fer de lance pour instaurer plusieurs dictatures.
Nous avons tous en mémoire la fameuse phrase attribuée à Hermann Göring ou à Joseph Goebbels, alors qu’elle serait en fait une création du » barde de la SS « , Hanns Johst : » Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver. On connaît moins, dans l’aire francophone, l’affrontement tragique qui a obscurci la dernière période de vie du grand philosophe Miguel de Unamuno. Il s’était fourvoyé dans le camp des franquistes, c’est-à-dire l’équivalent espagnol des fascistes et des nazis.
Au cours d’un repas qu’il présidait, à Salamanque, il a été interloqué d’entendre le général Millàn Astray lancer » Viva la muerte « . Ce qui était le cri de ralliement de la Légion espagnole, dont Astray était fondateur. Alors Unamuno s’est levé et, blême, il a flétri ce qu’il venait d’entendre : » Un cri imbécile. Ce n’est pas parce que celui qui l’a poussé est handicapé (Astray était borgne) Cervantès l’était… » Puis il a ajouté, péremptoire, « vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas « .
Unamuno s’est référé au fait que Cervantès étai manchot, puisqu’il avait perdu un bras à la bataille de Lépante. Mis aux arrêts Unamuno est mort de chagrin. Le franquisme a vaincu, a perduré pendant 40 ans -grâce à la compréhension, pour ne pas dire la complicité de pays démocratiques- et a laissé un pays exsangue du point de vue culturel. Un pays qui porte encore les stigmates de ces quatre décennies de pensée unique et imposée.
Celle-là même qui contraignait les amants de la démocratie et de la liberté, du temps de l’URSS, à ne pouvoir s’exprimer que par le biais de samizdat. Celle-là qui imposait aux citoyens chinois le » catéchisme » dit Petit Livre rouge du camarade grand timonier Mao Zedong. Ou à leurs voisins Cambodgiens, le Petit livre rouge de Pol Pot.
Certes, les temps ont changé, et la Chine communiste est devenue le plus grand atelier du monde. Ainsi que le plus important créancier des Etats-Unis…et le pays où coexistent des millions de chinois sans feu ni lieu, et le plus millionnaires en dollars que nulle part ailleurs. Ce qui fait que les dirigeants du pays de Confucius tiennent à conserver, intra muros, les structures qu’ils maîtrisent.
Aussi font-ils en sorte que leurs concitoyens n’aient pas un libre accès aux médias étrangers, via l’Internet.
Car toutes les dictatures craignent les manifestations de la liberté de pensée, et la contagion démocratique qu’elles peuvent entraîner. Peur de toute forme d’art. Car celui-ci est par essence subversif et pacifique. Il bien des codes esthétiques établis, pour en explorer d’autres. Mais ses seules victimes sont la pensée unique, les » m’a-tu » et les pédants au savoir superficiel.
Ces faits établissent combien la culture est indispensable au maintien et à l’approfondissement de la démocratie. Son rôle étant d’enrichir les connaissances de chaque citoyen(ne) pour étayer sa personnalité. De sorte qu’elle génère des véritables laboratoires d’idées pour tout ce qui concerne la vie sociétale. Parce qu’elle est un bien commun à tous, elle conduit à apprécier et à respecter autrui dans ses différences.
Car la culture est indispensable à tout un chacun.
Quelle que soit sa nationalité, tout(e) citoyen(ne) est concerné(e) par la culture. Car ce terme recouvre l’ensemble des connaissances qui peuvent être acquises pour développer le sens critique, le goût et le jugement. Tout comme l’ensemble des connaissances nécessaires à l’exercice d’une profession déterminée. Ainsi que, plus encore, à la compréhension du monde complexe dans lequel nous vivons.
L’aspect majeur et universel de la culture est proclamé par l’UNESCO (Acronyme anglais de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture), sise Place Fontenoy à Paris. Aujourd’hui dirigée par une remarquable femme Bulgare, Irina Bokova, cette institution précise que, » Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, techniques, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. « . Cette définition cerne parfaitement l’aspect multiple et universel de la culture. Laquelle, s’appuyant sur une sorte d’archéologie du savoir, implique des interactions et des échanges malgré les différences dans les modes de vie.
Dans le domaine de la philosophie, on considère que le terme culture s’applique à tout ce qui n’est inné mais tressé au fil des siècles par les acquis humains.
Dans notre société actuelle, par la puissance des » étranges lucarnes « , autrement dit des télévisions, porte le » panem e circense » jusque dans les foyers les plus démunis. Tout est marchandisé. Même des émissions qu’un abus de langage qualifie de « culturelles » servent d’adjuvant pour faire passer les messages des » fils de pub « , suivant l’expression de Jacques Séguéla que, si l’on ne peut se payer une Rolex à 50 ans, on a loupé sa vie.
Ce qui implique de ne sortir qu’à la bonne porte du labyrinthe sociétal. Celle qui est signalée par le panneau » Fric « . Pour l’atteindre, il faut payer la série de péages que sont l’abandon de l’esprit critique et l’allégeance sans condition.
Ce qui est une grave manière de déserter le soutien de la démocratie.
Tout comme le serait la critique systématique et la non collaboration aux laboratoires d’idées, tels qu’entend les susciter le Club Dialogue & Démocratie Suisse.
Le cerveau humain est manifestement un vaste palimpseste, en constante expansion pendant la presque totalité de la vie. Chaque découverte que nous faisons, chaque image et chaque idée qui retiennent notre attention paraissent s’être estompées de notre mémoire. Mais elles sont là, entreposées dans notre cerveau, parmi des couches innombrables d’idées, d’images et de sentiments. Il suffira de circonstances apparemment irrationnelles pour faire ressurgir tel détail, telle précision, dont on ignorait qu’ils demeuraient dans notre mémoire.
Un prolongement de cette faculté cervicale de l’humain, se retrouve dans les encyclopédies.
Il suffit, pour s’en convaincre, d’en consulter une.
Prenons l’exemple de l’Encyclopaedia Universalis. Elle propose 60.000 entrées. Elles permettent d’accéder à des points précis de ce vaste labyrinthe. Lesquels, invariablement, invitent à en visiter d’autres, qui sont autant d’entrées que de sorties momentanées.
Nous avons tous fait cet usage du dictionnaire, en ignorant que nous visitions un labyrinthe.
Tout comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Et chacun pourrait dire, à l’instar d’Anatole France qu’il « a fait l’école buissonnière dans un gros dictionnaire «
Où intervient le palimpseste linguistique
Nous n’avons jusqu’ici envisagé que la difficulté qu’il y à entrer dans un labyrinthe et à en sortir en tirant un bénéfice culturel de notre périple.
Mais il reste à affronter celle qui est majeure. Elle est née, d’après la Genèse (11,1-9) à Ur, en Mésopotamie (Aujourd’hui, Irak).
Les humains auraient offensé Dieu en construisant une ziggourat dans l’intention de pénétrer les cieux. D’où l’image qui nous est transmise de la Tour de Babel, où l’on s’exprimait dans une langue différente à chaque étage. En tous cas, disent les écritures, » Tels furent les fils de Japhet, d’après leurs pays et chacun selon sa langue… «
Certes, nul n’est aujourd’hui tenu d’avoir le génie d’un Champollion parvenant à déchiffrer la Pierre de Rosette. Il existe d’excellents dictionnaires pour parvenir à appréhender le sens général d’un texte…à condition que l’on sache lire les caractères dans lequel il a été rédigé (Cyrillique, arabe, chinois, hébreu, latin) et que l’on ait pu bénéficier d’une immersion linguistique dans un pays où est pratiquée la langue considérée.
Sans entrer dans un fastidieux et impossible inventaire des langues actuellement en usage dans le monde, en voici un bref aperçu :
L’ONU possède 6 langues officielles : chinois, espagnol, anglais, arabe, russe et français (à noter que le portugais et l’hindoustani ne sont pas des langues officielles malgré leur nombre de locuteurs.) Les langues de travail du Secrétariat de l’ONU sont l’anglais et le français.
Il y aurait 6.703 langues parlées dans le monde. Le chiffre variant selon les sources, on ne peut affirmer que ce nombre soit totalement exact. Pour des motifs démographiques, le chinois est la langue la plus parlée. Traditionnellement considéré comme la langue de la diplomatie, après s’être substitué au latin, le français s’est laissé distancer par l’anglais. Cette langue arrive aujourd’hui en tête au niveau commercial, et, de plus en plus, dans le domaine universitaire ; ainsi que comme langue officielle de nombreux États du Commonwealth. L’espagnol est la troisième langue la plus parlée après le chinois et l’hindoustani, et est parlé en Espagne, en Amérique latine, dans quelques pays d’Afrique et aux Philippines
En ce début du XXIème siècle, les sondages ont permis d’établir que les locuteurs des 21 langues les plus parlées dans le monde représentent 70% des habitants de la planète. On imagine quelle est la place des 6.603 autres langues restantes…et la difficulté de ses locuteurs pour faire connaître leur propre culture.
Ainsi les multiples inclusions et apports de termes étrangers dans chacune des langues existantes.
L’Histoire et la géographie y ont beaucoup contribué. C’est ainsi que le peuple de Malte, en majorité catholique nomme Allah le Dieu auquel il s’adresse pendant les offices religieux. Ce qui s’explique parce qu’il est géographiquement proche du Maghreb. C’est encore ainsi que bien des juifs qui ont été contraints par l’Inquisition à quitter l’Espagne, pour s’installer en Turquie, continuent de parler le Ladino. C’est-à-dire le castillan de Cervantès émaillé de turc.
Sans totalement tomber dans le Volapuk stigmatisé par De Gaulle, tous les médias commentent, par exemple, des concerts » in live « . Dans tous les pays, les copains qui se séparent se saluent par un sonore » Ciao ! «
De là une sorte de palimpseste linguistique que favorisent les voyages internationaux.
Pangloss disait quelquefois à Candide : » Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin, si vous n’aviez pas été chassé d’un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l’amour de Mlle Cunégonde, si vous n’aviez pas été mis à l’Inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique à pied, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous n’aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d’Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches. «
On pourrait dire aujourd’hui, suivant le pays du » Candide » auquel on s’adresse :
– Car si tu as survécu à Hiroshima, tu vis paisiblement à Tokyo
– même si tu as dû porter l’étoile jaune tu as échappé à la Shoah, tu es maintenant un européen comme un autre
– même si tu as été envoyé faire ton service militaire en Algérie, et que tu n’as pas eu le sort des Harkis.
– Tu as été avec Bigard en Indochine et maintenant te voilà retraité en Haute-Savoie
– A chacun on pourrait ajouter à notre Candide actuel, à l’instar de Pangloss : » Sans quoi ta principale préoccupation ne serait pas, actuellement, la fin de la crise. «
» Cela est bien dit « , répondra votre Candide, » mais il faut cultiver notre jardin « .
» Ce qu’un homme ne sait pas ou ce dont il n’a aucune idée se promène la nuit dans le labyrinthe de l’esprit » Goethe
*1 Extrait du » Lycée Papillon » : Élève Labélure ? … Présent !
Vous êtes premier en histoir’ de France ?
Eh bien, parlez-moi d’Vercingétorix
Quelle fut sa vie ? Sa mort ? Sa naissance ?
Répondez-moi bien … et vous aurez dix.
Monsieur l’Inspecteur,
Je sais tout ça par cœur.
Vercingétorix né sous Louis-Philippe
Battit les Chinois un soir à Ronc’vaux
C’est lui qui lança la mode des slips
Et mourut pour ça sur un échafaud.
Le sujet est neuf,
Bravo, vous aurez neuf.
.* Le Centre d’Etudes Contemporaines de Barcelone (CCCB) et Bancaja ont coproduit l’exposition Por laberintos conçu par des éminents spécialistes des labyrinthes et étayé par des documents originaux et souvent inédits. Cette expo va en suite voyager vers d’autres cités. Pourquoi pas, un jour, à Genève?
Pour Dialogue & Démocratie
Nicolàs Muñoz de la Mata
Newsletter N°5
Babel, un avenir possible ? Éthique et politique
C’est un grand plaisir et un grand honneur d’être le premier à prendre la parole dans Dialogue & Démocratie Suisse.
Lorsque j’ai choisi de vous parler d’éthique et de politique, je ne m’étais pas rendu compte que j’abordais un sujet si difficile. Ce n’est que récemment que soudain je me suis dis, » Mais je vais être dans un cadre particulièrement agréable à la suite d’un repas tout aussi agréable, si je n’arrive pas à intéresser mes auditeurs le premier orateur de DDS risquera d’être aussi le dernier. » Je me suis dit alors que je dois tout faire pour rendre vraiment vivante cette conférence.
Au hasard, j’ai choisi une date sur un calendrier. Je suis tombé sur le 8 août. J’ai regardé sur internet quels événements se sont déroulés les 8 août au cours des siècles et quels étaient leur rapport à l’éthique et à la politique.
8 août 117 : L’empereur romain Trajan meurt, Adrien lui succède. Trajan était un empereur guerrier. Adrien un empereur pacifique, fin, cultivé, il était un homme très respectueux des cultures étrangères. Il avait dans l’idée d’établir un Empire universel, qui ne serait pas autoritaire.
8 août 1570 : Signature du traite de paix de Saint Germain-en-Laye, qui mit fin à la troisième guerre de religion.
8 août 1815 : Napoléon part à Saint-Hélène. La fin d’une tyrannie
8 août 1925 : Le Ku Klux Klan, organise son premier congrès. C’est la naissance d’une association fondée sur la haine, sur le sentiment de sa supériorité.
8 août 1940 : C’est le début de la bataille d’Angleterre, le début d’un combat titanesque qui mettra fin à autre tyrannie, la tyrannie nazie.
Je me suis engagé de vous parler d’éthique et de politique. Je viens de vous dire que ce n’est pas vraiment un sujet facile. Et de l’associer à l’histoire de la tour de Babel va nous engager sur un chemin ardu et passionnant.
Vous vous souvenez certainement que Coluche avait dit que Mitterrand et Giscard avaient divisé la France en deux, et que lui, il allait la plier en quatre.
Je ne vais pas vous plier en quatre. Le sujet qui va nous occuper m’en rend la tâche impossible. Mais je vais essayer de vous monter comment l’histoire de la Tour de Babel peut nous aider à comprendre quelque chose d’essentiel.
Je suis parti du postulat de la Bible. L’histoire de la tour de Babel est un mythe dont l’auteur a cherché à expliquer pourquoi l’humanité vivait divisée et en guerres perpétuelles. Il s’agit donc de comprendre ce mythe et de montrer en quoi son auteur a fait un grave erreur.
L’histoire de la tour de Babel est pour moi une vieille compagne. Elle me tourne dans la tête depuis bien des années. J’avais fini mes études et j’avais commencé d’imaginer une thèse de doctorat, car j’étais très intéressé par la théorie des conflits, la polémologie, dont le contraire est la théorie de la paix qui m’intéressait tout autant.
A cette époque, vous vous en souvenez, nous étions en pleine Guerre froide, avec la menace d’un holocauste nucléaire. Je me demandais ce que pourrait devenir l’humanité car je n’imaginais pas que nous puissions survivre si nous ne parvenions pas à nous unir et à vivre en paix. Or, il était impossible d’envisager l’unification du genre humain et, moins encore, un avenir paisible. C’était à l’époque où John Lennon proclamait son rêve de paix universelle. C’était une belle chanson, mais bien peu réaliste. Déjà dans les années soixante, la Terre était devenue un espace fort réduit. On parlait d’un village perdu dans l’univers au milieu de rien du tout. Déjà on pressentait les menaces d’une surpopulation, même si on ne voyait pas encore les risques de gravissimes pollutions. Je me souviens que déjà à cette époque Hubert Reeves avait écrit, dans un de ses ouvrages, que notre planète était infestée d’humains comme on pourrait dire d’une mer qu’elle était infestée de requins.
C’est au cours d’une de ces journée faites de réflexion, que l’histoire de la Tour de Babel m’était revenue à l’esprit. Il était dit, dans la Genèse, qu’au début, tous les hommes vivaient unis, en paix et qu’ils parlaient le même langage. Ils étaient donc dans une situation politique qui ressemblait à celle à laquelle nous devrions accéder.
Mais voilà, l’auteur du mythe prétendit qu’ils firent l’erreur de vouloir sceller leur amitié et leur unité afin que rien ne puisse jamais les disperser sur la face de la terre. Ils décidèrent de construire une ville et une tour. Pouvait-on le leur reprocher ? Et pourtant, Dieu qui était descendu sur terre pour se rendre compte de leur ouvrage, prit fort mal la chose. Il décida de disperser les hommes sur la surface de la Terre et de leur imposer des langages différents, afin qu’ils ne se comprennent plus. Et depuis les hommes, rassemblés en multiples clans et tribus, n’ont cessé de se chamailler, de se faire la guerre, de se piller les uns les autres et de se haïr. C’est ainsi qu’à partir de ce jour les guerres eurent pour usage de rééquilibrer les pressions démographiques. C’est du moins ce que prétendent certains polémologues. Pour eux, faire la guerre serait devenu un moyen pour ne pas mourir de faim.
Et voici ce qu’il se passa. Au fil des siècles et des millénaires la puissance des hommes s’est accrue. Et depuis de XVIIIe siècle, elle s’est accrue dans des proportions démesurées. Si bien qu’aujourd’hui, il nous serait désormais facile de détruire la planète, de détruire l’humanité entière et même la vie.
La situation semble à ce point dangereuse que nous entendons parfois certains de nos contemporains se demander si les hommes ne seraient pas tout simplement une erreur de la nature. Nous sommes intelligents, certes, mais pas assez. Peut-être, au fond, la Nature a-t-il choisi ce moyen curieux pour se débarrasser d’une humanité décidément trop sotte. Peut-être est-ce la seule possibilité qu’elle aurait trouvé pour protéger ?
Les mythes bibliques nous ont montré que Dieu pouvait être indifférent aux hommes et pouvait les laisser se diriger tout droit vers un désastre, qu’Il pouvait être désireux de les détruire par un accident qu’ils auraient eux-mêmes provoqué, qu’Il pouvait être profondément injuste, Lui qui avait déjà détruit l’humanité lors du Déluge parce qu’Il la voyait consacrée au mal ? N’avait-Il pas désiré alors la détruire afin qu’une nouvelle race d’homme améliorée apparaisse sur terre ? Mais comment pouvait-Il espérer maintenant que l’humanité s’améliore, alors qu’après Babel, c’est lui qui l’avait divisée, la contraignant ainsi à se détester et à se faire la guerre ?
Voilà donc le problème auquel je nous voyais confrontés : J’avais la certitude que nous devions nous unir et avoir du respect les uns pour les autres, afin que nous évitions de nous détruire, nous qui possédions désormais une puissance démesurée. Mais le souvenir de Babel semblerait nous indiquer que nous ne pouvions pas nous unir paisiblement. Que nous ne pouvions pas parler un langage commun. La nature humaine serait-elle frappée d’une tare, d’un vice de forme qui nous condamnerait à disparaître ?
Je nous voyais pris dans une contradiction insoluble, et je nous voyais inévitablement condamnés. Mais je voulais comprendre pourquoi l’humanité semblait condamnée à être divisée et à être incapable de parler un langage commun. L’explication que donne la Bible est plutôt sommaire. Il est écrit ceci : » Voici, ils forment un seul peuple et ils ont tous une même langue, et c’est là ce qu’ils ont entrepris; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu’il aurait projeté. » Cette affirmation ne paraît pas, a priori, très satisfaisante, car elle est vraiment trop sommaire. N’est-il pas dit que Dieu a fait l’homme à son image, n’a-t-Il pas fait de lui un créateur, un visionnaire ? Sa nature n’est-elle pas de faire ce qu’il désire ?
Le postulat de la liberté
Je pense, en toute humilité, que si nous voulons comprendre quelque chose de l’histoire de l’humanité, nous devons partir d’un postulat. D’un postulat très simple : Dieu, ou le Grand Architecte de l’Univers, a voulu l’homme libre. Et comment aurait-il pu en être autrement ? Si nous n’étions pas libres, nul n’aurait pu prétendre que nous sommes des pêcheurs. Nul n’aurait pu affirmer que nous sommes des êtres condamnables pour les choix que nous ferions ! Si nous étions tel des insectes entièrement déterminés par nos gènes, par nos instincts, nous ne pourrions jamais être confrontés à la nécessité de choisir entre le bien et le mal. Nous ne saurions pas ce que sont le bien et le mal. Nous ne pourrions pas tomber dans la tentation car nous n’agirions que de façon automatique.
Dieu aurait voulu créer l’homme a son image. Il l’aurait voulu créatif et entreprenant. Il nous aurait voulu intelligent. Il nous a voulu capable de choisir entre le bien et le mal.
Mais si Dieu a voulu que nous soyons libres de choisir entre le Bien et le Mal, cela veut dire qu’il nous a interdit aussi de nous soumettre à des autorités qui choisiraient pour nous, et qui nous imposeraient d’agir comme comme bon leur semblerait. Si notre chef de l’État, ou simplement notre maire, nous dicte ce que nous devons faire, sans que nous puissions donner notre avis au moyen d’un référendum, par exemple, il me semble qu’il y a clairement abus de pouvoir. C’est dire que si Dieu nous a voulu libre, aucune autorité, aucun homme n’a le droit de s’imposer à nous, et de choisir à notre place notre propre destin.
Et qu’on ne nous dise pas que c’est impossible.
La Suisse reconnait au peuple la possibilité de donner son avis ! Et c’est l’un des pays les plus prospères au monde. A l’inverse, regardez les institutions européennes de quelle manière elles décident ce qui est bon pour les Européens, avec un minimum de contrôle démocratique. Et puisqu’elles ne leur offre aucun moyen de donner leur avis, ils sont dans une situation qui va contre la volonté de Dieu, puisque Dieu nous veut libres, ou le Grand Architecte.
Le postulat de la liberté est à la racine de la démocratie : l’homme est maître de son destin, il a le loisir de s’unir avec d’autres hommes afin de réaliser avec eux des projets. Or, en réalité, durant des millénaires toute l’humanité a été dominée par des classes guerrières, et a été incapable de choisir son destin, parce qu’elle était constamment en opposition avec elle-même et dans l’obligation de se faire la guerre. Et pour se faire la guerre, elle s’est constamment dotée de moyens techniques qui l’a rendaient plus puissante.
Permettez-moi de vous expliquer.
Les civilisations qui ont précédé le monde moderne ont toujours reposé sur des techniques bien identifiées et stables, mais qui évoluaient par bonds successifs : il y a eu d’abord les techniques de la pierre taillée. Dès l’instant que les hommes ont appris à utiliser des pierres comme instruments, ils sont devenus puissants dans le règne animal. Puis il créa les techniques de la pierre polie. C’est à cette époque que nos ancêtres ont inventé l’élevage et l’agriculture. Ils ont considérablement accru leur pouvoir sur la nature. A partir du néolithique moyen, ils se sont vus contraints de s’armer pour se défendre contre leurs voisins, voire pour conquérir des territoires plus vastes. Puis, un beau jour, ils ont inventé la métallurgie. Là, ils ont fait un véritable bond. Ce furent d’abord les techniques du cuivre, puis celles du bronze. Des Etats ont été constitués, imposant leur autorité sur des territoires vastes comme l’Égypte, ou comme l’Irak. Puis apparurent les techniques du fer, qui ont renforcé encore d’avantage les sociétés humaines. Les guerres étaient de plus en plus dévastatrices et plus en plus fréquentes. De vastes empires ont été bâtis dans des conflits gigantesques, comme l’Empire hellénistique, ou comme l’Empire romain, ou l’Empire chinois, ou l’Empire mongol.
Jusqu’à ce jour, durant ces longues périodes, la liberté n’a jamais vraiment été possible, sauf en de très rares occasions, comme par exemple au temps de la Grèce classique. Puisque la guerre était quasiment constante, la liberté de pensée, la liberté de parole, la liberté de réunion, la liberté contre le peur, ne pouvaient pas exister, car toutes ces sociétés étaient tendues par la nécessité d’être soumise à une autorité. Constamment elles devaient tenir le peuple pour se défendre, constamment il fallait accroître son territoire si l’on ne voulait pas être un jour vaincu et submergé.
Dieu nous a voulu libres. Mais qu’est-ce que la liberté ?
Et pourtant Dieu nous a voulu libres, puisque nous sommes pécheurs, puisque nous pouvons choisir la voie du bien ou celle du mal. Mais la nécessité de la guerre nous a privé de liberté, jusqu’à l’apparition de cette nouvelle ère que l’on appelle la » Modernité » et qui est en réalité un tout nouveau type de civilisation, infiniment plus puissante que celles que l’on a connu jusqu’à présent, la civilisation scientifique. Là, soudain, il semble que la liberté soit devenue possible.
Mais qu’est-ce que la liberté ? Ça ne peut pas être » faire n’importe quoi « , car faire n’importe quoi serait s’engager indifféremment dans la voie du bien ou dans celle du mal. Or, au moment où il est dit que Dieu est descendu sur terre pour voir le travail des hommes de Babel, Il affirme qu’il ne pouvait certainement pas les laisser » faire tout ce qu’ils auraient projeté de faire « . Et c’est alors qu’Il les aurait dispersé sur la surface de la terre.
Mais alors qu’est-ce que c’est qu’être libre ?
J’ai la chance d’être bi-national. Je suis né en France, pendant la guerre, de parents suisses. Cela me donne la possibilité d’être à la fois acteur et spectateur dans deux pays différents. En France, certains aiment la Suisse et l’envient, d’autres la détestent. Cela n’est pas très important. Ce qui est important, en revanche, c’est de constater que la Suisse a certainement les institutions les plus démocratiques au monde. Pourquoi ? Parce que le peuple suisse est le souverain. C’est lui qui décide en dernier recours. Le chef de l’État, lui, n’est certainement pas le souverain. Mais il est l’expression de toutes les raisons positives que les Suisses ont de vivre ensembles. La Suisse est composée de 26 Etats, tous plus jaloux de leurs prérogatives les uns que les autres. On y parle quatre langues différentes, et les religions ont souvent été des raisons de s’affronter, voir même de se faire la guerre, jusqu’au XIX siècle. Bref, la Suisse est une Europe en miniature.
Vous le savez, j’ai été élu député à l’Assemblée constituante. Genève est une minuscule République. Elle fait 450 kilomètres carrés, elle est peuplée de 480 000 habitants, dont la moitié est constituée d’étrangers. C’est une république confetti, mais une vraie république. Le peuple souverain a décidé, il y a deux ans, de changer sa constitution, qui datait de 1847. Elle était devenue totalement obsolète. Nous étions 80 députés de tous les horizons politiques à avoir été élus à être installés devant une page blanche qui devait devenir la nouvelle constitution. Alors que je regardais cette assemblée, il m’est apparu clairement que si nous voulions réussir dans notre tâche nous devions éviter deux écueils. En premier lieu, nous devions éviter d’être agressifs les uns envers les autres, de nous invectiver sans nous écouter, et nous devions être attentifs aux propositions que les uns et des autres auraient à faire, quelque soit leur parti. Deuxièmement, nous devions nous engager. Quelles que soient nos connaissances du droit constitutionnel, nous devions faire des propositions. Nous ne pouvions pas nous laisser aller à notre paresse naturelle et regarder les autres faire le travail pour nous. Nous ne pouvions pas nous abandonner au laxisme.
C’est ainsi que j’ai compris ce qu’était la liberté. Nous ne faisons partie du peuple souverain que si, d’une part nous ne nous livrons pas à la violence et que nous sommes attentifs les uns aux autres, et si, d’autre part, nous nous engagions à travailler avec tous nos moyens personnels à la vie de la communauté.
La liberté n’est donc pas quelque chose de simple : elle repose sur des contraintes.
Vous allez me dire » qu’est-ce qu’il nous raconte. Il veut nous faire croire que pour être libre il faut se contraindre. «
Et pourtant, c’est bien de cela qu’il s’agit. Je vais vous donner un exemple : Si je veux apprendre à piloter un avion, je dois me contraindre à apprendre les techniques de l’aéronautique et de l’aérodynamique, je dois me concentrer pour maîtriser mes gestes et mes comportements dans un espace à trois dimensions. Alors seulement je pourrais jouir de la liberté de me déplacer et de voler. Si l’enfant veut apprendre à parler, il doit abandonner ses cris et ses grognements pour construire des sons articulés. Il doit se contraindre à structurer ses sons. C’est à cette seule condition qu’il pourra être libre de s’exprimer et de se faire comprendre.
La liberté repose donc sur un postulat objectif : nous n’avons pas le droit de restreindre notre nature, mais nous devons abandonner la violence et le laxisme afin d’être capables de structurer nos comportements pour atteindre les objectifs que nous avons décidé d’atteindre. En dehors de ces deux contraintes, nul ne peut limiter, par principe, la nature humaine. Nul ne peut limiter les talents des hommes.
On comprend qu’il est difficile de définir positivement la liberté car il s’agirait d’englober la totalité de la nature humaine, et que nous sommes bien incapables de définir cette nature humaine. Une définition de la liberté devrait englober la totalité de la nature humaine, mais elle devrait simultanément rejeter ce qui, dans les actions et les choix humains, limiteraient nécessairement les potentialités de cette nature.
Or, ce qui limite les potentialités de la nature humaine, ce sont donc deux choses :
a. Le recours à la violence, qui oblige de consacrer sa vie aux seuls instincts d’agression et de défense, qui ne voit de justice que dans la vendetta et qui ne peut se soumettre à aucun système de droit objectif. C’est le recours à la violence qui a constamment privé les hommes de liberté au cours des millénaires.
b. Le laxisme dans la conduite de sa vie, qui ne permet la structuration d’aucun comportement créateur.
La liberté c’est donc se soumettre à certaines contraintes. Par exemple, elle ne s’accorde pas à certaines doctrines très à la mode aujourd’hui qui prétendent qu’une personnalité libre se forme dans le respect fétichiste des pulsions de l’enfant, c’est-à-dire, dans son agressivité et dans son incapacité de se maîtriser lui-même.
Par conséquent, la liberté se définit comme l’acceptation pleine et entière de la nature humaine à l’exclusion de ce qui, dans l’expression désordonnée de cette nature, a pour effet d’en limiter les potentialités.
Ouf ! Vous avez compris ?
La nature humaine est pleine de potentialité et elle est pleine de contradictions. Et nous passons notre temps à en découvrir de nouvelles… Donc accepter la nature humaine, ce ne peut être empêcher que se déploient certains aspects de cette nature. Évidemment, c’est pas tout simple, mais nous ne pouvons pas progresser sans avoir ce point de repère.
La liberté est un idéal qui se situe au point de rencontre de toutes les contradictions de la nature humaine. Mais c’est aussi un idéal qui rassemble tous les hommes et toutes les femmes autour d’un même drame et d’une même grandeur : la reconnaissance que notre vie est limitée, qu’elle est en proie au deuil et au malheur, mais en même temps qu’elle nous offre la conscience de l’univers.
Il existe une troisième chose dont la liberté doit limiter la nature humaine : la volonté d’imposer à autrui nos propres certitudes. Nous pouvons chercher à convaincre, mais nous ne pouvons contraindre, même si nous sommes certains d’avoir raison.
Or, les hommes ont constamment voulu imposer à leurs contemporains leurs certitudes vraies ou fausses qu’ils présentaient comme des idéaux universels.
La liberté n’est donc pas quelque chose de simple, c’est quelque chose qui nous impose de nous tenir droit. La liberté n’est pas de faire tout ce qui nous passe par la tête, et de prétendre qu’un acte de violence est la preuve de notre liberté. Ou que notre paresse est la preuve de notre liberté.
La violence et le laxisme sont à l’origine de la tyrannie et de l’anarchie.
L’individu et la société
Cette façon qui nous oblige à nous tenir droit a pour effet de maintenir un équilibre entre l’individu et la société. L’anarchie, est la conséquence du mépris de la société par les individus ; et la tyrannie, est la conséquence du mépris des individus par les autorités sociales.
Qu’une autorité sociale ou politique exige de chacun de nous une obéissance absolue, et la société écrase l’individu, elle détruit l’essence même de son propre dynamisme. A l’inverse, qu’un individu qui se laisse dominer par ses propres pulsions, son avidité, sa rapacité ou sa violence, et qu’il cherche à soumettre le monde à ses excès, et l’individu mine la société.
Au fond, n’est-ce pas cela l’histoire de la Tour de Babel ? Cette histoire de la Genèse part d’un état de la société qui commence par la liberté. Puis quelque chose se brise. Soudain, la société impose à tous ses membres la quête d’un objectif unique. Tous doivent de participer à la construction d’une monumentale création architecturale. Cette société, qui était universelle, choisit de créer une tour et une ville afin de que rien ne puisse jamais la diviser. Mais elle fit perdre la liberté à ses membres, puisqu’ils étaient contraints de se consacrer exclusivement à la fabrication de cette Tour.
Mais alors, est-il vraiment juste de nous demander si c’est Dieu qui imposait aux hommes d’être dispersés sur la surface de la terre et de ne plus parler un langage commun ? Ne serait-ce pas plutôt la responsabilité des hommes qui, ayant choisi d’abandonner leur liberté, se seraient finalement opposés les uns les autres, perdant leur capacité de se comprendre ?
A bien y réfléchir, la tragédie de Babel est similaire à bien d’autres tragédies de l’histoire de l’humanité. Par exemple, la civilisation de l’île de Pâques. Les Pascuans n’ont-ils pas consacré, un beau jour, toute leur énergie à l’élaboration de ces statues gigantesques, les Moais, pour des raisons que l’on ignore, mais qui eurent pour conséquence la déforestation et la destruction de leur île, la famine et la guerre civile ?
Ne serait-ce pas la même histoire que celle de la Chine à l’époque des Royaumes combattants ?
Qín Shi Huáng est le premier unificateur de l’empire chinois.Or, afin de maintenir son peuple dans l’ordre le plus stricte, il le força à construire la Grande Muraille de Chine pour le maintenir dans une servitude qui devait les empêcher à jamais de se révolter et de se diviser. La conséquence c’est qu’il se révolta et se divisa, et que le pays plongea dans la guerre civile.
Et qu’en est-il de l’Égypte antique ? L’ancienne empire, après avoir construit des œuvres gigantesques, comme les pyramides de Saqqarah ou celles de Gizeh, s’effondre au environ 2200 avant notre ère, dans l’anarchie et la guerre civile.
Et qu’en est-il encore de la civilisation communiste ? Elle reposa sur une théorie sociale qui était présentée comme un absolu, et que nul ne pouvait discuter et moins encore critiquer. Ce système intellectuel qui avait l’intention de dominer l’intelligence humaine ruina l’Empire qui dura moins d’un siècle et qui s’effondra.
On entend souvent dire, notamment des Chinois, que la liberté va nous diviser et nous conduire à la guerre civile. C’est le contraire qui se passe. C’est lorsque nous perdons notre liberté que nous nous engageons sur la voie de la guerre civile. Dès l’instant que nous nous imposons une philosophie unique, ou l’accomplissement d’une œuvre unique, nous perdons notre liberté et nous nous engageons sur les sentiers de la guerre.
La liberté ne dresse pas l’homme contre lui-même, l’humanité contre elle-même. Elle ne nous divise pas parce qu’elle nous permet d’embrasser toutes les potentialités de la nature humaine.
La liberté nous accorde la possibilité de choisir notre destin, de vivre nos rêves comme nous l’entendons, de proclamer nos idées et nos convictions sans que quiconque puisse s’en offusquer. Elle nous impose symétriquement de respecter les modes de vie et de pensée qui ne sont pas les nôtres. Elle nous donne des droits en même temps qu’elle nous impose des devoirs, de sorte qu’elle ne va pas sans la responsabilité : nous sommes tenus de reconnaître nos limites et d’assumer les conséquences de nos choix.
Négativement, on peut dire de la liberté qu’elle ne nous accorde pas la possibilité de nous soumettre à nos pulsions, à nos instincts ou à notre violence naturelle (comme l’affirment tous ceux, et ils sont nombreux, qui pensent que nous ne sommes rien de plus que des animaux régis par les seules lois de la biologie), elle ne nous permet pas davantage d’abandonner notre libre-arbitre à des dogmatismes que l’on ne saurait critiquer (comme le font les islamistes) ou à des théories sociales que l’on ne pourrait pas discuter (comme l’ont fait les marxistes). De telles soumissions nient la liberté et nous reconduisent immanquablement au drame de Babel, car ces constructions intellectuelles qui veulent s’imposer comme des absolus conduisent au même désastre que Babel.
En revanche, la liberté nous convie au respect des faits et des points de vue ; elle nous oblige à la tolérance et au débat d’idées.
Voilà pourquoi la démocratie est supérieure à tous les autres systèmes politiques : elle seule peut faire place à l’infinie diversité de la nature humaine. Elle ne conduit ni à l’anarchie ni à la tyrannie si les hommes savent se tenir droits et se respecter. S’ils s’imposent de lutter contre leurs propres excès. La démocratie lutte simultanément contre ceux qui croient posséder la Vérité absolue, et contre ceux qui pensent qu’il est inutile de la rechercher.
Dieu a créé l’homme a son image. Il nous veut libres et non pas dominés par une volonté qui forcerait à chacun d’ignorer tout autre choix que celui qui nous est imposé, par des mensonges.
La liberté a pour fondement l’éthique
Jusqu’à présent je n’ai parlé que de liberté, alors que je m’étais engagé à vous parler d’éthique. Et bien rassurez-vous, c’est pratiquement la même chose. Et j’ai tenté de vous monter que la liberté repose sur des contraintes.
Donc la liberté repose sur quelque chose qui nous dépasse et qui nous contraint : ce quelque chose, c’est l’éthique.
Je ne sais plus qui disait que » Les milieux autorisés sont ceux qui s’autorisent à penser qu’ils sont autorisés. » C’est apparemment drôle, mais en réalité cela dénonce un grave déséquilibre. Certaines personnes considèrent qu’elles sont très largement au-dessus de l’humanité commune, et qu’elles ont le droit de diriger et de commander sans que le peuple n’est rien à y redire. C’est contraire à l’éthique. Et pourtant, on en voit de ces hommes, et de ces femmes aussi, qui jouissent de leur pouvoir.
L’éthique s’impose à nous. Elle est notre propre volonté de nous tenir droits, d’être fiers et sans être orgueilleux.
Elle nous force à accepter toutes les contradictions de la nature humaine, à reconnaître que nous disposons d’une conscience et d’une intelligence qui nous élèvent au-dessus de tout ce qui existe dans la nature, et qui par conséquent nous forcent à la protéger. C’est pour cela que nous devons nous respecter : chacun dispose de la même grandeur, chacun a reçu une étincelle, une part de l’étincelle divine. C’est pour cela que nous devons être équitables dans nos relations avec autrui.
L’éthique c’est de nous respecter mutuellement, et c’est respecter la nature. J’étais récemment dans un magasin Leclerc, l’autre côté de la frontière. Dans le rayon poissons il y avait, figurez-vous, du thon rouge. Alors que nous savons tous que c’est une espèce en voie de disparition. Leclerc n’a pas fait preuve de son sens de l’éthique. Et qu’en est-il lorsque les éleveurs de porcs polluent les nappes phréatiques, les cours d’eau jusqu’à la mer. Ont-il le sens de l’éthique ? Et lorsqu’un automobiliste laisse tourner son moteur alors qu’il discute avec une connaissance et pollue inutilement, a-t-il le sens de l’éthique ? Tous ces gens sont-ils des hommes libres ? Ne sont-ils dominés par leur rapacité, leurs instincts, leur mépris ?
Seuls de l’éthique découle naturellement, la liberté, la tolérance, le dialogue, la collaboration, l’échange. C’est de l’éthique qu’émerge ce que les sociologues appellent le » capital social « , c’est-à-dire la confiance et la réciprocité qui sont au fondement d’une société vivante. Lorsque l’on n’est plus capable de constituer du » capital social « , c’est-à-dire de vivre selon l’éthique, nous nous dirigeons vers le modèle des sociétés maffieuses, et nous commençons de sombrer dans la misère et le sous-développement.
Nos systèmes politiques, en Occident, prétendent faire de la personne humaine le principe organisateur de la société. C’est ainsi qu’ils doivent avoir l’éthique pour fondement. Il ne peut pas en être autrement, car si l’on imposait à l’individu une morale, un ordre, ce ne serait plus lui le centre de la société, mais l’autorité de laquelle émanerait la morale qu’on lui impose. Que l’éthique fonde nos sociétés démocratiques, implique qu’elle doit être à l’origine de notre organisation politique et que si on en perd le sens, nous commençons tout simplement de sombrer.
Au XVI siècle vécu, en Allemagne, un philosophe et théologien calviniste nommé Althusius. On le reconnaît aujourd’hui comme le père du fédéralisme moderne et du principe de la souveraineté populaire. Dans un de ses ouvrages, il avait proposé un organigramme dans lequel l’institution politique comprenait un pouvoir législatif, un pouvoir exécutif et un pouvoir judiciaire. Deux siècles plus tard, Montesquieu fera la théorie complète de la séparation des trois pouvoirs, qui est l’un des piliers de la démocratie. Un pilier qui est respecté un Suisse mais qui, hélas, ne l’est pas vraiment dans certains pays européens.
L’idée à l’origine de ce système est que, lorsque les hommes se rencontrent dans le respect de l’éthique, ils s’organisent spontanément selon un système composé de trois piliers qui s’équilibrent les uns les autres. Pourquoi ?
Pour une raison fort simple.
Lorsque deux individualités se rencontrent, leur première réaction, c’est la méfiance. On ne sait pas qui est l’autre, on ne sait pas quelles sont ses intentions, il est possible qu’il cherche à nous nuire. Mais, même si les hommes sont antagonistes par nature, ils peuvent reconnaître qu’ils sont faibles, que leur vision des choses est unilatérale, qu’ils sont incapables de réaliser seuls leurs désirs et leurs rêves ; lorsque ces deux individus se rencontrent, et qu’ils décident de communiquer, d’échanger, de dialoguer, dès lors qu’ils veulent instaurer entre eux un rapport de confiance afin de réaliser ensemble un bénéfice qu’ils seraient incapables d’obtenir seuls, ils ne sont plus deux mais trois : les deux personnes qui d’une certaine façon s’excluent et s’opposent, et le principe de l’unité qui les rassemble, pour qu’ensemble elles collaborent à la réalisation de buts communs.
Et quel est le principe de cette unité ?
C’est l’éthique : c’est-à-dire le respect de l’autre dans son imprescriptible individualité, mais aussi le respect de nous-mêmes dans notre dignité. C’est la certitude qu’ensembles nous sommes bien plus que la somme de nos qualités. L’éthique nous impose, en premier lieu, la confrontation pacifique de nos points de vue, elle nous donne ensuite les moyens de réduire nos différents jusqu’au point ou une action commune devient possible, une action dont les bénéfices seront équitablement partagés. Elle permet enfin, en cas de différents lors de l’application des décisions, d’aplanir les éventuelles disputes avant qu’elles conduisent à une rupture.
Entre deux personnes donc, les trois instances, qu’Althusius avait repéré au niveau de l’Etat, sont présentes : le moment où l’on discute de l’objectif que l’on veut atteindre et où l’on décide, correspond à l’instance législative. Par exemple, si l’on veut construire un pont, on discute longuement avant de commencer les travaux. Le moment où l’on agit correspond à l’instance exécutive ; le moment où l’on règle un différent, à l’instance judiciaire. Ces trois moments, comme les trois pouvoirs, doivent être clairement séparés. Si l’on discute encore de ce que l’on va faire, alors que le moment d’agir est venu, le projet s’enlise. Lorsque la décision est prise, on doit s’abstenir de remettre en cause la chose acceptée ; mais si une dispute survient, tout doit être arrêté afin de ne pas compromettre l’œuvre à accomplir. On voit donc bien que ces trois instances doivent être clairement séparées.
Il en va de même lorsque l’on passe des individus aux groupes, puis des groupes aux groupements de groupes, puis à l’État, et puis même au groupement d’un certain nombre d’États dans une entité régionale, comme l’Union européenne. Il en irait de même, enfin, si l’on envisageait l’unité la plus vaste que l’on puisse imaginer, l’universalité humaine. Cependant, entre la rencontre de deux individus et la constitution de groupes de plus en plus importants, il s’avérera le plus souvent utile de codifier les règles qui président à leur unité. Cette codification ne remplace pas l’éthique, elle en précise les modalités dans le fonctionnement de ce groupe particulier.
On dotera un Etat d’une constitution. On dotera un groupement d’État d’une autre constitution. De façon stupide, la classe politique européenne ne veut pas entendre parler d’une constitution européenne; elle veut un traité. En tout état de cause, on doit savoir qu’une constitution ne remplace pas l’éthique : elle organise les trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, elle édicte les principes dont s’inspirent la vie communautaire, elle établit les règles qui permettent le dialogue entre les points de vue qui s’affrontent, entre les méthodes selon lesquelles les décisions sont exécutées, et formalise les moyens qui permettent de résoudre les conflits.
La doctrine politique française affirme avec force que l’éthique n’a rien à voir avec la gestion de l’État. Or, si la France est une démocratie, l’éthique est à son fondement, ou alors nous avons affaire à une parodie de démocratie. Selon cette doctrine, seule compterait en définitive la survie de l’État et celle-ci devrait être assurée par tous les moyens possibles, y compris, si nécessaire, les plus inacceptables. C’est ainsi que l’histoire récente de ce pays est pleine de dérives » barbouzes « . Souvenons-nous de ces » Cellules antiterroristes » qui furent mises au service des intérêts privés d’un seul individu. Il semble même qu’il y eut des meurtres politiques, jamais élucidés, des collusions entre intérêts publics et intérêts privés, voire des conduites maffieuses. On de souvient de la mort de Coluche. Il s’était présenté à l’élection présidentielle. Les sondages montraient qu’il pouvait obtenir la majorité et qu’il était en train de déstabiliser tout le système. On l’a prié de se retirer, on l’a menacé. Et on l’a retrouvé mort… Cela ne veut pas dire, bien sûr, qu’il ait été assassiné. Mais disait-il, « Y’a un truc qu’on est sûr quand on est ministre, c’est qu’on retournera pas à l’école, tandis qu’en prison, faut voir ! ».
Lorsque la politique est pervertie par certains de ses acteurs, c’est tout le système démocratique qui se dégrade. Lorsque certains politiciens se croient permis d’abuser de leur pouvoir, de s’adonner à l’autoritarisme, ou au népotisme, le peuple finit par ne plus croire en la politique, car il a compris que ce n’est plus la personne humaine qui est au centre de la société, mais l’élu, le puissant. Le peuple sent qu’il est méprisé. Lorsque l’on nie que l’éthique est à la racine de l’ensemble de la société et que l’on affirme que le » Secret défense » est indispensable à la défense de l’État et qu’on ne lui impose aucun frein juridique, nous ne sommes plus véritablement dans une démocratie.
Pour ma part, je considère qu’un État qui abandonne les règles de l’éthique dans la gestion de ses affaires ne mérite tout simplement pas de survivre. Je considère qu’un peuple qui ne réagit plus aux dérives de ses dirigeants, laisse son avenir lui échapper.
Alors qu’en est-il de Babel
Qu’en est-il finalement du mythe de Babel ? Cette humanité unifiée, paisible, qui avait abandonné sa liberté pour se consacrer à un seul objectif, la construction d’une ville et d’une tour. Il en est de même chaque fois que nous nous imposons à nous-même un système de pensée unique telle que fut la scolastique, ou un système de vérité absolue; il en est de même chaque fois que nous cessons de nous écouter, d’être attentifs à nos désirs, à nos rêves, à nos ambitions, à nos systèmes de pensée, à nos talents, et que nous nous mettons à cuire des millions de briques et à les empiler indéfiniment. Il en est de même lorsque nous nous laissons imposer par une autorité une morale qui nous contraint de chercher à d’atteindre un objectif unique.
Voilà, peut-être, pourquoi Dieu s’est fâché. Les hommes se sont détournés de l’éthique et de la liberté. Il les contraignit à se disperser afin qu’ils finissent par retrouver l’une et l’autre.
Mais au fond, vous l’avez compris, ma conviction est que Dieu n’y est pour rien dans cette affaire. Ce sont les hommes, au contraire, qui sont les seuls responsables de leur malheur. Ils se sont dispersés parce qu’ils ont perdu leur liberté et leur sens de l’éthique. Ils ont fini par s’opposer les uns les autres pour sombrer dans une probable guerre civile. Ils se sont rassemblés en tribus ennemies et se sont consacrés finalement à une guerre sans fin. La guerre, cette activité mono-maniaque qui a privé l’humanité, durant des millénaire, et d’éthique et de liberté.
Mais aujourd’hui, nous qui avons su reconquérir la liberté, ne sommes-nous pas en train de la perdre à nouveau ? Parce que nous nous sentons méprisés par nos dirigeants, parce que nous ne saurions plus nous respecter les uns les autres, nous ne saurions plus respecter la nature, comme l’ont fait les habitants de l’île de Pâques. Parce que nous ne saurions plus nous tenir droit face à nous-mêmes et que nous préfèrerions la violence et le laxisme.
Voilà comment s’achève ma réflexion qui débuta à la fin de mes études. L’humanité n’est pas condamnée parce que Dieu refuse qu’elle s’unisse et qu’elle parle un langage commun. Elle peut survivre, en dépit de l’extraordinaire puissance qu’elle a accumulée entre ses mains.
Mais à une condition : qu’elle apprenne à être libre, pour toujours.
Franck C. Ferrier, Vice-président D&DS
Genève, le 15 septembre 2010
Commentaire de P. Jenni à la newsletter N°5
Cher Monsieur Ferrier,
Je vous remercie pour votre discours très touchant. Le verbe est très clair, on peut sentir le vécu du bonhomme, sa sincérité et surtout le coeur qui imprègne ses paroles. ça fait du bien par où ça passe.
Par ailleurs, vous n’êtes pas un donneur de leçons ni un érudit qui a besoin d’étaler sa science. Bref que du bonheur, ou presque.
Le premier sourcil s’est levé sur le pré-requis de l’existence de Dieu. En effet, tout votre discours part du principe que Dieu nous a créé à son image comme des êtres libres afin que la conscience puisse émerger, la faculté de discriminer le bien du mal. Votre auditoire n’est donc forcément composé que de croyants monothéistes. Sont d’emblée exclus les savants de pointe, les athées, ceux qui suivent des religions à caractère polythéistes, du moins ceux qui n’ont pas réalisé qu’elles provenaient elles aussi d’une source unique, mais surtout toutes les personnes, comme moi ou comme Thomas, qui ont fait le choix de ne croire que ce qu’ils voient ou comprennent. C’est dommage, mais passons outre.
Si je vous ai bien compris, la condition de base requise pour que l’éthique règne en politique, c’est d’être libres. Cette liberté qu’il est difficile de cerner semble reposer sur une apparente contradiction; la faculté de se soumettre à certaines contraintes, notamment et plus particulièrement le renoncement au recours à la violence et le laxisme.
Comment ne pas être d’accord ? D’une part il semble indiscutablement évident que notre liberté personnelle s’arrête où commence celle des autres et d’autre part, le simple fait d’être vivant implique de se bouger, se lever le matin, dépenser les calories accumulées au risque d’exploser d’obésité, échanger des idées au risque de sombrer dans la folie, bref de vivre et donc de donner, de se donner.
Personne n’est, ni ne peut être laxiste. A la moindre tentative, il en paie le prix et ce n’est pas une punition divine, pas plus que dans l’histoire de la tour de Babel, mais juste une conséquence naturelle qui découle pour ainsi dire des lois de la physique. Ce sujet mériterait une digression, mais elle nous emporterait bien loin à la lumière des dernières découvertes de la physique quantique qui fait état de l’absence de temps et d’espace réel et qui fait douter les scientifiques sur l’existence ou l’inexistence de Dieu, selon.
Mettons-nous en situation de la manière la plus simple possible, prenons le couple pour exemple.
Le recours à la violence, c’est quoi ? A mes yeux, c’est surtout un immense aveu de faiblesse. L’impossibilité de maîtriser ses pulsions. Un couple tient, de nos jours, en moyenne quatre ans. Les deux premières, sur la lancée des phéromones permet d’idéaliser l’autre, le servir et donc recevoir un maximum en retour. La suite est une dégénérescence plus ou moins rapide qui mène à l’incompréhension, au déni, à la rupture du dialogue puis enfin à la violence une fois toutes les armes épuisées.
Le laxisme serait plutôt l’expression du couple avec enfants qui décide d’enterrer la hache de guerre pour mener à bien sa mission. On ne se parle plus, on se trouve un conjoint extra-conjugal, bref on renonce à essayer de recoller les pièces cassées.
Ces schémas, comme vous le relevez peuvent être transposés au groupe, à la nation, à la terre et qui sait peut-être à l’univers.
Or quel est l’ingrédient qui manque ? L’éthique ? La conscience ? La foi ?
A mon avis, rien de tout cela, ou du moins pas à la racine. Ce qui manque c’est l’éducation, l’utilisation optimale de cette capacité unique au genre humain dans l’expression de la vie qu’est l’intelligence. Sans elle, pas même moyen de savoir ce qu’est l’éthique. Avec elle, tout devient possible, mais seulement en terme de potentialités car tout le travail reste à faire.
Et c’est là que ça devient vraiment intéressant.
Au niveau du couple c’est un peu plus simple. Les partenaires proviennent en général d’un même « background » culturel, si ça se trouve ils ont été à l’école ensemble. La sémantique est partagée, la religion souvent aussi.
Dans un système plus large, les trois piliers viennent en soutien. Sans eux la communication devient très difficile.
Au niveau international, pour le moment on oublie.
Et pourtant, ce sont les mêmes règles qui s’appliquent, les mêmes énergies qui nous animent. Alors que faire ?
Je n’ai pas de recette miracle. Mon expérience personnelle m’a pourtant permis de comprendre quelques principes incontournables pour supporter cette existence de souffrance :
– ne rien attendre, de personne
– faire même si ça semble inutile
– donner et donc recevoir
Ne rien attendre, ce n’est pas une conséquence d’un dépit, bien au contraire, c’est la culture d’un détachement, d’un état de confiance sans limite dans ce qui doit être (Dieu?) Le concept s’applique à tout, partout. En politique, c’est la manifestation par excellence du respect, de l’écoute des autres, du doute de ses propres positions, de l’ouverture et de la remise en question. Bref, toutes les qualités qui devraient imprégner les députés de la constituante.
Faire même si ça semble inutile, c’est la gratuité. C’est vivre tout court, rendre ce qui nous a été donné (la vie). ça implique aussi de ne rien attendre.
Donner et recevoir. Il suffit d’essayer pour vérifier à quel point c’est le cas. Mais attention, sans détachement ça devient une manoeuvre égoïste qui remet en question les deux points précédents.
Ces trois principes tout simples ne m’ont été accessibles que grâce à une certaine éducation. Les parents, l’école, puis la curiosité grandissante et la chance inouïe de pouvoir se renseigner.
Aujourd’hui, avec internet, tout est à portée de n’importe qui ou presque. Mais il faudra encore beaucoup de temps pour que l’humanité réalise que nous vivons dans un village, que nos différences culturelles sont autant de couleurs qui égaient le tableau mais qui puisent à une même source.
En attendant, nous pouvons heureusement compter sur des êtres de bonne volonté, comme vous Monsieur Ferrier, qui descendent dans l’arène (politique) et essaient de sauver les miettes.
Merci pour votre engagement.
P. Jenni
Réponse de Franck C. Ferrier au commentaire de P. Jenni
Cher Monsieur,
je vous remercie de vous être intéressé à ma conférence dans laquelle j’ai voulu assez simplement démontrer quelque chose de complexe. Permettez-moi de reprendre mon argumentation puisqu’elle ne semble pas vous avoir convaincu.
L’auteur du mythe de Babel a voulu expliquer pourquoi l’humanité était constamment en guerre. « Parce que les hommes, qui vivaient en paix et en harmonie, ont fâché Dieu. »
Bien sûr je n’adhère pas à cet argument. Mon point de vue est que les hommes se sont engagés dans une voie dangereuse en s’imposant une activité unique. Ils ont cru qu’en se privant de liberté, rien ni personne ne pourrait les diviser. Or, c’est le contraire qui s’est produit. Les hommes se séparent, se divisent et s’affrontent lorsqu’ils renoncent à leur liberté. Dieu n’est pour rien dans cette affaire.
La liberté est le principe axial de la paix sociale. Cela peut paraître bien étrange pour certains de nos contemporains qui ne voient de possible harmonie que dans les contraintes sociales que l’on impose aux individus.
Reste la question : Qu’est-ce que la liberté ?
A-t-elle été voulu par Dieu, ou est-elle la conséquence d’une toute autre cause ? De la même manière que Dieu n’était pour rien dans la destruction de Babel, peut-être n’est-il pour rien dans la nécessaire liberté humaine ? En vérité la question m’indiffère. Car, le saut qualitatif que représente l’apparition de l’homme et sa séparation du règne animal, implique la liberté. Les animaux sont soumis à leurs instincts et lorsqu’ils nous paraissent libres ce n’est que fausse appréciation. Ils suivent leurs codes génétiques, ils suivent leurs instincts. Lorsqu’ils sont confrontés à des oppositions entre deux ou plusieurs de leurs instincts, il peut apparaitre alors une voie nouvelle. Une voie qui n’est pas déterminée par le génome, mais qui n’est pas la liberté. Konrad Lorenz l’a démontré.
L’homme est quelque chose de radicalement différent dans le monde du vivant : il invente et il crée, il se dépasse et il peut dominer ses instincts, parfois les refouler, qu’en bien même il en souffrira. Là est sa liberté.
Dieu a-t-il voulu la liberté pour les hommes ? La question vous gène ? Cela n’a pas d’importance. Je sais seulement que l’homme n’y est pour rien, pas plus que le génome. La liberté lui est donnée. Il doit la respecter, bien que ce ne soit pas toujours facile. Il ne peut y renoncer, sauf à se perdre. Il doit renoncer à la violence et au laxisme, car il sait que ces comportements font barrage à sa créativité.
Voilà cher Monsieur, Il n’y a dans vos arguments rien qui me gène ou me vexe. Je tiens simplement a respecter les faits.
Je vous prie de trouver ici toute ma considération.
Franck C. Ferrier.
Newsletter N°6
Éthique et Politique
Au cours de cette intervention je voudrais vous expliquer pourquoi, de mon point de vue, l’éthique est devenue indispensable en politique. Pourquoi la nécessité de l’éthique en politique n’est pas un luxe de sociétés riches dont on pourrait fort bien se passer. Pourquoi l’éthique est devenue un impératif pour la survie même de l’humanité.
Il y a deux raisons à cela :
La puissance de la société humaine dans la civilisation scientifique ;
Le fait que nous vivions désormais, et cela pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, dans un monde clos.
Je vais rapidement décrire ces deux circonstances :
Première circonstance : LA PUISSANCE DE LA SOCIÉTÉ HUMAINE.
L’humanité a connu au cours des temps un progrès technologique continu caractérisé par des accélérations brutales. Elle est passée, assez rapidement, par exemple du néolithique au chalcolithique, puis à l’âge du bronze. Elle est également passée de l’âge du bronze à celui du fer en quelques générations.
A chaque accélération, la puissance des sociétés s’est considérablement accrue.
Je n’en veux pour preuve que le fait suivant. Les » civilisations » du néolithique, bien qu’elles fussent bien plus puissantes que celles du paléolithique, n’ont jamais pu se répandre sur des espaces géographiques plus grand qu’un département français, par exemple. En revanche, l’acquisition de la métallurgie du bronze accrut la puissance des sociétés de manière considérable de sorte qu’elles purent rapidement s’étendre sur des espaces géographiques grands comme l’Egypte ou la mésopotamie. Le fer étant beaucoup plus abondant que les constituants du bronze (le cuivre et l’étain) et bien que sa métallurgie soit plus complexe, sa maîtrise augmenta encore la puissance des sociétés de façon significative. Les civilisations de cet âge purent s’étendre sur des territoires aussi vaste que le bassin méditerranéen, le sous-continent indien ou la Chine. Leur nombre ne pouvait donc plus qu’être très limité.
Nous sommes entrés, depuis deux siècles environ, dans une civilisation d’un type radicalement nouveau : la civilisation scientifique qui est caractérisée par un progrès continu des sciences et des technologies. Or, n’en doutons pas, la société scientifique est si puissante qu’elle n’offre désormais de place sur notre planète que pour une seule civilisation. C’est devenu évident car de nombreuses questions de nature politique doivent désormais impérativement être envisagées de façon globale. C’est le cas de la qualité de l’environnement de laquelle dépend notre survie commune, c’est le cas de l’approvisionnement en énergie duquel dépend la possibilité même de poursuivre une activité économique. Aborder une question comme celle de l’énergie de façon unilatérale, c’est aller vers l’affrontement, l’aborder de façon multilatérale, donc globale, c’est se donner une chance d’évoluer pacifiquement vers une solution satisfaisante.
Or, s’il n’y a de place que pour une seule civilisation, des sept civilisations qui survivent encore aujourd’hui laquelle triomphera ?
Aucune vraisemblablement, mais elles ne le savent pas. Pour cette raison il est possible qu’elles finissent par s’affronter durement pour assurer leur suprématie. Pourquoi aucune ? Parce que toutes reposent sur une vision statique de l’univers et de la place de l’homme dans le monde. Souvenons-nous qu’entre les périodes d’accélérations technologiques, toutes les civilisations étaient caractérisées par une grande stabilité de leurs représentations. Le néolithique a duré, sans changement technologique majeur, quatre ou cinq mille ans, l’âge du bronze, deux mille ans environ, l’âge du fer à peu près autant. Durant ces longues périodes et en dépit des innombrables troubles sociaux qui en constituaient la trame historique, l’ordre du monde pouvait paraître aux hommes à peu près immuable. Ça ne peut plus être le cas désormais puisque la civilisation qui naît est caractérisée par l’essor continu des sciences et des techniques, donc par l’instabilité constante de ses représentations. Nous devons intégrer cette idée que la seule chose qui soit stable désormais, ce sont les caractéristiques de l’intelligence humaine qui font progresser les sciences et les techniques et qui font bouger le monde.
Cette première circonstance nous confronte donc à une civilisation extrêmement puissance caractérisée par l’instabilité de ses représentations.
Deuxième circonstance : UN MONDE CLOS.
Jusqu’à la première moitié XIXe siècle on a pu croire que la terre était vaste et que les possibilités qu’elle offrait à notre curiosité et à notre goût de l’aventure étaient infinies. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous avons acquis la certitude désormais que notre planète est très limitée, qu’elle est fragile et que la puissance que nous avons rassemblée entre nos mains peut y menacer jusqu’aux conditions nécessaires à notre survie. Pour la première fois de l’histoire de l’humanité nous vivons dans un monde clos. Nous sommes comparables à des rats pris dans un piège trop petit pour eux, alors qu’ils continuent de se multiplier et d’accroître leur puissance dans des proportions inimaginables. Et que font les rats pris dans un tel piège ? Ils s’entretuent !
A la différence des rats, cependant, la nouvelle civilisation nous dote d’une dimension supplémentaire qui peut nous donner de l’espoir. Ce qui change la donne : le progrès continu des sciences qui peut constamment nous ouvrir de nouveaux horizons, et donc éviter de nous sentir complètement pris au piège. Ce qui change la donne aussi c’est que pour rendre possible ce progrès continu les hommes doivent pouvoir conserver leur liberté de penser et d’action.
Grâce à la liberté qui permet l’essor de la civilisation scientifique, nous ne serons jamais complètement pris au piège, nous pourrons toujours offrir à notre curiosité à notre goût de la conquête et peut-être un jour, qui sait, à notre dynamisme démographique de nouveaux horizons.
Il est vrai toutefois que cet essor peut fort bien se tarir, que ces fenêtres peuvent fort bien se refermer et confronter l’humanité à un monde terriblement étriqué. Cela peut arriver pour de multiples raisons. Par exemple, en fonctionnarisant la recherche scientifique ; par exemple, en transformant la société en un monde d’assistés ; en entravant l’activité par des contraires administratives ; ou encore en limitant progressivement et insidieusement, comme on l’observe aujourd’hui, les libertés individuelles.
Or, on doit savoir que la stabilité sociale au sein de l’humanité dépend de l’essor économique, l’on ne doit pas oublier que l’essor économique dépend du progrès des sciences, et l’on ne doit pas oublier finalement que tout cela dépend de la liberté. Il ne fait aucun doute que la stagnation de l’économie suivra rapidement la fin de l’amélioration de nos connaissances et que cette stagnation aura pour effet de figer les rapports sociaux. Le chômage augmentera, les salaires auront tendance à baisser, les capitaux se concentreront plus encore qu’aujourd’hui entre les mains de quelques privilégiés désireux avant tout de préserver leur emprise sur la société. L’ordre du monde se crispera tandis que les rapports se tendront et se durciront jusqu’à la rupture.
3. LA LIBERTÉ, LE RESPECT, LA TOLÉRANCE.
Nous sommes donc confrontés à deux circonstances à la fois exceptionnelles et explosives :
Un monde clos ;
Une puissance gigantesque, en croissance constante.
Or on sait ce qu’il arrive lorsqu’on concentre une grande puissance dans un volume clos : ça explose. Donc, si l’on en croit les lois de la physique, l’humanité va exploser.
Certains sont tentés de croire, et ne se privent pas de le dire, qu’une dictature mondiale qui surveillerait et encadrerait chaque individu serait la solution. Le danger est réel car l’informatique nous en donne de plus en plus les moyens. Le problème c’est qu’une dictature accroîtrait encore notre sentiment d’enfermement. Et l’on sait, pour l’avoir constamment expérimenté au cours de l’histoire, que la tyrannie multiplie les frustrations, de sorte qu’à la violence de l’État, les individus cherchent toujours à répondre par leur propre violence. On l’a souvent observé, une société dictatoriale finit par un effondrement anarchique, donc la dictature accroîtra les risques. Là, on est sûr que ça explosera.
D’autres sont tentés de croire que nous devons tout mettre en œuvre pour réaliser une société de saints. Mais qu’est-ce qu’une société de saints ? Une société dans laquelle les hommes renoncent à leurs désirs, à leurs ambitions comme dans les sociétés monastiques ? Je pense que ça n’est possible ni souhaitable.
La seule solution, à mon sens, qui peut nous éviter ce destin tragique, c’est la rencontre de trois éléments distincts : la liberté et la responsabilité individuelles, l’émergence d’une culture du respect, le déploiement continue de l’intelligence humaine.
Or, il faut savoir que ni la liberté individuelle, ni la culture du respect, ni le déploiement continu de l’intelligence ne découlent pas de la présence d’un système démocratique. On peut fort bien mettre un tyran ou un voyou au pouvoir par une élection libre, et se satisfaire de cette situation.
C’est le contraire qui se passe ; ce sont les hommes libres et respectueux les uns des autres qui créent la démocratie. Et c’est encore eux, pour autant que les appareils de parti ne les éjectent pas du jeux politique et que les électeurs les maintiennent au pouvoir, qui permettent à la démocratie de fonctionner convenablement dans la durée.
L’un des grands problèmes éthiques en politique tient à une philosophie qui met la survie de l’État au centre des préoccupations de l’État. Cette philosophie justifie toutes les dérives. En son nom, il est permis de mentir, de tuer, de mettre un terme aux libertés individuelles, comme la liberté de parole, puisque l’on peut toujours affirmer que la défense de l’État en dépend. C’est dans le prolongement de cette philosophie que se situent les dérives que l’on observe quotidiennement dans un pays comme la France.
L’autre grand problème éthique en politique tient à la nature même d’un système qui fait de la conquête du pouvoir l’enjeu principal des affrontements politiques. Dans ce système, la fin justifie nécessairement les moyens, par conséquent l’éthique en est exclue. Pourtant, au regard des aspirations communes de l’humanité, qui nous justifie, ce sont les moyens que nos employons dans la poursuite, nos fins et de nos ambitions et dans la réalisation de nos désirs,.
La liberté et le respect précèdent la démocratie et c’est la raison pour laquelle la démocratie s’exporte si difficilement : elle présuppose que les individus prennent en charge leur propre destin.
Or qu’est-ce qu’être libre ? Pour dire les choses simplement, c’est être maître de soi-même et être capable de maintenir son autodétermination. Nous ne sommes pas libres si nous nous laissons dominer par un autre individu, cela va de soi, mais nous ne sommes pas davantage libres si nous nous laissons dominer par une pulsion, notre rapacité, notre âpreté au gain ou par une ambition sociale. La liberté repose sur la fermeté du caractère. Sans être Maçon, j’imagine bien que cette description vous convient.
Nous ne sommes pas libres si d’une part nous nous laissons dominer par notre propre violence, et nous ne sommes pas libres non plus si nous acceptons de nous laisser aller à notre propre paresse.
Nous savons tous que la liberté ne va pas sans la tolérance. Mais en raison même de ce qu’est au fond la liberté, nous ne pouvons pas tolérer la violence pas plus que le laxisme de nos contemporains. La tolérance nous impose un seul devoir : accepter que chacun puisse engager son destin dans la voie qui lui convient le mieux à la condition du respect d’autrui.
4. DÉFINIR L’ÉTHIQUE
Pour finir, je crois nécessaire de définir l’éthique, car on entend beaucoup de choses contradictoires à ce sujet.
On oppose généralement l’éthique à la morale :
La morale se présente comme un système de normes qui s’imposent à nous de l’extérieur, en quelque sorte. C’est un code qui nous impose un comportement particulier dans toutes les circonstances de la vie. Mais sommes-nous encore libres lorsqu’on nous impose une manière de nous comporter ? Certainement pas ! Donc la morale ne peut s’accorder à la civilisation scientifique dans un monde clos.
L’éthique, à l’inverse, s’impose à nous de l’intérieur de notre propre nature. Et elle repose intégralement sur la notion de respect. En premier lieu, elle nous impose de se respecter soi-même. C’est-à-dire qu’elle nous enjoint de prendre en charge nos désirs, nos ambitions, nos pulsions, sans toutefois nous laisser dominer par eux, car si c’était le cas nous perdrions notre liberté, et elle nous suggère de tout mettre en oeuvre pour leur trouver un moyen de les réaliser. Nous pouvons avoir une ambition politique, ou nous pouvons avoir le désir de gagner beaucoup d’argent, ou nous pouvons vouloir faire l’amour à une femme que nous rencontrons ? Soit, rien de cela n’est contraire à l’éthique. Mais si l’éthique nous suggère de prendre en charge nos désirs, elle nous impose de le faire dans le respect de nos frères humains et dans le respect de tout ce qui nous environne. J’ai une ambition politique : Très bien ! Mais je ne peux pas l’assumer dans le mensonge, dans le mépris de la parole donnée, dans l’ignorance des conditions mêmes de la vie publique, dans la démagogie. J’ai l’ambition de gagner de l’argent ? Pas de problème ! Mais je ne peux pas le faire dans le mépris de mes employés, de mes clients, de mes fournisseurs ou de l’environnement. Etc.
Je suppose que nombreux parmi vous sont ceux qui s’intéressent à la pensée ésotérique. Vous savez donc sûrement que cette nécessité du respect n’est pas une notion nouvelle. Il y a plus de 25 siècles de cela les pythagoriciens, dans leur Vers d’or, écrivaient :
Il t’est donné pourtant de combattre et de vaincre
Tes folles passions : apprend à les dompter,
Sois sobre, actif et chaste ; évite la colère.
En public en secret, ne te permet jamais
Rien de mal ; et surtout respecte-toi toi-même. (…)
Franck C. Ferrier
Newsletter N°7
La laïcité, une tolérance nécessaire
La franc-maçonnerie est une institution qui utilise la méthode initiatique par grade pour faire progresser ses membres vers le Juste et le Beau. Elle postule que la Bonté érigée en valeur sacerdotale peut transcender toutes les actions humaines volitives et affirme que les impétrants qui acceptent avec authenticité les arcanes de l’initiation dans le but sublime de reconstruire une nouvelle personnalité verront l’intelligence du cœur s’affirmer toujours plus dans la raison. Par l’acquisition d’une lumière graduellement plus vive, ils auront ainsi la possibilité d’aiguiser leur lucidité afin de rassembler ce qui est épars et d’être actif dans le grand chantier de la construction du Temple universel où en finalité règneront à la fois une justice respectueuse des libertés de croyance et de culture et une éthique ontologique, véritable garant d’un humanisme cosmopolite.
Dans le corpus de cette démarche initiatique propre à la maçonnerie spéculative est inclus implicitement l’acceptation d’un déterminisme principielle à croire que la recherche de la lumière par la méthode initiatique est la voie qui mène nécessairement à l’harmonie de soi-même et de la société en général. La confirmation de cette disposition est exprimée dans le rituel du premier grade de la loge Fidélité et Prudence lorsque le Vénérable communique
le mot de passe à l’impétrant comme suit: » ce mot hébreu signifie possession du monde et exprime symboliquement la volonté qu’ont les Francs-maçons d’assurer la force et la puissance de leur ordre dans toutes les parties de l’Univers » Ce dessein universel et hégémonique respecte-t-il dans ses fondamentaux la laïcité ou au contraire recèle-t-il des éléments qui la violerait ? Nous répondrons à cette question plus loin. En attendant, poursuivons, si vous le voulez nos réflexions sur la laïcité proprement dite.
La définition de la laïcité a comme fondement le respect de l’homme dans son ensemble physique, moral, spirituel et philosophique et stipule que chaque être humain doit être libre de croire, de ne pas croire ou de douter. Nous pouvons ajouter aussi en citant Edgar Morin » qu’elle est la rationalité critique et la pluralité opposées aux dogmes et au monopole de la vérité « .
En conséquence la laïcité ne rejette et ne combat pas les religions, mais au contraire les accepte toutes. Chacune d’elle peut donc exister, s’exprimer, et cohabiter. De même elle permet aussi l’agnosticisme, l’athéisme, le déisme et le théisme. Elle exclut tout privilège spécifiquement accordé aux religions et aux associations philosophiques qui par ailleurs ne peuvent ordonner des règles à leur bénéfice.
Ce qui pose problème à la laïcité c’est la captation du pouvoir politique par les institutions religieuses, para religieuse et philosophiques.
Notons que dans ce rapport particulier de la religion avec l’état qui a existé en particulier sous l’ancien régime en France et jusqu’à la révolution française, la religion catholique a su imposer unilatéralement ses dogmes et son monopole de la vérité. Depuis la loi du 9 décembre 1905 dite » loi de séparation de l’église et de l’état » la laïcisation de la société française est assurée puisque nulles religions ou sociétés philosophiques ne peuvent imposer de règles à leur profit.
Fondamentalement, la laïcité évoque la liberté de conscience et l’égalité entre les êtres humains. Elle refuse tous les dogmes astreignant à une croyance irrespectueuse de la liberté de conscience de chacun.
Elle est un idéal qui permet à tous croyants et incroyants de vivre ensemble dans le respect des différences culturels, des sexes de la condition sociale et de la race. Nous ressentons bien qu’une telle exigence ne peut se réaliser par la force des convictions. Elle doit s’inscrire dans la constitution et les lois de tous les pays afin de contrer les inévitables corporatismes, communautarismes religieux et clientélisme d’affaire qui pourraient diviser le peuple en groupes de droit concurrent afin de favoriser une idéologie dominante.
Pour ne pas encourager ces déviances et leurs inévitables aliénations, il faut, autant que faire se peut, éviter de faire resurgir les démons du passé, en l’occurrence les religions de toutes natures, qui ont pendant des siècles imposés une morale autoritaire brimant la liberté, l’égalité et le libre arbitre. En conséquence, la laïcité doit s’inscrire en lettre de feu au cœur de la vie démocratique, c’est-à-dire dans la constitution et les lois pour arbitrer et organiser le bien vivre ensemble des citoyens d’un pays.
C’est le 26 août 1789 à l’assemblée nationale française que les valeurs laïques sont inscrites pour la première dans un texte appelé : Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen . Inspirée de la Déclaration de l’indépendance américaine de 1776 et de l’esprit philosophique du XVIIIe siècle, elle marque la fin de l’Ancien Régime et le début d’une ère nouvelle. C’est un texte majeur dans l’histoire de la pensée et de la liberté parce qu’elle a imposé l’idée d’universalité des droits de l’Homme.
En 1948, 58 états membres de l’Assemblée générale des Nations Unies ont adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme en vue de combattre l’oppression et la discrimination. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la communauté internationale a adopté un document considéré comme ayant une valeur universelle – « l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ».
En lisant ces deux déclarations, nous sommes frappés de constater qu’elles s’inspirent pour le moins des fondamentaux constitutionnels d’un ordre maçonnique exception faite bien sûr de l’égalité des sexes et de la référence au GADLU. Mais pour le reste, l’esprit du texte des constitutions d’Anderson est respecté.
A titre d’exemple notons que l’esprit de l’article 4 du texte de 1789 qui stipule que » la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces même droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi » est exprimé dans une logique moralisatrice dans le rituel au 1er grade de la Loge Fidélité et Prudence par deux maximes, la première : » fais pour les autres ce que tu voudrais qu’ils fissent pour toi mais ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fut fait » et la seconde : » garde jalousement l’indépendance de ta conscience et n’accepte aucune autre autorité que celle que t’impose ta raison « .
Il est hautement probable que les idéaux de la franc-maçonnerie étaient connus des membres qui ont participé à la rédaction de ces deux déclarations voire même que certains d’entre eux étaient franc-maçon.
En définitive, l’idée fondamentale de la laïcité c’est l’affirmation, selon Guylain Chevrier historien président du Conseil scientifique de l’UFAL » que ce qui nous fait égaux, la loi, la politique, la démocratie, constitutif d’une certaine idée de la Nation et de la République, sont au-dessus de ce qui nous différencie, les religions, les origines diverse, les cultures régionales, sans pour autant les mépriser, bien au contraire. «
Je souscris très volontiers à ce que dit Guylain Chevrier, car il est essentiel de hiérarchiser les valeurs démocratiques sous peine d’entretenir une confusion dans sa pratique. La laïcité est en quelque sorte le GADLU de la vie en commun. Pris dans cet esprit ses vertus organisatrices sur conscientisées chez tous seront l’alpha et l’oméga d’une société où la liberté de conscience, le respect des différences de cultures, de sexes et d’éducation permettront l’avènement d’une société multiculturels où règneront plus de justice et plus d’amour.
La franc-maçonnerie est laïque dans sa pratique et ses idéaux puisqu’elle développe la liberté de conscience, la tolérance et souhaite que l’harmonie règne dans le cœur des hommes et par extension dans les lois qui régissent les sociétés. Elle se réfère à un GADLU, sorte de démiurge énergétique, non dogmatique, indéfinissable et personnel distillant la lumière et fécondant la conscience de tout initié qui s’affranchira des certitudes inutiles.
L’universalité du message maçonnique est garantie par la méthode initiatique qui puise ses racines dans la Tradition immémoriale où règne les archétypes qui structurent l’Unité de la vie. Rien dans cette méthode s’apparente à une quelconque autorité temporelle qui aliénerait la pensée. Au contraire, elle développe toute les vertus de la laïcité puisque le maçon accomplit est un homme libre, responsable, tolérant de la croyance d’autrui et respectant l’homme dans son ensemble physique, morale, spirituel et philosophique.
Finalement, à la question de savoir si la laïcité est compatible avec » la volonté qu’ont les Francs-maçons d’assurer la force et la puissance de leur ordre dans toutes les parties de l’Univers « , je répondais que tant que l’organisation maçonnique poursuivra ce qu’elle est aujourd’hui c’est-à-dire d’être un ordre initiatique traditionnel dont la vocation est l’enrichissement des citoyens par le respect des libertés de conscience et par leur engagement dans les corps politiques de pays ayant ratifié la déclaration Universelle des Droits de l’homme de 1948, elle restera cet outil laïque indispensable d’amplification de la démocratie. Vouloir étendre cet outil dans toutes les parties de l’univers est à l’honneur de notre Ordre maçonnique puisque sa morale et son éthique laïques sont les fondements et les pierres angulaires de la démocratie d’aujourd’hui et de toujours.
André Moser
Newsletter N°8
Tous par chacun et chacun par tous
Pour la majorité des gens du monde occidental la manière de gérer sa vie va de soi et ne pose pas de problème spécifique car, comme dirait Monsieur de la Palice, être vivant c’est accepter une reconnaissance gestionnaire harmonieuse de ses composantes physiques, émotionnelles et métaphysiques en relation avec l’activité professionnelle, la famille et la société au sens large du terme.
Mais qu’en est-il pour le franc maçon dont la mission principale est d’aller au-delà de la gestion afin de donner du sens à sa vie dans le but de construire le Temple universel ? Bien qu’il existe une nombreuse littérature maçonnique, philosophique et psychologique traitant de cette question avec beaucoup de pertinence, il y a pour le moins deux interrogations particulières qui nous semblent essentielles. La première est de constater qu’il y a une nécessité viscérale de connaître et comprendre les relations causales avec un principe créateur extérieur (Grand Architecte, Dieu, Jésus, Allah, etc.) organisateur de la morale et du salut post mortem. Une autre singularité est le rôle de la Raison en tant que faculté suprême de l’homme dans la production de connaissances et sa capacité de forger des actions pour définir un chemin de vie personnel, où l’on pourra vivre le bonheur d’être bien en soi-même et joyeux à vivre ensemble tout en s’adaptant au sein d’une société en perpétuelles mutations technologique et sociologique.
Jean-Jacques Rousseau a dit que « l’homme naît bon. C’est la société qui le transforme ». Sur ce point il s’oppose au philosophe Thomas Hobbes car plutôt que de poser d’emblée l’homme en méchant il essaie d’expliquer la méchanceté par des causes extérieures à sa nature. Paradoxe ou vérité. Peut-on vraiment gérer sa vie en ayant comme seul but d’être heureux et rester insensible aux vices et vertus que la société génère par l’action humaine ? Est-ce l’homme qui pose problème ou le système organisationnel qu’il met en oeuvre pour vivre en société ? Voilà beaucoup d’interrogations et de dilemmes auxquels tout individu est confronté face à la gestion de sa vie. Cherchera-t-il à y répondre par la Foi, par la Raison avec son intime conviction ou par un subtil dosage de l’un et de l’autre ? Le choix est souvent cornélien et les réponses attendues permettront peut être de trouver in fine du sens à sa propre mort, en vérité la seule question existentielle qui compte.
La deuxième interrogation consiste à savoir si la vie a un sens et mérite d’être vécue. Devons-nous comme Sisyphe accepter d’être condamné à pousser un rocher au sommet d’une montagne pour le voir ensuite dévaler la pente et répéter l’opération encore et toujours ? Reste à savoir si le rocher est absurde, l’effort vain, et s’il nous faut en toute lucidité faire ce qui est absurde. Pourquoi devrions- nous accepter l’effort inutile sinon pour vaincre son destin et être plus fort que le rocher ? Tel est nous semble-t-il la quintessence philosophique de l’existence, c’est-à-dire transgresser l’absurde afin que chacun ait un rôle à jouer dans la société et se sente le maillon d’une chaîne universelle et non plus le jouet d’un destin éphémère dont il se saurait impuissant. Il s’agit dès lors de savoir comment gérer sa vie par le héros qui sommeille en nous et demande à se révéler afin de nous emmener sur les chemins de la lucidité et de la lumière.
Expérience personnelle et collective
Aujourd’hui la conscience est suffisamment incarnée dans l’homme pour que la loi d’individuation prenne la relève de l’espèce et puisse laisser naître le nouvel homme, cet initié des temps modernes. En conséquence, l’individu sait qu’il sera toujours seul face à la souffrance et la mort. Ainsi choisira-t-il peut-être des comportements sociétaux où la peine sera réduite à sa plus simple expression. De même l’ego – qui dans le passé a eu une utilité réelle et a aidé à l’avènement de la conscience chez le préhominien – demeure-t-il en partie présent dans la conscience et nous empêche d’accéder naturellement au bonheur. Il y a donc un combat permanent dans l’homme entre l’état d’éveil qui se rapporte à l’être et l’état de non éveil propre à l’ego qui se rapporte à l’avoir. Il reste à savoir comment gérer de telles contradictions sans tomber dans la schizophrénie et pourquoi nous construisons des systèmes sociétaux où l’avoir prime le plus souvent sur l’être ? Existerait-il un destin humain qui échapperait à la Raison, sommes-nous des aveugles qui cheminons joyeusement sans canne dans l’innocence de notre dualité et finalement ne sommes-nous pas à la recherche d’un paradis qui n’existe que dans les contes de fées ? Le problème posé, les paradoxes connus comment gérer sa vie sinon pour obtenir un bonheur individuel fait des joies simples de la vie issues de son propre pouvoir créateur et de sa libre disposition à décider en toute conscience de ce qui est juste pour lui et par extension pour la société. Nous partons ici du postulat que le bonheur est d’abord le but poursuivi par tout un chacun. Il y a cependant une autre fin que les hommes poursuivent : le bien moral. Certains se battent pour la justice, se dévouent à de nobles causes en sacrifiant éventuellement leur bonheur. L’homme se trouve donc en face de deux fins possibles pour son existence, le bien et le bonheur, qui ne coïncident pas toujours. Qu’en est-il du franc-maçon ? On peut considérer le bien moral comme la pierre angulaire de son oeuvre et qu’il est prêt, par fidélité à ses serments, à sacrifier son bonheur au profit de ses frères et de la franc-maçonnerie en général. Il lui est par conséquent possible de gérer sa vie grâce à une bonne gestion des arcanes de son initiation.
La situation semble évidente en théorie, mais que se passe-t-il en réalité face à la complexité de notre monde? En l’absence d’objectif inhérent à l’univers qui puisse être compris ou prouvé par une explication rationnelle, sauf de croire à la théorie créationniste, vu que le monde et tout ce qui y vit n’ont aucun but avéré, étant donné que nous sommes des êtres isolés et uniques en nature – capable de discernement et doté du libre arbitre, donc à même d’effectuer des choix – nous pouvons raisonnablement penser que l’expérience humaine est le dénominateur commun donnant du sens au « comment gérer sa vie » en terme d’évolution et de compréhension de celle-ci. Selon le philosophe américain W.V.O. Quine cette expérience est tributaire de la signification des mots que nous utilisons et pourrait être contredite par d’autres expériences, ce qui revient à dire que toute vérité ou affirmation que nous pourrions formuler n’est immunisée contre une révision future. Quine a écrit : « Etre c’est être la valeur d’une variable », d’où l’importance de la valeur de l’expérience personnelle et collective comme base de réflexion universelle devant les très nombreux défis que l’homme se posera à lui même face aux propositions d’une science qui l’amènera à reconsidérer les fondements épistémologiques des rationalistes et des empiristes.
Notre bien le plus précieux
Ainsi, tout peut-il être révisé, y compris ce qui fonde la pensée analytique et synthétique. La liberté sera notre bien le plus précieux car elle permettra de savoir que nous ne savons plus rien mais que tout est possible si nous en avons la volonté. Dans ce contexte le procédé initiatique prôné par la franc-maçonnerie, qui permet de combattre l’ego et de pratiquer le renoncement volontaire à toute emprise de celui-ci sur son destin, nous parait être particulièrement approprié puisque le but de cette méthode est in fine la dissolution de l’ego. Au terme du processus initiatique le franc-maçon retrouvera sa totale liberté de conscience, son altérité et sa disposition à vivre en dignité avec ses semblables, mais aussi sa capacité à se remettre en question et à s’affranchir des vérités inutiles, ce qui lui permettra de s’adapter aux extraordinaires nouveaux défis de la génomique, des nanotechnologies et des neurosciences.
Cette méthode place aussi la Raison comme force autorisant l’émergence d’une élévation de la conscience. En effet, le choc émotionnel issu de l’initiation révèle par ailleurs que l’action de mourir et renaître, qui trouve ses fondements dans les archétypes mythiques, fait du franc maçon un être distinct puisqu’il évolue en conscience par la Raison, elle même nourrie et enrichie de son expérience initiatique. Par ses actions de vie il est également un être universel dans le sens qu’il est unique parce qu’en mesure de nommer les choses, et encore parce que pouvant se projeter dans le futur tout en se référant à la tradition. Il sera d’autre part conscient de la fragilité de la vie et entreprendra toute démarche utile en vue de la préserver et la respecter. Sa responsabilité est immense face aux dérives des laboratoires peu scrupuleux qui pourraient créer d’autres espèces trans-humaines. Il est en outre capable de créer des systèmes politiques dont la finalité est d’organiser un monde dans lequel il y aura encore plus d’amour et de justice afin que tous par chacun et chacun par tous puissent se reconnaître comme les héros de leur vie dans une société à construire inlassablement jour après jour avec abnégation afin que les nouvelles générations n’oublient jamais que l’amour est le ciment de toute organisation humaine.
André Moser
* Cette article a aussi été publié dans la revue ALPINA 10-2011
Newsletter N°9
Disserter sur la démocratie
Disserter sur la démocratie et les différences que nous pouvons rencontrer entre l’ouest et l’est européen ne va pas nous apporter de nouveautés fondamentale, même si une vision neutre d’un citoyen helvétique peut apporter une lumière ou une philosophie distincte à l’idéologie usitée au sein de l’Union Européenne ; la Suisse étant une des plus ancienne démocratie et, de plus, avec un système de démocratie directe, certes contraignant, voir compliqué.
En mai 1949, dix pays européens, encore secoués par la seconde guerre mondiale, restent persuadés que la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale est d’un intérêt vital pour la préservation de la société humaine et de la civilisation en restant inébranlablement attachés aux valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples et étant à l’origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, sur lesquels se fonde toute démocratie véritable. Ces dix pays fondèrent le Conseil de l’Europe, la doyenne des organisations européenne. Pour qu’un État puisse adhérer au Conseil de l’Europe, ses institutions doivent être démocratique et respecter les droits de l’homme. Cela se traduit concrètement par une suprématie du droit, des élections libres et une ratification par l’État de la Convention européenne des droits de l’homme.
A ce jour, 47 États sont membres, dont la Suisse depuis 1963, soit presque l’entier du continent européen. La Biélorussie, considérée comme une dictature, le Kazakhstan (mais est-ce réellement un État du continent européen ?), le Kosovo encore trop nouveau et surtout pas reconnu par une partie de la communauté internationale sont les rares pays à ne pas être membres ; nous pouvons également ajouter le Vatican. Ces 47 États ont signé la Convention européenne des droits de l’homme, un traité visant à protéger les droits et la démocratie. Certes, l’ouverture aux Pays de l’Europe de l’Est n’a été accordée que suite à la chute du mur de Berlin et ce n’est que dans les années 1990, via la Commission de Venise avec mission d’aider à la mise en place des lois et institutions nécessaires à la démocratisation, que nous voyons un nombre important d’États rejoindre le Conseil de l’Europe ; la Roumanie en date du 7 octobre 1993. Mais ne croyons pas que tout est plus simple du côté de l’ouest européen, car aussi bien pour le Portugal sous le régime de Salazar ou pour l’Espagne sous celui de Franco n’ont pu rejoindre ce Conseil quant 1976 et 1977. De plus la Grèce, premier pays, avec la Turquie, à rejoindre les 10 membres fondateurs en août 1949 a été retirée de 1969 à 1974, soit pendant la dictature des Colonels.
Nous n’avons jamais, dans l’histoire de l’Europe, vu une démocratie aussi affirmée qu’en ce début du 21ème siècle. Presque toutes les sociétés européennes peuvent se targuer d’être une démocratie à partir du moment où elles reposent sur les principes d’une citoyenneté souveraine, une prise de décision transparente et un gouvernement tenu de rendre des comptes. La démocratie est « le gouvernement du peuple, pour le peuple, par le peuple » selon Lincoln et c’est d’ailleurs l’étymologie de ce mot qui vient du grec « demos » le peuple et « kratos » pouvoir. Une société démocratique offre la méthode de gouvernance la plus juste pour la plupart des citoyens, du moins pour les européens, c’est certainement aussi le système le plus égalitaire. Elle est soumise à un impératif moral, celui de protéger et de promouvoir les droits de l’homme de chaque individu, de chaque groupe et de chaque communauté de la société.
Je suis assez d’accord avec Churchill quant il disait : « La démocratie est le pire des régimes à l’exception de tous les autres » et, quoique difficile et prenant du temps à appliquer dans la réalité, c’est globalement la voie à suivre pour un meilleur développement de l’humanité. Par contre il n’y a pas une démocratie, mais des multiples formes de démocratie et je ne pense pas qu’il y a automatiquement une hiérarchie dans ces différentes formes, même si je préfère le système de la démocratie directe que nous connaissons en terres helvétiques et qui apporte réellement le pouvoir au peuple. Nous trouvons également la démocratie présidentielle comme en France, en Russie et aussi en Roumanie ; les démocraties parlementaires au Royaume-Uni, en Espagne, en Slovaquie. L’Allemagne est dotée de structures gouvernementales fédérales. Des démocraties utilisent un système de vote proportionnel quand d’autre lui préfère le vote majoritaire. Toutes ont cependant en commun un certain nombre de principes, dont l’égalité de tous les citoyens et le droit de chacun à un certain degré d’autonomie personnelle.
Nous ne leurrons pas, des critiques peuvent surgir concernant la démocratie. Les philosophes grecs les plus célèbres ont toujours considéré que la démocratie faisait partie des régimes à proscrire, il faut dire qu’à cette époque tous les humains n’étaient pas considérés comme le peuple. Socrate disait déjà que la démocratie pouvait entrainer une dérives démagogiques, alors que Platon évoquait un régime basé sur la convoitise et qui ne repose pas sur la sagesse de ses représentants, mais sur la plus ou moins grande séduction que ces derniers parviennent à établir sur le peuple, des pensées d’aujourd’hui, non ? Plus proche de nous, Tocqueville considère, en 1840, que la démocratie contient en elle-même le germe d’une tyrannie. Elle contient d’une part la liberté des individus, d’autre par l’égalité de ceux-ci ; il évoque ainsi l’obsession de l’égalité entre les hommes et c’est cette obsession qui va conduire à limiter les libertés ; le système est ainsi corrompu par lui-même car il ne peut plus assurer les garanties dont les hommes bénéficient normalement dans ce régime.
En ce début du 21ème siècle, l’inquiétude générée par l’état de la démocratie est universelle. Dans beaucoup de démocratie européenne, l’insatisfaction et le scepticisme politique se généralisent, tout comme l’impression que l’élite se permet de faire fi de la volonté du peuple. Certains développements antinomiques de la démocratie, comme les inégalités sociales aiguës et la corruption, génèrent une frustration et une colère qui risquent d’alimenter un populisme.
Personnellement je vois trois gros problèmes pouvant nuire à la démocratie comme je la rêve. L’impuissance et le découragement ressentis par les citoyens ne les incitent guère à s’impliquer plus activement dans la société. Face à des élections, on constate plutôt indifférence et déceptions ; on n’élit pas un Président, mais l’on vote contre un autre. On ne vote pas pour un parlement européen, mais contre un gouvernement national en place. Ou alors, plus simplement, on ne vote plus, ce qui amène, de part la loi, à obliger des citoyens à aller aux urnes, comme nous le voyons dans certains cantons suisse.
Un second phénomène est que même si une majorité de citoyens décident par référendum d’accepter ou de refuser un projet de loi, le gouvernement en place trouve une astuce politico-juridique afin de faire passer son projet (je pense ici au référendum français de mai 2005 et de plusieurs choix de votations en Suisse). Ce phénomène augment l’esprit d’indifférence des citoyens et donne peu de crédit à la démocratie et à ses représentants.
Et le troisième point sensible reste l’argent. En effet, même avec le système de démocratie directe, les partis font campagne et tous les partis n’ont pas automatiquement les mêmes moyens financiers. Nous voyons très vite que les publicités avancées sont légions, mais nous pouvons aussi analyser les montants investis, dont à plusieurs reprises on frise l’indécence.
Mais ne soyons pas trop alarmiste et jouons sur les couleurs d’un échiquier en blanc et noir, sur le yang et le Ying, sur un pavé mosaïque. La participation des jeunes est particulièrement faible et bien que se pose là indubitablement un vrai problème, plusieurs études indiquent une hausse de la participation, mais sous d’autres formes : groupes de pression, initiatives civiques, organisations non gouvernementales. L’activisme par le biais d’internet est une nouvelle forme très souple de participation. Les élections après tout, sont une façon grossière de garantir la représentation fidèle des intérêts des citoyens et il faut, généralement, attendre quatre ou cinq ans pour pouvoir enfin demander des comptes au gouvernement. Une société démocratique n’est pas seulement un gouvernement élu démocratiquement et un système d’institutions nationales ou régionales. La démocratie est un processus pratique qu’il faut cultiver chaque jour et partout. La démocratie est susceptible de fonctionner plus efficacement et de mieux servir les intérêts de ses citoyens sur les individus formulant des exigences, exerçant des pressions et contrôlant en permanence les actions de leurs gouvernements. Dans une société moderne, c’est essentiellement par l’intermédiaire des organisations non gouvernementales et des médias que les citoyens peuvent exercer ce contrôle. Les médias ont une fonction très puissante dans les démocraties, on parle même de quatrième pouvoir. Ils relaient les informations et les opinions de divers acteurs sociaux et jouent un rôle d’arbitre au nom des citoyens. Mais ils ne peuvent remplir cette fonction qu’à la condition d’être indépendants des influences et des intérêts des gouvernements et des entreprises, ainsi que de prendre leur mission au sérieux. Naturellement il faut se battre afin que la liberté de la presse, la liberté de pensée, la liberté d’expression soient toujours à l’ordre du jour, à chacun ensuite de connaître les limites à ne pas dépasser ; la liberté de parole ne donne pas l’autorisation d’insulter gratuitement.
La démocratie ne se met pas en place en quelques jours, le processus prend du temps, beaucoup de temps et nous devons savoir être patient, sans cesse garder l’axe que nous nous sommes fixés. Si vous me permettez, je dirai que nous devons vendre ce précepte, trouver les arguments, en faire de la publicité. Avant d’arriver au système sophistiqué et presque parfait de la démocratie directe, plusieurs siècles ont défilé sur les montagnes d’Helvétie où nous avons presque tout connu, mais aujourd’hui je suis très fier de mon Pays, même si des fois je suis loin d’être d’accord avec les résultats des votations ; cela aussi fait partie de la démocratie et nous devons apprendre à accepter que l’autre peut avoir une pensée différente.
Mon créneaux est que si nous désirons que la démocratie prospère, nous devons l’inculquer aux enfants afin qu’ils en fassent leur mode de vie. Les compétences qui permettent de construire la démocratie ne sont pas innées. Enseigner la démocratie signifie aider les plus jeunes à devenir des citoyens capables de préserver et de consolider nos acquis. De plus, dans nos sociétés multiculturelles, la formation au système démocratique apportera, du moins je l’espère, une plus grande intégration des migrants, quelque soit leurs origines, leurs sexes, leurs religions. Enseigner la démocratie, c’est encourager la curiosité, la discussion, la réflexion critique, mais constructive. Cela permettra de comprendre qu’aucune démocratie, qu’aucun gouvernement n’est parfait et qu’aucune idéologie n’incarne la vérité absolue. La difficulté ne sera certainement pas les enfants, les jeunes, mais les enseignants, les professeurs, les formateurs, nous les soi-disant adultes. Si les enfants doivent bien évidemment comprendre les concepts fondamentaux de la démocratie ; la mise en pratique, vivre et agir dans un environnement démocratique est certainement le meilleur exercice, voire le seul qui soit véritablement adapté. De plus ce qui serait valable dans les écoles, devrait également se travailler dans les clubs, les associations ou les institutions pour les jeunes, y compris les instances religieuses et là, nous voyons l’importance de la laïcité et les possibilités de travailler en symbiose.
Ce programme permettra d’améliorer encore la compréhension de la démocratie, d’augmenter la volonté de vouloir une belle et grande démocratie pour tous, mais également d’éduquer à la tolérance, à l’acceptation de l’autre et tout ceci sans violence, sans fusil, sans guerre. Alain disait : « Ne vouloir faire société qu’avec ceux qu’on approuve en tout est chimérique, c’est le fanatisme même ».
Ah oui, n’oublions pas, n’oublions jamais que les jeunes sont notre avenir.
Alors si nous trouvons quelques petites différences sur les démocraties entre l’ouest et l’est européen, cela ne provient que de l’histoire du siècle dernier. Avec notre volonté, notre travail ainsi que les rêves de nos enfants et pour nos enfants, nous pourrons parler d’une seule voix concernant la démocratie, de l’ouest à l’est mais aussi du sud au nord de notre beau continent qu’est l’Europe.
Philippe Lang / 24.01.2015
Newsletter N°10
Retrouver le sens du Dialogue
« Rien dans l’Univers ne peut résister
À l’ardeur convergente d’un nombre suffisamment grand
D’intelligences groupées et organisées »
RP Teilhard de Chardin
Monsieur le Président,
Très Cher André,
TTCCSS, TTCCFF,
Chers Amis,
C’est avec joie que je vous retrouve aujourd’hui, depuis la création de votre association le 23 avril 2010 où en qualité de Président fondateur de DDF, j’étais venu vous rendre visite et vous parrainer.
Vous avez prospéré à Genève d’abord puis à Lausanne, sous la houlette de notre TRF André Moser qui n’a pas ménagé sa peine car nos groupes de travail, reposant strictement sur le bénévolat ne peuvent perdurer que lorsqu’une poignée de volontaires acceptent de les faire vivre ce qui implique beaucoup d’abnégation. Je vous souhaite donc qu’il puisse encore longtemps rester à votre service même s’il faut toujours penser à préparer la suite.
Ce qui nous rapproche entre DDF et DDS outre nos liens fraternels c’est le sens du Dialogue que nous avons voulu placer dans le titre même de nos institutions.
A la différence de la discussion et du débat, la parole qui traverse (c’est l’étymologie du mot dia-logos) comporte nécessairement raison, discernement, exactitude et sagesse, pour que des arguments convergents et convaincants se déploient progressivement parmi les interlocuteurs.
Le but n’est pas d’avoir raison coûte que coûte ni d’imposer à son vis-à-vis un point de vue cognitif, mais d’échanger de part et d’autre quelque chose qui a du sens pour qu’en toute liberté, l’écoute active, l’humilité sincère et le respect mutuel évitent cet écueil que nous constatons si souvent dans les débats télévisés où les débateurs succombent presque toujours à la tentation d’opposer arguments contre arguments et croient dialoguer alors qu’en fait, ils ne prennent même pas le temps d’examiner les sujets dont on parle et vont, aidés en cela par leurs communicants respectifs, à la chasse à la contradiction émaillée de petites phrases assassines destinées à mettre les rieurs de leur côté !
Un dialogue réussi intègre au contraire tous les points de vue des participants et apporte une conclusion dans laquelle ils se retrouvent tous. Mais cela n’est vraiment possible que si l’on accorde à la notion de fraternité toute l’importance qu’elle mérite.
Or, être capables de dialoguer aujourd’hui, ce n’est pas seulement une vertu c’est devenu une nécessité !
C’est vrai aussi bien dans le domaine politique, économique ou social, que sur les questions sociétales.
Le Dialogue politique
Aujourd’hui, même si des différences notables existent d’une Nation à l’autre, nous pouvons tout de même relever que dans de nombreux pays la démocratie est en danger.
Lorsque le vote n’est pas obligatoire, l’abstention progresse et le vote blanc ou nul est rarement comptabilisé.
Selon les systèmes représentatifs en place certains Partis minoritaires sont totalement sous-représentés isolant dangereusement leurs adhérents
Le rejet de la politique atteint presque partout un niveau sans précédent et les oppositions Droite-Gauche ont été tellement « bétonnées » par 50 ans de bipolarisation que les esprits doivent véritablement se rééduquer avant de pouvoir à nouveau communiquer.
Les valeurs humanistes et républicaines ne sont même plus énoncées :
- Promouvoir une société de liberté et de responsabilité, juste et solidaire
- Rester attachés à notre civilisation gréco-latine et judéo-chrétienne qui en 20 siècles a forgé nos Nations et aux Droits et Devoirs qu’elle a apportés au monde
- Intégrer dans le cadre de la Laïcité, celles et ceux qui veulent vivre avec nous sous la protection de la Loi tout en respectant notre culture comme nous nous devons de respecter la leur si elle n’est pas contraire aux valeurs humanistes universelles telles que définies dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Pour cela un dialogue permanent respectueux des positions initiales de chacun doit s’instaurer entre tous ceux qui à des degrés divers souhaitent éclairer les Hommes
Cela n’empêche pas un langage de vérité et de lucidité que ni le « politiquement correct » ni le « discours décliniste » ne doivent émousser.
Il doit rassembler pour que naisse de l’infinie variété des projets partisans, un projet collectif fondé sur l’intérêt général.
Il n’autorise pas cependant toutes les prises de position et notamment les plus extrémistes car il ne saurait donner lieu à des propos en contradiction avec les principes juridiques et philosophiques qui fondent notre humanité.
Pour que ce dialogue s’instaure, il faut une méthode :
- Prendre conscience que personne ne détient de vérité absolue
- Apprendre à écouter l’interlocuteur pour s’enrichir de ses bonnes propositions
- S’ouvrir à toutes les Écoles de sagesse pour que s’entendent les voix des initiés
- Accepter de mettre en œuvre les solutions consensuelles qui se dégageront des débats
Il faut ensuite se fixer un objectif, un cap à tenir :
- Résoudre les problèmes de notre temps (chômage, économie, questions sociétales)
- Revivifier nos Institutions et assainir le fonctionnement de l’État
- Bâtir une société solidaire redonnant l’espoir aux jeunes et respectant les anciens
Or, comment bâtir sur la diversité des opinions si on ne dialogue pas ?
Comment susciter l’adhésion d’un peuple sur une politique économique et sociale sans un minimum de consensus ?
Le rôle des Partis est certes de proposer des choix mais aussi de négocier des terrains d’entente acceptables par les uns et par les autres.
Or, « Ils soulèvent la poussière et se plaignent de ne pas voir » comme disait Berkeley[1]. Que penserait-il d’eux devant ces débats télévisés actuels ou personne n’écoute personne, bien éloignés qu’ils sont des préoccupations réelles des citoyens dont nombre d’entre eux ignorent tout.
Les querelles d’Etats-Majors déboucheront rarement sur autre chose que des accords locaux de candidats désireux d’abord et avant tout de conserver leur poste coûte que coûte ! « Bon Appétit Messieurs Ô Ministres intègres» clamait Ruy Blas[2].
Et pourtant si les Hommes et les Femmes de bonne volonté acceptaient de se retrouver momentanément en oubliant les pancartes qu’ils portaient hier, celles de ces Partis qui étymologiquement séparent, on pourrait sûrement, autour des valeurs humanistes, réunir une large adhésion du plus grand nombre de nos concitoyens pour choisir parmi eux les représentants les plus dignes de conduire les affaires du Pays.
Propositions pour une véritable maïeutique d’un dialogue républicain :
Une démocratie plus largement représentative : Parmi les questions à débattre, l’interdiction de cumul des mandats, la limitation à deux mandats successifs de chaque type, la fin des privilèges indus à nos représentants, l’aide au reclassement après un retour à la vie civile, la réorganisation de l’administration territoriale, la chasse aux dépenses somptuaires ou superflues,
Un enseignement revigoré : Comment s’entendre sur un effort généralisé dès la Maternelle, le tutorat scolaire obligatoire, un parcours différencié selon les aptitudes, le contrôle de l’apprentissage des savoirs fondamentaux et de la formation professionnelle, les passerelles à tous les niveaux pour les plus motivés, les écoles de la deuxième chance, l’ouverture plus large du service de l’Etat aux différentes professions, la revalorisation de la fonction d’enseignant et des responsabilités leur incombant,
Le travail grande cause nationale : Le dialogue doit permettre le lancement d’un vaste programme procurant « un emploi pour tous (travail, formation ou service d’intérêt général)», l’assouplissement du code du travail, le choix d’une formation professionnelle prioritairement réservée aux chômeurs, l’adaptation des demandes de formation scolaires aux besoins du pays, l’accueil au travail des populations migrantes, une politique de grands travaux dans tous les secteurs de croissance prévisibles, l’aide mûrement débattue à la création d’entreprises, ou l’aide à l’émigration particulièrement dans le cadre de la francophonie,
Une Santé solidaire : Quelle que soient nos opinions nous devons inventer ensemble la responsabilisation des circuits sanitaires, la lutte contre les déserts médicaux, les passerelles entre professions de santé, la revalorisation de la médecine générale, une répartition plus juste des tâches entre une médecine publique socialisée et une médecine privée libérale, une modification profonde des modes de prises en charge des personnes âgées ou dépendantes, ou la création de centres de soins dédiés aux bénéficiaires de la CMU,
Une sécurité repensée : Autre secteur d’affrontement où le dialogue pourrait changer les choses, la lutte ardente contre toutes les formes de délinquance (de la prévention par l’éducation à la répression sans faiblesse), la création de Villages d’accueil pour les migrants, la rénovation des prisons ouverte à une politique de réhabilitation et de travail pour les détenus, ou plus simplement l’intransigeance sur les infractions au code de la route
Une politique européenne renouvelée : Un débat constructif devrait permettre de lutter contre la gabegie financière des structures actuelles, de revenir au principe sacro-saint de la subsidiarité, de promouvoir une véritable politique européenne commune (défense, affaires étrangères, unification économique et fiscale avec « Ceux qui le veulent »), de fidéliser dans l’indépendance, l’amitié et la coopération nos liens avec les USA tout en nous rapprochant de la Russie, de développer une nouvelle coopération avec l’Afrique ne serait-ce que dans le cadre de la francophonie.
Une ouverture au futur : favoriserait les échanges concernant la transition énergétique, les nouvelles technologies, le développement de l’innovation et de la recherche, la globalisation du numérique, l’adaptation de l’éducation et de la formation, l’aide à la modernisation dans le respect d’une éthique humaniste
Le Dialogue social
Sujet brulant et pourtant indispensable, opposant régulièrement État, Patronat, Syndicats, Organisations professionnelles, employés en voie de licenciement, autonomistes, manifestants de toutes sortes.
Le dialogue ne peut se nouer qu’entre partenaires sincères et là réside déjà une première difficulté dans un contexte mondialisé où l’ultra capitalisme triomphant a concentré au cours de ces dernières années 50% de la richesse de la planète entre les mains de 1% de sa population.
Et parmi ces derniers, le même ratio existe : le 1% du 1% des plus riches possède autant que les 99% d’autres ! Ceux-là peuvent décider du sort du monde, contrôler les médias, acheter les consciences, déplacer les usines au mieux de leurs intérêts au mépris des conséquences.
Nous nous contenterons d’évoquer quelques points d’achoppement d’actualité :
L’emploi :
Il est urgent que sous l’autorité de l’État, les partenaires sociaux apprennent à dialoguer avec un esprit ouvert et une volonté de réelle solidarité.
Les 35 heures : En France, on attribue à Martine Aubry la réforme des 35 heures qui était en fait un piège que DSK voulait tendre à la Droite persuadé qu’il était d’une victoire de celle-ci aux législatives de 1998. Devant la victoire de la Gauche, il s’empressa de « refiler le bébé » à l’innocente Martine car il savait pertinemment que le travail n’était pas un gâteau figé qu’il fallait partager mais au contraire un gâteau proportionnellement extensible selon la compétitivité des entreprises sur un marché globalisé. Depuis, face à des patrons de très grandes entreprises, stars finalement traitées à égalité avec celles du spectacle ou du football (où comme disait Coluche on voit des Smicards payer pour voir courir des milliardaires) l’immense majorité des patrons de TPE et de PME qui n’ont rien de nantis, tente de s’arranger avec un Code du Travail et un encerclement administratif si complexes que ne persistent que ceux qui ont pour seule vocation l’Entreprise, hommes et femmes beaucoup plus proches de leurs ouvriers que l’immense majorité des politiques et qui ne réclament qu’une seule chose : qu’on les laisse tranquille !
Les migrants : Alors que le FN prospère sur l’absence d’une politique migratoire, on ne peut laisser des êtres humains périr en mer ou s’entasser dans d’ignobles Sangatte sans réagir. L’immigration bien sûr, doit être contrôlée et un traitement différencié doit être apporté aux véritables réfugiés politiques par rapport aux simples réfugiés économiques qui tentent l’amalgame ! Mais plutôt que de rejeter sans cesse le poids de nos erreurs sur des boucs-émissaires, pourquoi ne voyons-nous pas ensemble ce qui peut être fait avec cette main d’œuvre adulte parfois formée qui n’a à offrir que sa force de travail et sa volonté de vivre en paix à nos côtés ? Sachons certes écarter les troubles fêtes ou les infiltrés mais accueillons humainement les vrais demandeurs d’asile. On trouve tout à fait normal par exemple, d’acheter à bas prix des produits chinois mais combien crieraient au scandale si dans des villages d’accueil bien organisés et contrôlés, des populations migrantes, en attente de régularisation administrative, pouvaient vivre tranquillement et travailler aux mêmes salaires que les ouvriers de Shanghai !
Les zones déshéritées : Entre ZEP, ZAC, ZAD et banlieues des grandes agglomérations un monde qui s’urbanise de plus en plus essaie de survivre. Diversité ethnique inimaginable, carences totales de l’enseignement primaire ou des Syndicats d’Enseignants « courageux » s’arrangent pour envoyer leurs jeunes Collègues dès leur premier poste, lieux privilégiés de tous les trafics où il faut beaucoup de courage à un enfant pour étudier avec la perspective d’un SMIC alors que ses camarades gagnent 3 fois plus en faisant le guetteur, le « Chouf » (! ), quartiers hors d’atteinte pour la Police, les Pompiers et même les Médecins d’où pourtant s’éveillent des vocations encourageantes. Nous fustigeons ces Cités alors que nous devrions battre notre coulpe :
Qui a attiré inconsidérément pour leur seul profit ces populations étrangères ? Qui a rompu le Contrat de travail au profit du regroupement familial ? Qui n’a rien fait pour favoriser l’intégration des immigrés par l’apprentissage de la langue, la formation à nos valeurs, le respect, la justice et la fraternité ? Qui n’ose prendre par intérêt électoraliste les mesures nécessaires en matière de lutte contre les trafics mais aussi en matière de prévention du radicalisme religieux ? Qui se moque aujourd’hui alors que l’économie a changé de nature des conditions d’emplois des jeunes issus de l’immigration rejetés aussi bien chez nous que dans leur pays d’origine ?
Le Dialogue sociétal
Après les lois autorisant le mariage homosexuel et l’homoparentalité, la « Manif pour tous » allait mobiliser dans la rue pendant plusieurs mois des centaines de milliers de Français souhaitant défendre les valeurs traditionnelles de la Famille, interdire des adoptions à géométrie variable et défendre les Droits de l’Enfant.
Dans le même temps où le radicalisme islamique frappait durement à nos portes, d’autres voulaient défendre les Droits et Devoirs liés à une Laïcité républicaine, ceci concernait aussi bien l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires dans les lieux publics, les menus de substitution dans les cantines, la mixité des piscines, le respect des Droits de la femme dans les populations immigrées vivant sur notre sol, la fermeture de mosquées aux mains d’Imams salafistes autoproclamés grassement rémunérés par des Emirats arabes que l’on souhaitait par ailleurs attirer comme investisseurs.
Sur toutes ces questions, nos sociétés doivent refonder le socle des valeurs sur lequel elles souhaitent s’appuyer.
Au classique « A Rome vivons comme les Romains » des uns confronté à la volonté de laisser s’établir la « Société multiculturelle » des autres, une fois encore le dialogue qui s’impose peut apporter des solutions.
Il y a des points susceptibles d’être facilement acceptés. Les Français ont fait du couscous un de leur mets favoris, alors pourquoi interdire le menu de substitution dans les cantines ? La Famille, même si l’Union libre est presque devenue la règle pour les premières années du couple, reste le mode privilégié de la conception française de la vie en commun, alors pourquoi ne pas s’être contenté d’une Union Civile réglant les questions administratives et fiscales pour les tenants des autres formes de vie sociale ? L’adoption des enfants âgés, si difficile en France ne peut-elle être simplifiée et favorisée tout en restant bien préparée, plutôt que de pousser des couples à louer des ventres à l’étranger pour combler leurs désirs affectifs?
Il y a des bastions à reprendre : syndicats omnipotents dans l’éducation nationale hermétique à bien des réformes (on le voit encore aujourd’hui dans leur refus d’aider au redéploiement de l’apprentissage qui pourtant chez nos voisins allemands permet d’aller jusqu’à l’Université), organisations ouvrières bien peu représentatives (7% des salariés) alors que la participation au dialogue de tous serait requise, groupes de pressions et lobbies de toutes sortes dès qu’un pouvoir de nuisance est disponible.
Une société devenue profondément individualiste doit céder la place à plus de responsabilité, plus de solidarité, plus de liberté.
Confrontés à une immigration massive qui n’est pas près de s’estomper et qui, c’est le cas par exemple en Allemagne, est devenue nécessaire aux pays en déclin démographique,
Confrontés aux demandes sociétales des écologistes qui souhaitent une redéfinition de la protection de la planète en croissance zéro, avec une transition énergétique ardemment recherchée refusant jusqu’à examiner les mutations technologiques qui bouleverseront notre proche avenir
Confrontés à l’ultra capitalisme qui choisira toujours quelles qu’en soient les conséquences locales à se redéployer au mieux de ses intérêts
Confrontés aux revendications religieuses radicales qui pourraient replonger le monde dans un indescriptible chaos,
Confrontés à l’incapacité des organisations internationales, ONU en tête d’assumer la fonction de gendarme du monde qui ne peut plus être entre les seules mains des USA
Posons-nous pour conclure cette question : Serons-nous capables par le dialogue de restaurer notre société pour que les valeurs républicaines pour lesquelles nos Pères se sont sacrifiés reprennent toute leur place ?
Nous avons d’immenses atouts et un avenir à la hauteur de nos espérances
Il suffit pour cela que les Hommes et les Femmes de bonne volonté se retrouvent sans ces étiquettes partisanes qui dressent entre eux des cloisons mentales, et décident de s’organiser en recherchant par le Dialogue l’indispensable compromis entre une « Liberté qui permet d’Entreprendre » et une « Solidarité qui maintient la volonté de Vivre Ensemble »
C’est à cette humble tâche que celles et ceux qui veulent suivre des « Voies de Sagesse » doivent s’atteler.
[1] Principes de la Connaissance humaine 1710 [2] Victor Hugo “Ruy Blas” Acte 3 Scène 2Newsletter N°11
Réflexion d’été sur la Franc-maçonnerie
Comme chaque été, j’aime passer quelques moments sur des réflexions concernant la maçonnerie, sur le pourquoi de certaines choses, sur le fonctionnement, sur les améliorations que nous pourrions envisager, simplement aussi sur la philosophie actuelle de la franc-maçonnerie, aussi bien dans sa généralité que chez nous.
Remettre en question comme se remettre en question, apporter des critiques objectives et constructives, se souvenir de l’histoire également et naturellement mieux déchiffrer les objectifs et les enjeux de la maçonnerie, ceci à tous les niveaux, m’accordent l’occasion d’apprendre, de lire, d’essayer de comprendre, de phosphorer par écrit mes rêves, mes utopies, mes buts dans mon idéal de cette soi-disant fraternité.
Oui, c’est souvent direct, souvent rebelle, mais il ne faut pas voir une « attaque », bien au contraire ; il faut regarder les choses sans détour, accepter que l’autre n’ait pas toujours la même vision sans se dire qu’elle est mieux ou moins bien, simplement différente.
Cette année, je me suis penché sur le Rite Écossais Ancien et Accepté, ainsi que sur l’utilité, les devoirs et la philosophie des degrés dits supérieurs.
Comment je perçois la philosophie maçonnique ?
Je devrai plutôt écrire comment j’aimerai vivre la maçonnerie ; quels buts, objectifs sont ou préférablement nécessiteraient à être « travaillés » au sein des Loges ?
Nous négligeons trop souvent que la maçonnerie spéculative a été conçue afin de surmonter les pressions qui ont fait déraisonner les Églises, certains Clubs, Gouvernements ou Royaumes.
Certes les obstacles de l’époque ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui, quoiqu’en regardant d’un œil neutre, nous retrouvons souvent les mêmes problématiques qu’au 18 ème siècle saupoudrée de la technologie du 21ème siècle. Selon Philippe Benhamou, (Philippe Benhamou, membre de la Grande Loge de France est docteur en sciences des organisations. La Franc-maçonnerie pour les nuls, FIRST édition 2008) dans son essai sur la franc-maçonnerie pour les nuls, il résume les croyances de la maçonnerie en trois concepts, à savoir :
• L’amour fraternel
• L’entraide
• La vérité
L’amour fraternel : les francs-maçons se reconnaissent comme frères et se doivent aide et assistance. Cet amour s’étend à toute l’humanité. Dans la normalité, les maçons croient à ce principe de morale universelle qui s’exprime par « Fais aux autres tout le bien qu’ils pourraient te faire à toi-même », principe que nous retrouvons dans beaucoup de philosophies et dans toutes les doctrines religieuses.
Nous savons tous, aujourd’hui, que l’individualisme ou l’égoïsme soutiens un autre sens du mot fraternité ; que la société évolue, que l’Homme se convertit, mais que ces notions, bien que connues et reconnues, ne se pratique qu’épisodiquement avec une parcimonie digne de l’Harpagon de Molière.
L’entraide ou la solidarité : la charité et l’aide mutuelle doivent inspirer les paroles et les actions d’un franc-maçon. En Europe, la bienfaisance devrait être une des vertus des maçons, mais sans confondre avec l’aumône. Un conseil avisé, un acte de solidarité ou un service rendu sont plus efficaces que l’argent.
La maçonnerie a contribué largement à de grandes organisations charitables, nous pourrions en faire une liste très instructive, y compris en terres helvétique, mais il serait également fort intéressant de relever les dates de ces initiatives car aujourd’hui nous devons avouer que nous approchons le néant dans ces volontés, y compris entre Frères.
La vérité : les francs-maçons recherchent des réponses aux questions universelles de moralité et de justice. Dans les loges, la vérité est souvent désignée par la lumière et beaucoup d’éléments des rituels tournent autour de cette idée de lumière à découvrir, c’est-à-dire de vérité à rechercher. Le symbole de la lumière représente une vérité spirituelle et de connaissance.
La problématique dans ce concept est que nous avons tous une authenticité différente, ni mieux, ni moins bien, simplement différente. Si la maçonnerie fournit une méthode d’interrogation permanente dans cet approfondissement, sans aucune certitude de trouver la vérité d’ailleurs ; combien de frères, de sœurs profitent d’émerger de l’obscurité, de l’ignorance ; combien de maçons s’investissent réellement dans la réflexion ?
En 2017, nous pouvons lister des milliers de problèmes, sans parler des guerres, du métissage des peuples, de la numérisation, mais quels sont les apports, les sujets de réflexion qui animent nos loges, nos obédiences, nos souverains chapitres. Je ne parle même pas de planches, mais de travaux réels entrepris par une « fraternité » adorant s’enorgueillir de titres, de décors et qui trop souvent se croit au dessus de je ne sais pas exactement quoi.
Je sais que plusieurs Frères, plusieurs Sœurs sont pleinement en harmonie avec moi dans cette réflexion, mais nous ne sommes qu’une minorité à vouloir un changement radical dans l’évolution de la pensée, de la philosophie de la maçonnerie au 21ème siècle. Pour moi, l’avenir de la maçonnerie, toutes Obédiences confondues, ne pourra survivre que grâce à cette petite frange qui se permet de réfléchir, de contrer la tradition stagnante et l’immobilisme de la masse. Cet aréopage qui ose remettre en question les traditions, pas dans le sens de revoir un rituel, mais la manière de regarder l’organisation de nos Ateliers, nos Obédiences en apportant des solutions, du moins des pistes de solutions et toujours avec l’idée de positiver la force intellectuelle du groupe que nous formons.
Histoire du R∴E∴A∴A∴
Ayant été allaité au rite Ruchon (émanation du REAA et RF, légèrement simplifié) dans ma Loge mère, puis introduit dans les Hauts Grades du Rite Français pendant 2 ans ; depuis quelques années j’évolue dans un Chapitre pratiquant le rite écossais ancien et accepté. Même s’il est vrai que les rituels et la symbolique ne sont pas ma tasse de thé, il me paraît primordial d’en savoir un peu plus sur une mise en scène que je pratique au minimum une fois par mois.
Nous savons tous que la maçonnerie est complexe parce que si le REAA est écossais, c’est surtout pour ne pas être anglais et comme son histoire le montre il est d’origine française, disons pour être plus précis de loges écossaises installées par les stuartistes en France, en particulier à Saint-Germain-en-Laye. Il est ancien parce que plus jeune que les modernes … Il faut comprendre que le terme moderne fait référence à la Grande Loge de Londres de 1717, alors que le terme ancien fait référence à la Grande Loge des anciens de 1751 qui trouvait que les modernes étaient trop … modernes ! De plus ce n’est pas le rite qui est accepté, mais ce terme désigne simplement un franc-maçon accepté comme membre extérieur aux métiers traditionnels de la franc-maçonnerie opérative (commerçants, artistes, ecclésiastiques ou nobles par exemples.
Au 18 ème siècle, la spiritualité est fondamentalement religieuse et nous ne trouvons pas encore cette variété de rite qui pullule actuellement. En 1717, toutes les loges entérinaient un rite en trois degrés. C’est l’époque de la maçonnerie d’inspiration chrétienne, directement fondée sur les Constitutions d’Anderson et la plupart des maçons sont nobles et en grande majorité catholiques.
En 1736, le chevalier de Ramsay, grand Orateur de l’Ordre maçonnique en France, prononce un discours qui marque fortement la franc-maçonnerie française. Convoitant de prodiguer du panache à une noblesse en manque de repaire, Ramsay exploita les images, les rêves et les spéculations que la chevalerie suscitaient dans les loges en engendrant une nouvelle maçonnerie sur la symbolique des croisades et des Templiers. Si historiquement tout n’est pas juste, le génie de Ramsay est d’avoir exposé cette filiation d’un point de vue légendaire et enflammé les imaginations. Un mythe était apparu et le mouvement initié par ce discours a donné naissance aux hauts grades. Nous ne sommes pas encore dans le REAA que nous connaissons car à cette époque c’est avec le rite de perfection que les frères se mirent à créer 25 degrés, soit 3 traditionnels et 22 nouveaux degrés. Entre 1740 et 1765, on a même pu dénombré plus de 200 degrés …
En 1761, Étienne Morin de Bordeaux est initié au grade de Prince du royal secret (25ème et dernier degré du rite de l’époque) et vogue vers Saint-Domingue pour des raisons professionnelles. Il reçoit un mandat avec patente afin de multiplier l’ordre royal des maçons libres et avec son zèle habituel introduit et développe les hauts grades dans les îles françaises d’Amérique.
Pendant que le rite royal secret se propage dans le Nouveau monde, la France vit sa révolution et se retrouve avec très peu de loges actives, 18 seulement. Pendant ce temps, le comte de Grasse Tilly, né à Versailles en 1765 et initié en 1783 à Paris hérite d’une importante plantation à Saint- Domingue, mais fait rapidement faillite et doit se réfugier à Charleston où il rejoint la Grande Loge des maçons francs et acceptés de Caroline du Sud. En 1801, Grasse Tilly participe à la fondation du premier Suprême Conseil du monde à Charleston et en sera le Grand Commandeur.
La première tâche de ce Suprême Conseil fut d’ajouter huit degrés au rite de perfection et ainsi de fonder un rite en 33 degrés sous le nom de l’Ordre royal et militaire de l’ancienne et moderne franche-maçonnerie … qui deviendra le REAA. La question que j’ose me poser et de savoir pourquoi passer de 25 à 33 degrés … ? Je n’ai pas trouvé d’explication convaincante à ce sujet.
Grasse Tilly réintègre l’armée française en 1804 avec une lettre de créance délivrée par le Suprême Conseil de Charleston lui consentant à créer des Suprêmes Conseils, ce qu’il fit immédiatement en rassemblant les loges écossaises lâchées par le Grand Orient de France.
Grasse Tilly devient l’aide de camp du vice-roi d’Italie et fonde le Suprême Conseil d’Italie, puis muté en Espagne, fonde le Suprême Conseil des Espagnes et des Indes. Grasse Tilly meurt en 1845 où deux rites coexistent en France, le REAA maintenu par le Suprême Conseil de France et le rite français porté par le Grand Orient de France.
Malheureusement avant le décès du comte Grasse Tilly, le REAA doit être mis en sommeil en raison de la situation politique du moment et ne repris véritablement ses travaux qu’en 1821. Il faut savoir qu’à l’époque les pouvoirs, aussi bien Napoléon Bonaparte que Napoléon III étaient très proches de la maçonnerie, ce qui n’était pas toujours très simple à gérer. Déjà à cette époque, nous entrons dans des « combinaziones » mélangeant le pouvoir en place, la noblesse ou plutôt l’ancienne noblesse et les « purs » qui espèrent toujours un monde meilleur.
En 1875, le Suprême Conseil de France suscite l’organisation d’un convent, réunion des représentants de tous les Suprêmes Conseils du REAA, le fameux convent de Lausanne avec le résultat de fonder le rite tel que nous le connaissons aujourd’hui. 12 Suprêmes Conseils (France, Italie, Belgique, Irlande, Pérou, Angleterre, Ecosse, Cuba, Portugal, Hongrie, Grèce et Suisse) sur 22 étaient présents. Lors de ce convent on y trouve notamment cette citation : « Pour relever l’homme à ses propres yeux, pour le rendre digne de sa mission sur terre, la maçonnerie pose le principe que le Créateur suprême a donné à l’homme comme bien le plus précieux, la Liberté ; liberté, patrimoine de l’humanité tout entière, rayon d’en haut qu’aucun pouvoir n’a le droit d’éteindre ni d’amortir et qui est la source des sentiments d’honneur et de dignité ».
Les rituels du REAA étaient imprégnés par la religion et la montée de l’anticléricalisme conduisit le Suprême Conseil de France à réformer, en 1877, les rituels des trois premiers degrés en éliminant les connotations religieuses trop fortes. Du côté des USA, Albert Pike, grand commandeur de la juridiction sud des États-Unis, adopta une position de défenseur de la religion et contribua ainsi à détourner la franc-maçonnerie anglo-saxonne de la française.
Le rite écossais ancien et accepté est centré sur la légende d’Hiram, elle-même tirée d’un passage de l’Ancien Testament qui relate la construction du Temple de Jérusalem. Hiram, fils d’une veuve a donné l’expression « les enfants de la veuve » pour désigner les maçons.
La symbolique des degrés
La symbolique des trois premiers degrés provient des métiers des constructeurs de cathédrales.
Jusqu’au 14 ème degré, la symbolique du REAA est fortement inspirée par la légende de la disparition du maître Hiram et les loges de perfection poursuivent ce mythe du 4ème au 14 ème degrés.
Du 15ème au 18 ème degré nous nous retrouvons plus dans la tradition des chevaliers, de la Bible, des Templiers et de la Rose-Croix. Au delà du 18ème degré, les symboles sont puisés dans le monde chevaleresque, puis de la Rose-Croix.
Une autre manière de « classer » les divers degrés va en :
• Degrés primitifs (18 et 30)
• Degrés de l’illuminisme allemand du tribunal de la Sainte Vehme (9, 10, 11 et 21)
• Degrés d’origines hébraïque et biblique (4 à 8, 12 à 17)
• Degrés du temple (19, 20, 23 à 27 et 29)
• Degrés alchimiques et rosicruciens (22 et 28)
• Degrés administratifs (31, 32 et 33)
Les 33 degrés du rite écossais ancien et accepté sont organisés en sept catégories où chaque catégorie a son propre type de loge, à savoir :
• Les loges symboliques (loges bleues), du 1er au 3ème degrés
• Les loges de perfection, du 4ème au 14ème degrés
• Les souverains chapitres, du 15ème au 18ème degrés
• Les sublimes aréopages, du 19ème au 30ème degrés
• Les tribunaux au 31ème degré
• Les consistoires au 32ème degré
• Le Suprême Conseil au 33ème degré.
L’écossisme et autres rites
L’écossisme désigne tous les types de rites maçonniques qui comportent en plus des trois premiers degrés, des hauts grades en nombre variable. On trouve le RER, rite écossais rectifié, le rite écossais, le rite écossais primitif, le rite écossais philosophique. Mais ceci est loin d’être terminé, car vous trouverez également le rite français ou rite français moderne ou simplement rite moderne. Le rite d’York, le rite émulation, les rites égyptiens (Misraïm, Memphis ou Memphis-Misraïm), le rite suédois et ceci que pour les plus connus en Europe, car vous trouverez d’autres rites dans les Amériques ou en Afrique et même ici sur le vieux continent ; d’ailleurs je me demande si nous n’allons pas créer un rite de la Romandie …
La question n’est pas de savoir si le rite « A » et mieux que le « B », j’ai l’impression que chaque rite prospecte le même but, mais en prenant des chemins différents. De plus il m’est absolument égal de savoir que celui ci est plus ancien que celui là. Si il est bon de connaître son histoire, nous ne devons pas oublier de regarder l’avenir.
Ma vision de la maçonnerie d’aujourd’hui
Une étude française (mais dont les résultats ne devraient pas vraiment être différents sur les terres
helvétiques) démontre l’ambiguïté entre le courant du spiritualisme et celui du sociétale.
Le spiritualisme qui reste une philosophie entre la croyance religieuse et l’athéisme, même divisé
aujourd’hui, dans le style de l’Amérique du Nord du 19 ème siècle qui tout en étant ouverte aux
minorités religieuses protestantes avec pour chaque entité une idée très précise de la religion ou
plutôt de sa religion, augmente assez fortement sa participation en nombre de maçons/maçonnes. En Europe l’athéisme religieux gagne du terrain sur l’église catholique qui progressivement se meurt et qui devrait se retrouver en grandes difficultés dès les années 2035, ceci concernant le nombre de ses fidèles.
Il est vrai également que l’individualisme des idées et des pratiques, le narcissisme qui fait primer la volonté de développement personnel sur le rapport aux autres avec ; sans parler de la divergence profonde entre ceux qui prennent acte du désenchantement du monde et ceux qui maintiennent coûte que coûte l’enchantement, nous apporte une vision dissemblable de la maçonnerie du 21ème siècle.
De ce fait, beaucoup de Frères, de Sœurs également, aspirent à une maçonnerie spirituelle leur apportant ce que les Églises ne semblent plus en mesure de prodiguer, où les repères dans la vie profane se perdent, où les problèmes privés s’invitent tous les jours dans nos réflexions.
Il est vrai aussi que l’analyse critique des imaginaires, de la recherche de nouveaux axes philosophiques demande des outils intellectuels et culturels passablement exigeants, ce qui tant à soustraire la recherche de nouvelles idées sociétales qui étaient pourtant un des axes de la maçonnerie des siècles passés.
Personnellement je n’ai jamais caché que le spiritualisme maçonnique ne m’apporte pas grand chose, que je peux facilement retrouver cet état d’esprit au sein de la nature, auprès d’authentiques relations amicales, dont certaines peuvent être maçonniques ou me rendre dans une église, un monastère, une abbaye, parlons de préférence d’un lieu de culte.
Je ne pense pas non plus qu’un rite se prête mieux qu’un autre, il s’agit plus de la Sœur ou du Frère qui avance avec sa philosophie.
Dans plusieurs loges que j’ai eu la chance de fréquenter, on vibre véritablement sur un travail précis, voir Juste et Parfait, concernant l’application du rituel ; par contre il est beaucoup plus rare d’avoir des planches dignes de ce nom, des textes, des idées, des réflexions où je me sens impliqué, intéressé. Pour moi, le rituel est juste là pour me préparer à écouter, à me mettre en condition ; l’intérêt, à mes yeux, reste le travail des frères, c’est-à-dire les planches.
S’il n’y a que le rituel, je me sens frustré. Il est vrai que besogner sur une planche demande de prendre du temps, requière un effort intellectuel, sollicite simplement du travail. Et dans ce contexte il y a réellement un très gros déficit au sein des loges ; plus personne ne désire travailler, nous retrouvons cette philosophie de l’individualisme, du chacun pour soi.
En résumé, il est beaucoup plus facile d’écouter, voir de participer à un rituel que de se retrousser les manches, de réfléchir, de prendre sa plume ; ceci fait que le côté spiritualisme gagne du terrain sur la face du sociétale, il n’y a certainement pas que cela, mais la contribution est importante.
Pour être juste, il faut également admettre que cette situation n’est pas l’apanage exclusif de la maçonnerie, vous trouverez les mêmes phénomènes auprès des clubs services, des associations, même les nouvellement créés, au sein des sociétés. Beaucoup de personnes cherchent des nouveautés, un mieux-être, en ayant presque déjà tout à disposition, mais sans s’en rendre compte. Un peu comme les réseaux d’amis informatiques où les gens en prospectent un peu partout dans le monde, mais délaissent les vrais amis proches physiquement…
Les hauts grades
Je ne désire pas m’étendre sur le bien fondé de cette invention du 19ème siècle qui véhicule un fantasme aux profanes, mais aussi et surtout aux maçons. Si le discours de Ramsay avait un sens et des objectifs bien précis dans l’encouragement d’une société en délicatesse avec ses rêves, en déliquescence de l’après révolution pour un segment de la population ; en fait Ramsay a réussi une très belle manipulation des esprits de l’époque. Mais je ne discerne pas encore l’ultime graal que devrait nourrir ces nouvelles étapes. Bien sûr je suis certainement trop jeune pour pénétrer intellectuellement cette quête et peut-être aussi que je n’ai pas cette aspiration viscérale à obtenir un grade complémentaire ; je dis bien un grade ou un degré, pas une connaissance supplémentaire.
Lorsque l’on vient nous proposer d’entrer dans ce très fermé « club » des hauts grades, nous sommes plusieurs à penser au terme « degrés de perfection », donc nous affirmer avec des connaissances supplémentaires, des qualités de planches hors du commun, mais … mais trouvons-nous réellement ceci ? Pouvons-nous sérieusement aspirer à mieux nous connaître, à mieux trouver la voie et la méthode, allons-nous enfin découvrir une palpable fraternité empreinte d’amour, de sincérité, de solidarité ?
Bien sûr nous nous inculquons de nouvelles légendes, soit par passage, soit par lecture et après … La qualité des planches n’est de loin pas meilleure que dans les loges bleues, ceci quand il y a une planche programmée ce qui est trop rare (3 ou 4 planches par année). L’inimitié ou la jalousie demeurent dans les premières préoccupations de chacun et l’envie de s’investir n’est pas plus pertinente qu’avant (le sujet de discussion est de savoir quand tel ou tel sera promu au 33ème et dernier degré du REAA et la somme des travaux que chaque Frère devrait soumettre lors d’un travail annuel du Suprême Conseil est encore aisément calculable sur une main amputée de quelques doigts…) .
Oui, j’ai fait la connaissance de Frères ou de Sœurs qui sont devenu des amis, des amis mêmes très chers ; sans la maçonnerie je n’aurai certainement pas eu cette chance. Par contre je ne retrouve pas l’amour fraternel, l’entraide, la solidarité et la soif de vouloir avancer dans la vérité, dans la recherche de la vérité, ceci dans sa grande généralité.
Désabusé je le suis peut-être devenu, surtout interrogateur, mais je ne baisse pas et ne baisserai jamais les bras. De plus je sais que je ne suis pas seul et c’est avec cette frange de maçonnes, de maçons que je désire mettre enfin les principes de la maçonnerie en avant. Un travail escarpé, une tâche épuisante, un véritable sacerdoce, mais avec une très belle et merveilleuse lumière au bout, une lumière où l’Homme ose se remettre en question, avancer, créer et ambitionner une vie meilleur.
Philippe Lang