Conférence de Olivier Meuwly

Déjeuner-débat à Genève

(D&DS)

Saison 2022-2023

Vendredi 13 septembre 2013

au

6, rue de la Scie 1207 Genève

Nous aurons l’honneur de recevoir

Olivier Meuwly

Olivier MEUWLY

sur le thème

La démocratie directe: une solution pour l’avenir?

Démocratie, le laboratoire suisse

Publié par Antoine Bevort- Professeur de sociologie – CNAM Paris. Chaire d’analyse sociologique du travail, de l’emploi et des organisations – 2 rue Conté – 75003 PARIS – tél. 01 40 27 24 31 – courriel : abevort@free.fr
Source: Revue du Mausss n°37, premier semestre 2011, p. 447-475

« Les défauts de la démocratie exigent plus de démocratie et non pas moins.» Amartya Sen [2006, p. 45.]

Si de façon générale, comme l’observe J. Beaudouin, « la sociologie politique a mal à la démocratie » [1998, p. 130], son malaise à l’égard de la démocratie directe est encore plus manifeste. On considère souvent un peu rapidement que la souveraineté populaire à l’athénienne est inapplicable dans nos sociétés modernes pour des raisons comme la taille ou la complexité des affaires publiques. Ainsi, D. Chagnollaud estime que « si ce procédé a pu jouer dans la cité grecque antique, force est de constater qu’il n’est guère praticable à l’échelle d’un grand pays » [1993, p. 51]. Aux yeux de M. Hansen, historien danois, spécialiste de la démocratie athénienne, cet argument très courant apparaît de moins en moins pertinent et « revient à ignorer que la technique moderne a rendu tout à fait possible un retour à la démocratie directe – que ce soit souhaitable ou non est une autre question » [1993, p. 21]. L’écho récent rencontré par les dispositifs participatifs n’a pas levé les doutes quant à l’intérêt de donner aux citoyens, outre le droit de vote, un réel pouvoir de décision dans les sociétés contemporaines.

L’exemple suisse reste ainsi étonnamment peu sollicité dans le contexte d’un débat pourtant vif sur la crise politique des démocraties représentatives. Il ne suscite le plus souvent qu’un intérêt anecdotique – qui n’a entendu ou lu de rapides propos moqueurs sur la Landsgemeinde d’Appenzell Rhodes-Intérieures, réduit à une forme démocratique pittoresque mais sans intérêt pour nos complexes sociétés contemporaines – ou conjoncturel, comme après la votation sur les minarets en novembre 2009. Le cas suisse est par exemple absent dans Le nouvel esprit de la démocratie, Actualité de la démocratie participative, de Loïc Blondiaux [2008]. L’ouvrage de Marie-Hélène Bacqué, Gestion de proximité et démocratie participative, une perspective comparative [2005], fait à cet égard exception, mais le chapitre consacré à la Suisse, intitulé « À propos de la démocratie directe », signé par Bernard Voutat, est une des rares contributions très critiques de l’ouvrage. Ce point de vue sceptique sur le cas suisse illustre le résultat un peu étrange de connaissances et d’éloges plus approfondis sur les budgets participatifs sud-américains que sur les votations suisses.

Comme l’indique l’intérêt citoyen pour les votations dont a témoigné, après le référendum européen de 2005, la votation citoyenne sur la poste en 2009, le système politique suisse mérite cependant une attention renouvelée. En effet, depuis l’institution du référendum constitutionnel obligatoire en 1848 et de l’initiative populaire en 1891, les votations suisses sont une des manifestations contemporaines de démocratie directe les plus abouties. Après avoir rappelé de quelles façons les institutions de la démocratie directe marquent de leur empreinte le système politique suisse[1], l’article évalue l’importance et la portée de ces droits, avant de les confronter en conclusion à la théorie de la démocratie consociative d’A. Lijphart [1977] et de G. Lehmbruch [1993], dont la Suisse représente à leurs yeux un exemple privilégié.

1. Les « droits populaires » dans le système politique suisse

Le système politique suisse peut être défini comme une démocratie semi-directe, un mixte de démocratie directe et représentative dans lequel le peuple participe avec le gouvernement et le Parlement aux prises de décisions politiques. Avec le fédéralisme et la concordance (associée au principe de la collégialité), les institutions de la démocratie directe sont un des trois piliers du régime politique suisse.

Le fédéralisme, sa caractéristique la plus ancienne et probablement la plus connue, remonte à l’année 1848, quand la Suisse a transformé son système politique en État fédéral. Aujourd’hui, la Suisse est un régime fédéral composé de vingt-cinq cantons, dont le bicamérisme équilibré des chambres Parlementaires est l’expression. Représentant les cantons, le Conseil des États compte quarante-six sièges répartis à raison de deux sièges pour chacun des vingt cantons et d’un siège pour chacun des demi-cantons (Obwald, Nidwald, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Appenzell Rhodes-Extérieures et Appenzell Rhodes-Intérieures). Ainsi le canton de Zurich, qui compte 1 million d’habitants, élit deux conseillers au Conseil des États, tout comme Uri qui a moins de 36 000 habitants. Le Conseil national, dont les membres sont élus à la représentation proportionnelle au prorata du nombre des habitants des circonscriptions cantonales, dispose du même pouvoir que le Conseil des États [Kriesi, 1998].

Les deux conseils aux pouvoirs identiques forment l’Assemblée fédérale qui fonctionne selon le principe de la « concordance », deuxième caractéristique essentielle du système politique suisse. La démocratie de concordance, « notion équivalente, parmi les politologues de langue allemande, à celle de démocratie consociative forgée par Lijphart » [Lehmbruch, 1993, p. 44], renvoie au fait que « les décisions ne se fondent pas sur la règle de la majorité, mais sur la recherche d’accords à l’amiable ou de compromis »[2]. Les principales forces politiques acceptent généralement le jeu du compromis plutôt que celui de la majorité et de l’opposition. Il n’y a donc pas de véritable parti d’opposition. Ce principe, qui remonte dans sa version contemporaine aux années 1930, se traduit notamment dans la composition du gouvernement helvétique, nommé le Conseil fédéral, comprenant les représentants des principaux partis politiques suisses en fonction de leurs nombres d’élus au Conseil national. La concordance est inséparable de l’esprit de collégialité qui fonde la responsabilité collective de tous les membres du gouvernement qui fonctionne comme un collège solidaire[3].

Les sept membres du gouvernement sont élus par l’assemblée fédérale, réunissant les deux chambres, selon une clef de répartition dite la « formule magique » de 2+2+2+1, instaurée en 1959. La clef de répartition fixe la composition du gouvernement, attribuant deux représentants au parti socialiste suisse (PSS), au parti radical socialiste (PRS) et au parti démocratie chrétien (PDC), et un représentant à l’union démocratique du centre (UDC). Depuis 2003, la formule magique a été modifiée suite à l’audience électorale croissante de l’UDC qui a remplacé le PDC comme une des trois grandes forces politiques[4]. Sa double représentation au sein de l’exécutif, acquise en 2003 aux dépens du PDC, a été cependant réduite par la démission du parti d’un de ses membres, tout en restant membre du Conseil fédéral. Actuellement, le Conseil fédéral comprend deux UDC (depuis 2008, 1 + 1 parti bourgeois démocratique), deux PSS, deux PRD[5], et un PDC. Les membres du Conseil fédéral sont élus pour un mandat de quatre ans renouvelable[6]. Le Conseil fédéral est assisté et conseillé dans le déroulement de ses affaires par la Chancellerie fédérale. Le Chancelier, également élu, qui prend part aux réunions hebdomadaires du cabinet avec un rôle de consultation, est parfois appelé de manière officieuse « le 8e conseiller ». La présidente ou le président de la Confédération change chaque année. Cette fonction ne confère aucun pouvoir ou privilège spécifique, et le président ou la présidente continue d’administrer son propre département.

Les droits populaires

« On appelle droits populaires (l’expression n’existe qu’en Suisse), ceux qui, parmi les droits politiques, permettent aux citoyens de participer aux prises de décision par le biais de votations. »[7] La pratique des votations citoyennes remonte à la Révolution française de 1793. « C’est la procédure d’adoption de la seconde Constitution helvétique de 1802 qui consacre pour la première fois sur le sol suisse le principe du scrutin populaire. » [Micotti, 2003, p. 21] Les premiers référendums constitutionnels et législatifs apparurent dans divers cantons dans les années 1830, préparés par la multiplication de pétitions.

Les votations citoyennes suisses se présentent aujourd’hui sous trois formes : les référendums obligatoires, les référendums facultatifs et les initiatives populaires qui se déclinent selon des modalités spécifiques aux niveaux fédéral, cantonal et communal. Au niveau fédéral, le référendum obligatoire, qui existe depuis 1848, concerne toutes les modifications de la Constitution, de même que l’adhésion de la Suisse à certaines organisations internationales comme l’OTAN, l’ONU. L’adoption de telles dispositions requiert la double majorité du peuple et des cantons. Le 27 septembre 2009, la population suisse a ainsi accepté deux projets de modification constitutionnelle : le relèvement de la TVA en faveur de l’Assurance invalidité (AI) par 54 % des voix et une petite majorité des cantons. Le taux de participation s’est élevé à 41 %. La majorité des cantons alémaniques se sont montrés hostiles, alors que la Suisse romande a voté unanimement pour le financement additionnel en faveur de l’AI. Les grandes villes ont en général été favorables.

Le référendum facultatif, instauré en 1874, intervient quand, dans les cent jours qui suivent l’adoption d’une loi par le Parlement, 50 000 citoyens signent un texte demandant un vote de l’ensemble du corps électoral. Huit cantons peuvent également déclencher un référendum facultatif. La loi, ou les arrêtés et accords assimilés à des lois, ne peuvent alors entrer en vigueur que si les électeurs l’approuvent. En pareil cas, seule la majorité du peuple est requise. Selon le Dictionnaire historique de la Suisse (article « Constitution fédérale »), c’est cette possibilité qui marque l’introduction d’une forme de démocratie semi-directe dans la vie politique suisse. Le 7 mars 2010, les citoyens ont par exemple refusé par près de 73 % des voix et 45 % de participation la modification de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (dit « taux de conversion minimal »), votée en décembre 2008 par l’assemblée fédérale, prévoyant une baisse des rentes.

Enfin, l’initiative populaire, instituée en 1891, donne le droit à tout électeur de proposer une modification de la Constitution (ou l’adjonction d’une nouvelle disposition). Il doit réunir à cet effet 100 000 signatures en l’espace de dix-huit mois. S’il y parvient – mais il s’agit évidemment dans la plupart des cas d’un travail collectif –, la proposition est soumise au vote de l’ensemble du corps électoral et doit recueillir également la double majorité populaire et cantonale. L’initiative populaire donne le plus souvent lieu à un contre-projet, élaboré par les autorités et soumis au peuple lors de la même votation. Depuis 1987, il est possible d’accepter l’initiative et son contre-projet (double oui). En cas de double acceptation, une question subsidiaire posée lors de la votation permet de départager les projets. Pour être acceptés, l’initiative et le contre-projet demandent la majorité du peuple et des cantons. C’est une initiative populaire qui est à l’origine de la votation du 29 novembre 2009, refusant la construction des minarets par 57,5% de oui, et le soutien de vingt-deux cantons avec une participation de 53,4 % du corps électoral.

Les institutions et la pratique des votations varient considérablement selon les cantons et les communes. Au niveau cantonal, le fédéralisme suisse repose sur une grande autonomie d’organisation politique qui se traduit par vingt-six sous-systèmes analogues [Kriesi, 1998]. De façon générale, les droits populaires sont beaucoup plus développés dans les cantons alémaniques que dans les cantons latins, du point de vue du champ de compétences des votations, généralement plus large, comme du nombre, le plus souvent plus faible, de signatures exigé pour déposer une votation [Baglioni, 2004 ; Kriesi 1998]. Les cantons ne connaissent pas seulement l’initiative populaire constitutionnelle, mais aussi l’initiative populaire législative qui donne la possibilité aux citoyens de proposer l’adoption d’une nouvelle loi. Certains cantons ont instauré également le référendum financier – par lequel certaines dépenses publiques doivent être approuvées par les électeurs – ainsi que le référendum législatif. Dans ce dernier cas, toutes les lois adoptées par le Parlement cantonal doivent être soumises au vote des électeurs.

Le rapport de Sébastien Micotti sur La démocratie communale en Suisse dresse un panorama détaillé des droits populaires au niveau communal à partir de l’étude des cent dix-huit communes de plus de 10 000 habitants, représentant au total 42 % de la population suisse. Il existe deux grands types de communes, celui qui connaît le système d’assemblée communale (de tous les citoyens), dit système ordinaire, et celui dans lequel les communes sont dotées d’un Parlement communal, dit système extraordinaire. Il existe un petit nombre de communes qui ne connaissent ni Parlement communal, ni assemblée communale, « tout se décide donc dans les urnes, en principe sur proposition de l’exécutif communal » [Micotti, 2003, p. 28]. Dans le système avec Parlement communal, le « référendum populaire, [est] conçu comme restitution du pouvoir de décision au corps électoral dans un système de démocratie représentative » [ibid., p. 34], par opposition au régime de démocratie directe qui caractérise le système d’assemblée communale (dit organisation ordinaire) dans lequel les votations apparaissent comme un dispositif de mise en œuvre des pouvoirs des concitoyens. Ce fonctionnement communal est antérieur aux mouvements révolutionnaires de la fin du xviiie siècle. On le trouve dans tous les cantons, à l’exception de ceux de Genève et de Neuchâtel. « Le régime de l’assemblée communale représente aux yeux de certains la forme la plus pure de démocratie directe, son expression la plus immédiate. Les citoyens réunis en assemblée ne se contentent pas de voter, mais prennent part aux décisions, intervenant dans le débat, ou soulevant les questions relatives aux domaines de la compétence communale. » [ibid., p. 25] Sur les cent dix-huit communes étudiées par Micotti, trente-six ont conservé le système d’assemblée communale, mais il s’agit surtout des plus petites communes.

Enfin, la constitution suisse reconnaît également le droit de pétition. Toute personne « capable de discernement », majeure, et donc pas seulement les électeurs – ce qui inclut les étrangers – a le droit d’adresser par écrit aux autorités des demandes, des propositions ou des plaintes concernant n’importe quelle activité de l’État. Les autorités sont tenues d’en prendre connaissance. L’obligation de répondre n’est pas prévue légalement, mais dans la pratique, toute pétition est examinée et fait l’objet d’une réponse. Les pétitions ont joué un grand rôle dans l’histoire suisse, notamment dans la première moitié du xixe siècle. Le développement des référendums a diminué son importance, mais la pratique, beaucoup moins contraignante que les procédures référendaires, n’a pas disparu.

2. La procédure référendaire

Pour bien comprendre la dynamique des votations, il faut prendre en considération l’ensemble du processus référendaire dont le vote ultime est l’aboutissement. Du déclenchement d’une votation, à la campagne référendaire, puis au vote et enfin à l’après-vote, toutes les étapes, strictement réglementées, participent du dispositif politique des droits populaires.

Le déclenchement d’une votation

Une des spécificités fondamentales de la procédure référendaire suisse a trait à son déclenchement. Les référendums sont soit de droit, soit déclenchés par des citoyens. Comme le souligne le Guide de la démocratie directe, les référendums « sont initiés et contrôlés non par en haut mais par en bas » [IRI, 2007, p. 93]. L’agenda des votations n’est donc pas maîtrisé par la classe politique, ce qui distingue aux yeux des Suisses le référendum d’un plébiscite.

Référendum et Plébiscite

Le Guide de la démocratie directe distingue trois types de consultations des citoyens :

– Les référendums obligatoires, inscrits dans les constitutions autrichienne, danoise et italienne et suisse pour des motifs divers.

– Les référendums facultatifs, déclenchés à l’initiative de citoyens, dont relèvent deux des votations suisses mais aussi le référendum abrogatif italien.

– Le plébiscite des autorités, improprement dénommé référendum, déclenché à l’initiative des autorités, comme le référendum français.

Les deux premiers types de référendum qui ont pour but de donner du pouvoir aux citoyens appartiennent au répertoire de la démocratie directe, à la différence du référendum-plébiscite dont l’objectif est de donner du pouvoir aux représentants[9].

Les comités d’initiative (groupe ad hoc, association, parti) d’une votation jouent un rôle-clef dans les référendums facultatifs et les initiatives populaires, tout d’abord par la rédaction du texte qu’ils soumettent à la signature des citoyens pour demander une consultation. Si les dispositions légales sont respectées (titre, contenu des listes à signer), l’initiative est validée par la Chancellerie fédérale et publiée dans la Feuille fédérale, publication officielle de la Confédération, avec les noms des « initiants ». La collecte des signatures peut alors commencer. Les modalités de validation d’un projet de votation ont varié du point de vue de la durée de la collecte. La loi fédérale de 1976 sur les droits politiques (LDP) a limité à dix-huit mois la durée de la récolte (auparavant libre). Le Parlement avait une année pour examiner le texte, selon la loi de procédure de 1892. Régulièrement dépassé, ce délai fut d’abord porté en 1950 à deux ans pour les propositions conçues en termes généraux et à trois ans pour les projets rédigés de toutes pièces, puis fixé à trois et quatre ans par la LDP de 1976, enfin à vingt-quatre et trente mois par les révisions de 1996 et 1999. Par l’information et les débats que suscite la démarche de collecte des signatures, cette étape est une première phase importante de la délibération politique que suscite une votation.

Les méthodes de collecte des signatures se sont assez profondément transformées depuis une vingtaine d’années. De la sollicitation directe des citoyens devant les bureaux de vote, on est passé à des campagnes postales, puis électroniques, par téléchargement de feuilles de signatures sur le Net. Les organisations impliquées dans les comités d’initiatives peuvent déployer des moyens importants pour collecter des signatures, pouvant aller jusqu’au million de francs suisses (700 000 euros) en cas de collecte par courrier postal à tous les ménages.

Quand la collecte des signatures est achevée, les listes sont vérifiées par les communes, puis remises à la Chancellerie fédérale, qui constate formellement l’aboutissement, avant l’examen par le Conseil fédéral et l’Assemblée fédérale qui vérifient la conformité du texte avec les exigences constitutionnelles, notamment le respect des règles impératives du droit international. Le site de la Chancellerie fédérale publie les initiatives en suspens et objets soumis au référendum facultatif au stade de la collecte des signatures, leur l’état d’avancement et les résultats. Toutes n’aboutissent pas et la Chancellerie publie de façon exhaustive la liste des votations n’ayant pas abouti. En avril 2010, outre 7 référendums obligatoires prêts à passer en votation, il y avait 13 initiatives et 11 référendums facultatifs au stade de la collecte des signatures. Parmi les initiatives en cours, toutes publiées sur le site de la Chancellerie fédérale, on peut, entre autres sujets, citer l’initiative « pour des salaires équitables », déposée par la Jeunesse socialiste suisse, dont la collecte des signatures a commencé le 6 octobre 2010. Le texte soumis à signature propose de modifier la Constitution en introduisant un nouvel article 110a, stipulant que « Le salaire le plus élevé versé par une entreprise ne peut être plus de douze fois supérieur au salaire le plus bas versé par la même entreprise. Par salaire, on entend la somme des prestations en espèces et en nature (argent et valeur des prestations en nature ou en services) versées en relation avec une activité lucrative. » La campagne de collecte des signatures s’achèvera le 6 avril 2011.

La campagne référendaire

L’inscription des votations sur le calendrier des votations de la chancellerie ouvre la campagne référendaire, temps privilégié d’informations et de débats qui scande de façon très régulière la vie politique communale, cantonale et fédérale. Les pouvoirs publics veillent à une information équilibrée des citoyens. Depuis 1972, tous les électeurs reçoivent un livret référendaire qui expose tous les points de vue. D’abord rédigé par le gouvernement, il est depuis 1983 en pratique, et depuis 1994 en droit, rédigé en partie par les comités d’initiative et référendaire. Outre l’information officielle, les campagnes sont alimentées par les comités d’initiative, les partis, les syndicats, et des associations puissantes et parfois mieux organisées que les partis.

Même si toute publicité à la radio et à la télévision est interdite, les dépenses peuvent aller de plusieurs centaines de milliers d’euros à des millions d’euros pour les votations les plus disputées. Les associations patronales notamment, quand elle estiment que leurs intérêts sont en jeu, n’hésitent pas à investir de façon conséquente dans les votations. « Économiesuisse  », la principale association faîtière du patronat, joue ainsi un rôle fondamental dans les campagnes référendaires. L’association a pour rôle de veiller à la défense des « conditions-cadre optimales pour les entreprises suisses », notamment le maintien de la liberté des entreprises, et revendique « un lobbying intense à tous les niveaux du processus législatif (participation à des groupes d’experts, préparation d’actes législatifs, procédures de consultation, prises de décisions par le Conseil fédéral et le Parlement, votations populaires). »[10] Dans la dernière votation de mars 2010, portant sur le financement des retraites, « Économiesuisse » aurait ainsi engagé de 8 à 10 millions de francs suisses (5,6 à 7 millions d’euros). Certes, l’association patronale n’a pas obtenu satisfaction lors de cette votation, mais une de ses responsables romandes indiquait dans Le Matin du 3 mars 2010 que, depuis 1992, l’implication de l’organisation patronale aurait initié le résultat de 67 votations sur 72 depuis 1992[11].

Les modalités du vote

L’effervescence référendaire ne signifie pas qu’on vote en permanence. Dans la plupart des cas, lorsqu’une votation fédérale a lieu, les cantons et les communes en profitent pour organiser le même week-end leurs propres votations. Les scrutins sont en fait regroupés et organisés quatre fois par an selon un calendrier prévu longtemps à l’avance. Les dates des votations fédérales sont d’ores et déjà fixées jusqu’en 2028. Pour 2010, elles ont été ainsi programmées pour le 7 mars, le 13 juin, le 26 septembre et le 28 novembre, mais cela ne signifie pas que toutes les dates seront effectivement utilisées. Il n’y a par exemple pas eu de votation populaire à la date prévue, le 12 février 2006. S’ils acceptent un calendrier commun, les 26 cantons et 2614 communes sont souverains en matière d’organisation des scrutins. «Le fédéralisme produit une mosaïque d’entités et, donc, de réglementations », explique H.-U. Wili. Seule démocratie pratiquant l’assemblée physique des citoyens votant à main levée, la Suisse est également le laboratoire du vote par correspondance et même du vote électronique.

Le vote à main levée. Avec le canton de Glaris, Appenzell Rhodes-Intérieures est le dernier canton à connaître l’institution de la Landsgemeinde, « assemblée solennelle lors de laquelle les citoyens (masculins jusqu’à la fin du xxe s.) jouissant du droit de vote élisent les autorités et débattent des affaires du pays »[12]. Considérée parfois comme l’expression la plus aboutie de la démocratie directe, la Landsgmeinde substitue au vote par les urnes la réunion physique de tous les citoyens du canton. Ceux-ci se réunissent une fois par an, le dernier dimanche d’avril (Appenzell Rhodes-Intérieures) ou le premier dimanche de mai (Glaris) sur la place principale du chef-lieu du canton pour élire les plus hautes autorités politiques et judiciaires du canton, et pour délibérer et légiférer sur les questions politiques importantes.

Le vote postal. La Suisse se signale également par l’importance du vote postal, admis en Suisse depuis 1994. Dès la fin des années 1990, près de la moitié des Suisses ont voté par correspondance. Ainsi à Genève, depuis les votations du 13 juin 1999, chaque électeur a la possibilité, s’il le souhaite, de voter par correspondance sans avoir à en faire la demande, dès la réception de son matériel de vote. L’effet est significatif : à Genève, le vote postal, pratiqué par 95 % des votants, a entraîné une hausse de 20 points de la participation (de 30-35 % en 1995 à 50-55 % en moyenne annuelle dès le début des années 2000). La participation genevoise est désormais l’une des plus élevées du pays, qui vote à plus de 80 % par voie postale.

Le vote électronique. En 2000, des essais-pilotes de vote électronique ont été initiés à Genève, Neuchâtel et Zurich. Suite au rapport d’évaluation publié en 2006[13], le Conseil fédéral a engagé un processus de modifications légales et réglementaires de façon à permettre une extension du vote électronique. En 2008, une deuxième étape d’essais élargis de vote électronique a commencé, qui vise à ce que 10 % de l’électorat puisse en 2011 avoir recours à ce type de vote. Bâle-Ville et Genève l’ont expérimenté, en particulier pour les Suisses de l’étranger. Le 8 février 2009, les électrices et électeurs genevois ont approuvé par une majorité de 70,2 % l’inscription du vote par internet dans la constitution cantonale, mettant fin, au plan cantonal, à la phase-pilote. Un canton ayant mené avec succès cinq essais consécutifs de vote électronique peut demander une autorisation « élargie » au Conseil fédéral. De nombreux cantons veulent suivre la même voie, non sans que cela fasse débat. Si les autorités fédérales perçoivent les possibilités électroniques comme une nouvelle chance et une nouvelle dimension des « droits populaires », le vote électronique suscite de fortes oppositions de tous bords politiques. Selon H.-U. Wili, chef du projet «Vote électronique » à la Chancellerie fédérale, la généralisation dans toute la Suisse et dans tous les domaines des votations et élections via Internet ne sera pas possible avant des dizaines d’années.

L’après-vote. Le vote ne clôt pas la dynamique référendaire, puisqu’il faut traduire juridiquement les décisions populaires. Cette étape est un élément important du processus référendaire et pas toujours aisée. Ainsi, le 27 septembre 2009, une votation populaire, prenant acte de l’incapacité de traduire une première votation dans les textes, a abrogé l’initiative populaire générale votée en 2003. Le nouvel article introduit dans la constitution devait offrir l’opportunité à 100 000 citoyens de réclamer une nouvelle législation, et pas seulement une disposition constitutionnelle. L’initiative générale a été enterrée sans avoir jamais été utilisée ; 67,9 % des votants ont accepté de supprimer ce droit populaire inscrit en 2003 dans la constitution. Après une campagne quasi inexistante, tous les cantons se sont laissé convaincre que l’initiative populaire générale serait trop difficile à appliquer. Cela dit, même négatifs, les résultats d’un vote plus ou moins serré exercent leurs effets sur les décisions des élus, qui peuvent proposer des dispositions législatives prenant en compte certaines attentes exprimées dans les votations.

3. La pratique de la démocratie directe

« Chaque semaine, une initiative populaire ou un référendum est lancé quelque part en Suisse » [Kaufmann et alii, p. 88]. Toutes les demandes de votations n’aboutissent pas, toutes ne suscitent pas les mêmes débats, mais les référendums impriment de façon profonde leur marque dans la vie politique helvétique. Les objets, la participation et les résultats des votations fédérales, auxquelles nous nous limiterons ici, permettent d’en prendre la mesure.

Les objets des votations

Depuis la révision totale de la constitution helvétique de 1848, premier référendum obligatoire, à « l’interdiction d’abattre le bétail de boucherie sans l’avoir préalablement étourdi », première initiative populaire de 1893, jusqu’à la modification de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 28 novembre 2010[14], l’éventail des questions soumises à référendum est vaste. Quel que soit le type de référendum, les votations ne portent pas sur des questions de personnes, ni directement ni indirectement. Rappelons que les référendums obligatoires comme les initiatives populaires, et les éventuels contre-projets, portent sur la Constitution, les référendums facultatifs concernent toute activité législative.

1) Le classement des thèmes se fonde sur « Année politique suisse », édité par l’Institut de science politique à l’Université de Berne.

2) Les initiatives populaires avec contre-projet sont comptées comme une seule votation.

Source : Office fédéral de la statistique

Le classement des votations par grandes catégories (tableau 3) met en évidence les thèmes qui mobilisent le plus les votations au cours des quarante dernières années. D’après les statistiques fédérales, sur l’ensemble des 330 votations ayant eu lieu entre 1971 et 2010, les plus nombreuses (23,33 %) ont porté sur la politique sociale, plus d’un cinquième (20,91 %) ont concerné les questions d’infrastructure, aménagement, environnement, les votations relatives au régime politique arrivant en troisième avec (14,55 %). On peut noter la faiblesse des votations portant sur les sujets de sécurité, de politique étrangère ou encore d’enseignement, culture et médias.

Si on s’intéresse à l’évolution de sujets, depuis les années 1970, on observe une augmentation des votes sur le régime politique au cours des deux dernières décennies, une baisse considérable des votes sur l’économie, qui passent de 18,5 % à 2,5 % ; une hausse continue des votes sur la politique sociale (de 16 à 32,5 %) ; l’importance assez stable des votes sur l’infrastructure, aménagement, environnement, à un niveau assez élevé. Les sujets de politique sociale comptent dans la dernière décennie pour plus de 32,5 % des votations, alors que les sujets économiques tombent à 2,50 %. Le faible pourcentage de votations sur les questions d’économie peut s’expliquer par une définition très restrictive de la catégorie, par rapport à celle intitulée « politique sociale », mais aussi être le signe d’un relatif consensus sur l’organisation économique… Le fort contraste plaide en faveur d’un effet de construction des catégories. On peut noter, enfin, que l’inquiétude sociale ne s’accompagne que d’une croissance modérée des votations sur les questions de sécurité (7,5 %).

La participation

L’idée que la participation aux votations est faible et inférieure à la participation aux élections législatives est assez répandue. Les données publiées par l’Office fédéral de la statistique sur la participation aux élections du Conseil national et aux votations depuis 1911 conduisent à nuancer assez fortement cette idée. Jusqu’en 1990, l’opinion n’est pas erronée. On vote effectivement plus aux élections du Conseil national qu’aux votations. On constate en outre une baisse de l’intérêt pour les votations, le taux de participation passant de 59,7 % à 40,9 %. De 1911 à 2010, la participation aux votations a baissé du quart, mais celle aux élections législatives a reculé de plus de 42 % ! Depuis vingt ans, le taux de participation aux élections s’est rapproché de celui des votations. En fait, depuis les années 1970, la participation aux votations a augmenté de plus de 3 points, là où la participation aux élections législatives a continué à reculer de plus de 5 points. L’écart entre les deux taux de participation, de près de 20 points se réduit désormais à 1 point. Si la tendance se poursuivait, la participation aux votations pourrait devenir supérieure à celle des élections législatives.

L’augmentation de la participation est d’autant plus remarquable qu’elle se produit dans un contexte de fréquence accrue des votations. Il y a eu 106 votations entre 1971 et 1990, et 185 votations dans les vingt années suivantes. L’explication de l’introduction du vote postal ne peut être retenue, car elle devrait également affecter la participation aux élections législatives. On est donc loin d’un essoufflement de la participation citoyenne aux votations, cela serait plutôt le contraire.

Les résultats

Il existe de fortes inégalités dans les taux de réussite selon le type de votation. Sur l’ensemble de votations depuis 1848, les trois-quarts des référendums obligatoires sont ratifiés, contre un peu plus de la moitié des référendums facultatifs, et un dixième seulement des initiatives populaires (tableau 5).

Source : Office fédéral de la statistique

Si, dans l’ensemble, les votations acceptées sont presque aussi nombreuses que celle rejetées par les électeurs, les résultats divergent sensiblement selon le type de consultation. Trois fois sur quatre, le peuple suit les décisions de modification de la constitution votées par l’assemblée fédérale. Il confirme un peu plus de la moitié des lois soumises à une votation suite à un recours des citoyens, mais se montre en revanche très réticent à adopter les initiatives populaires : moins de 10 % de celles-ci sont approuvées par les citoyens. Il semble toutefois se produire depuis le début du siècle une évolution assez significative. Ainsi, au cours des dix dernières années, le taux d’acceptation des référendums obligatoires est devenu inférieur à 70 %. Le taux d’acceptation a cependant augmenté pour les référendums facultatifs, mais également pour les initiatives populaires.

L’interprétation n’est pas aisée. La baisse du nombre de référendums obligatoires acceptés traduit une plus grande distance par rapport aux décisions de l’assemblée fédérale, mais en revanche le peuple confirme davantage les choix législatifs. Cela peut cependant être aussi le signe d’une meilleure prise en compte des attentes des citoyens. Même si le taux d’acceptation des initiatives populaires reste faible, dépassant à peine les 15 %, depuis 2001, le peuple les ratifie cependant également deux fois plus souvent qu’au cours de la décennie précédente. Ces données peuvent être l’indice d’une plus grande ouverture du débat politique, voire d’un effritement du consensus.

En tout état de cause, il ne faut pas s’arrêter au résultat final d’un scrutin. Il serait erroné de déduire du faible taux de réussite des initiatives populaires que les citoyens échouent le plus souvent à influencer l’action politique. Les droits populaires exercent un effet en amont sur les institutions représentatives, conduisant les élus à prêter attention aux attentes des citoyens. Même les votations refusées exercent leurs effets. Lorsqu’une votation est rejetée, cela ne signifie pas nécessairement que la délibération populaire soit sans effet. Les chambres peuvent de façon indirecte ou atténuée intégrer certains éléments en jeu dans une votation dans la législation en rapport avec l’enjeu du référendum. Les droits populaires exercent une influence directe et indirecte profonde sur la vie politique suisse.
4. Les vertus des droits populaires

Les droits populaires donnent une forme moderne à la pensée des sophistes, présentée et discutée par Socrate dans le dialogue « Protagoras » de Platon, selon laquelle tous les citoyens sont dotés de l’areté, la vertu, cette disposition à intervenir en acte et en parole dans les affaires publiques [Bevort, 2007]. Ils expriment une conception de l’art politique selon laquelle, contrairement à ce que pensait Platon, l’areté ne relève pas de la connaissance, mais d’une conception pragmatique de la vertu qui attribue à tous les citoyens les qualités d’aidôs (la honte) et de dikê (justice, règle), incitant chacun à agir pour le bien de la cité. Les procédures référendaires reposent sur la confiance dans la compétence démocratique des citoyens, sur l’idée que la vertu représente « l’excellence propre de l’homme, laquelle ne s’incarne nulle part mieux que dans l’action politique » [Raynaud, Rials, 1996, p. 725]. Elles font également écho à l’idée que la vertu est le principe de la démocratie, selon les mots de Montesquieu. Les votations mettent en évidence comment les institutions et la pratique des droits populaires se nourrissent l’un l’autre, stimulent l’art politique des citoyens. Elles apparaissant comme autant d’ateliers pratiques de la démocratie, qui exemplifient la triple vertu délibérative, régulatrice et éducative de la participation citoyenne à la vie de la cité.

Les vertus délibératives

Le fait qu’il ne se passe pour ainsi dire pas de semaine sans qu’une initiative populaire ou un référendum ne soit initié quelque part en Suisse, à un niveau ou à un autre, illustre la dynamique délibérative des droits populaires. Les votations alimentent de façon quasi continue des débats politiques approfondis sur tous les sujets qui importent dans les affaires de la cité. Si l’on partage l’idée d’Amartya Sen, selon laquelle « la meilleure définition de la démocratie est celle de gouvernement par la discussion » [2009, p. 386], cette qualité délibérative des droits populaires est une vertu essentielle. Elle importe d’autant plus qu’elle ne se limite pas à mettre en scène une démocratie d’opinion, mais donne corps à un véritable pouvoir délibératif qui se manifeste à travers la maîtrise de l’agenda politique, l’animation des débats politiques, et un réel pouvoir de décision.

Les référendums facultatifs et les initiatives populaires donnent aux citoyens un accès privilégié à l’agenda politique, en leur permettant de mettre à l’ordre du jour des sujets que la classe politique n’aurait pas nécessairement mis en débat. Au niveau fédéral, les initiatives populaires imposent ainsi des délibérations sur les grands débats de société (l’emploi, l’environnement, les retraites, les transports publics, la poste, le temps de travail, l’assurance maladie… ). Aux niveaux cantonal et communal, les débats sur les « grands » enjeux (les budgets cantonaux) comme sur les « petites » questions de voisinage (la création d’une zone de vitesse limitée à 30 km/h par exemple) ne sont pas moins sujets à donner vie à une conception du politique comme vivre et agir ensemble, qui ne limite pas le pouvoir citoyen à l’élection des représentants.

Les droits populaires reconnaissent aux citoyens un pouvoir de décision important. Les référendums obligatoires et les initiatives populaires donnent aux citoyens le dernier mot en matière constitutionnelle. La possibilité des référendums facultatifs sur tout vote législatif conduit les élus à prêter une grande attention à l’opinion publique. Les processus référendaires déplacent les enjeux de la vie politique des questions de personnes aux questions politiques, ce qui distingue singulièrement la Suisse de la vie politique française grandement polarisée par l’enjeu présidentiel.

Les vertus régulatrices

Outre le fait d’impliquer les citoyens dans le débat et la décision politique, les droits populaires exercent un effet de régulation sur la vie politique suisse. Ils produisent une redistribution du pouvoir politique et contribuent à une autre conception du travail politique professionnel.

Le pouvoir politique est très faiblement concentré dans le système politique suisse. Avec l’autonomie cantonale et le bicamérisme, les droits populaires forment système pour imposer un partage équilibré des pouvoirs politiques entre la fédération et les cantons. Historiquement, les droits populaires se sont développés parallèlement à la construction du système confédéral. Le référendum obligatoire est inscrit en 1848 dans la constitution fédérale fondatrice de la Suisse moderne. Le référendum facultatif, instauré lors de la révision modérée de la constitution promulguée le 29 mai 1874, permettant alors à 30 000 citoyens ou huit cantons de provoquer une votation pour rejeter une loi ou un arrêté fédéral, est notamment mis en place pour apaiser les craintes d’une centralisation opérée par voie législative. Pour Lehmbruch, la création du référendum facultatif a, « dans le long terme induit les coalitions gouvernantes à coopter les principaux partis minoritaires dans l’exécutif fédéral, (…) dans l’espoir de leur faire abandonner le recours aux référendums » [1993, p. 6]. La double majorité cantonale et populaire exigée par les référendums obligatoires et les initiatives populaires est à la fois l’expression et la garantie du fédéralisme.

Outre l’effet en amont sur le mode de fonctionnement de la démocratie représentative, déjà souligné, la dynamique potentielle des votations contraint le système politique à la transparence, à l’information, à l’écoute. Elle oblige à rendre compte des décisions comme des projets, à engager les consultations les plus larges en amont des décisions parlementaires. Tous ces mécanismes produisent une autre conception du politique, moins centrée sur le pouvoir et le savoir. Les droits populaires élèvent le statut des citoyens à celui de politiciens occasionnels. La démocratie directe limite la professionnalisation et la personnalisation de la politique. La présidente ou le président de la Confédération change chaque année, et les députés sont le plus souvent à temps partiels. La démocratie n’y est pas le domaine réservé des professionnels. Les droits populaires contrarient les tendances à la prolifération bureaucratique de l’appareil d’État et à l’oligarchie et la fermeture sur soi du personnel politique. Loin de creuser la distance entre les professionnels de la politique et les citoyens, les votations rapprochent citoyens et politiciens et imposent une relation plus continue entre les représentants élus et les citoyens. La participation aux votations de tous les citoyens à tous les niveaux communal, cantonal, fédéral crée une forte identité suisse, favorise l’intégration politique et accroît la légitimité des décisions politiques.

Les vertus éducatives

Dans La démocratie des autres, A. Sen attribue trois avantages à la démocratie pour les citoyens [Sen, 2006, p. 70-71]. Premièrement, la participation politique et sociale représente une valeur intrinsèque pour la vie humaine et son bien-être. Deuxièmement, la démocratie a une valeur instrumentale dans l’amélioration de la réceptivité à l’expression et à la satisfaction des besoins politiques mais aussi économiques et sociaux des gens. Troisièmement, la pratique de la démocratie donne l’opportunité aux gens d’apprendre les uns des autres, et aide la société à former ses valeurs et ses priorités.

Deux chercheurs suisses, Mathias Benz et Alois Stutzer, confirment à cet égard, de façon frappante, le rôle constructif de la démocratie. Selon les théoriciens du public choice, rappellent-ils dans leur article « Are Voters Better Informed When They Have a Larger Say in Politics? Evidence for the European Union and Switzerland » [2004], les citoyens sont rationnellement ignorants en matière politique parce que les coûts d’information excèdent largement l’utilité que les individus en retirent. L’électeur rationnel sait que son vote a peu d’effet sur le résultat d’un vote, donc il a « intérêt » à s’abstenir. En fait, démontrent les deux chercheurs, le coût de l’information comme l’utilité de celle-ci peuvent largement varier en fonction du système politique. Plus on offre aux citoyens des opportunités de participer à la vie politique, mieux ils sont en effet informés. Exploitant une enquête suisse qui permet de mettre en rapport d’un canton à l’autre les connaissances politiques et l’étendue des dispositifs de démocratie directe, les données indiquent clairement une corrélation positive entre ces deux variables. Plus on a de possibilités de participer, mieux on est informé, toutes choses égales par ailleurs. L’effet sur le niveau d’information lié à une plus grande possibilité de participation est comparable à l’effet éducation ou l’effet revenu. L’analyse d’une enquête européenne sur les connaissances en matière d’institutions communautaires aboutit au même résultat. Dans les pays où les électeurs ont pu s’exprimer par référendum sur le traité européen, les connaissances sont meilleures, à l’exception toutefois notable de la France.

Faisant la synthèse d’autres travaux ayant étudié la relation entre démocratie directe et performance économique, le Guide de la démocratie directe rend compte d’un certain nombre de résultats qui indiquent que le degré d’extension des droits populaires ne nuit pas à la performance économique des cantons, au contraire. Selon les travaux de deux économistes de St-Gall, G. Krichgässner et Lars Feld [Kaufmann et alii, p. 83-84], les résultats seraient assez convergents. Dans les cantons où l’on participe le plus, la performance économique en termes de PIB par tête est de 15 % plus élevée. Là où les citoyens peuvent voter sur le budget cantonal, l’évasion fiscale est inférieure de 30 %, correspondant à un montant moyen de 1500 francs suisses. Les dépenses publiques sont 10 % moins élevées dans les communes dont les citoyens peuvent approuver le budget par référendum. La dette publique y est moins grande de 25 %. Les services publics coûtent moins cher dans les communes connaissant la démocratie directe. Dans son ouvrage, Société civile et capital social en Suisse, Simone Baglioni résume bien le processus éducatif des droits populaires [2004, p. 189] : « Comme Pateman l’avait suggéré, l’intérêt et la compétence politiques ne sont pas innés, mais bien plutôt modelés par le système politique. Un système participatif incite davantage la compétence et l’intérêt pour la politique qu’un système de délégation qui favorise l’apathie et l’incompétence ». La participation fait prendre conscience que les sorts des citoyens sont liés.
Droits populaires et démocratie consociative

Pour le théoricien du consociatonalisme, Arendt Lijphart, la Suisse, en tant que pays segmenté dont le fonctionnement démocratique repose sur le partage du pouvoir et le consensus, constitue un exemple paradigmatique de démocratie consociative [Lijphart, 1977]. Les démocraties consociatives représentent des « formes fortes de démocraties de consensus » (Lijphart, 1994, p. 3) qui, avec les démocraties majoritaires, constituent pour cet auteur les deux principaux types de démocraties [Lijphart, 1984]. Dans les sociétés affectées par de profondes divisions linguistiques, religieuses, culturelles, idéologiques, la régulation politique par le simple principe de la majorité ne suffit pas. En maximisant la règle de la majorité qui emporte la décision (« maximize the size of the ruling majority », 1999, p. 33), la démocratie de consensus produit non seulement une meilleure représentation des différents segments composant la société, mais également un gouvernement plus efficient. Dans Patterns of Democracy [1999], Lijphart retient dix critères pour caractériser une démocratie de consensus : la grande coalition, l’équilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif, le multipartisme, la représentation proportionnelle, le corporatisme de groupes d’intérêt (un libéral corporatisme), le fédéralisme, un bicamérisme fort, la rigidité constitutionnelle, le contrôle judiciaire des lois et réglementations, l’indépendance de la banque centrale. En l’absence de contrôle judiciaire, la Suisse satisfait neuf de ces dix critères.

De façon assez surprenante, les droits populaires ne figurent pas parmi les dix caractéristiques énoncées par Lijphart dans son analyse de la Suisse comme exemple de démocratie de consensus. Le référendum n’apparaît que comme facteur de rigidité constitutionnelle parce que les amendements à la constitution requièrent une double majorité cantonale et populaire. La reconnaissance tardive du suffrage féminin est une bonne illustration de la difficulté qu’introduit cette exigence de double majorité. Cette relative inattention aux droits populaires est probablement liée au rôle privilégié que Lijphart attribue aux élites dans son modèle théorique. Le consensus y apparaît comme le fruit d’une coopération entre les leaders des différents « segments » qui composent le pays. Pourtant, les droits populaires sont probablement, avec le fédéralisme et la concordance, un des rouages-clefs de la démocratie consociative suisse. Pour Lijphart, la concordance concerne les élites, mais le possible, voire nécessaire, recours au peuple en cas de décision importante est une puissante contrainte au compromis. En consacrant les citoyens comme des acteurs à part entière dans la vie politique suisse, les votations imposent aux élites un fonctionnement qui ne peut se réduire aux accords entre les élites. La démocratie suisse apparaît autant comme le fruit des décisions des élites que comme le choix des citoyens. A. Trechsel et P. Sciarini [2003], à partir de l’analyse des votations depuis 1947, concluent que les droits populaires ne mettent pas en cause la légitimité des dirigeants politiques. De même, S. Baglioni souligne, dans son ouvrage Société civile et capital social en Suisse, que « les citoyens suisses montrent en effet un niveau de confiance institutionnelle plus élevé que la moyenne relevée dans les pays de l’Europe de l’Est et de l’Ouest » [Baglioni, 2004, p. 195].

Si la démocratie de consensus bénéficie de la confiance politique des citoyens, c’est peut-être parce que les institutions politiques leur donnent un droit de contrôle important sur la vie politique. C’est parce que les droits populaires sont potentiellement autant facteurs de dissensus que de consensus qu’ils imposent un fonctionnement poussant tous les acteurs à construire des compromis qui reposent sur l’accord le plus large. Les votations n’éliminent donc pas les conflits, l’expression des dissensus, ils en sont au contraire un outil d’expression, mais aussi un mode de dépassement. Ils agissent de fait comme un facteur de légitimité et de stabilité du système politique.

Ce faisant, les droits populaires, en donnant aux citoyens les outils d’une citoyenneté active introduisent un élément d’incertitude qui peut affecter la logique même du système de démocratie semi-directe. L’augmentation des référendums et les clivages sociétaux qu’ils mettent en lumière traduisent une polarisation croissante de la vie politique suisse. L’émergence de l’UDC et certaines votations comme celle sur l’interdiction des minarets en sont les signes indéniables. On peut également observer que les votations les plus importantes donnent lieu à un véritable marketing politique, dont les dépenses de plus en plus élevées engagées dans les campagnes référendaires sont l’indice. La logique du régime est-elle pour autant en cause ? Chacun est tenté d’évaluer à l’aune de ses propres opinions politiques ou académiques les méfaits-bienfaits de la démocratie directe. Les uns liront l’évolution en cours comme la manifestation des excès de démocratie, ou comme une dérive populiste, la démonstration de l’immaturité des citoyens. D’autres font confiance aux vertus des droits populaires pour trouver des solutions aux tensions qui se manifestent. Quelle que soit l’appréciation que l’on porte, la croissance de votations, les dénis apportés aux élites, que cela soit sur les minarets ou l’assurance-chômage, montrent que le peuple suisse s’affirme comme un acteur autonome par rapport aux organisations représentatives et leurs leaders, confirmant que la démocratie de consensus ne signifie pas l’absence de conflits. Le coût croissant des votations représente de toute évidence un facteur d’inégalité amenant certains observateurs à estimer que cela fait de la démocratie politique suisse un modèle coûteux, accessible seulement aux nantis et aux acteurs organisés. Outre que cela vaut probablement plus encore pour les campagnes électorales, les moyens financiers ne sont pas toujours gagnants. On peut même penser que, plus que pour les élections, les votations accroissent le pouvoir citoyen et atténuent les inégalités de fortune et d’éducation.

Les interrogations sur l’avenir de la démocratie consociative ne sont pas nouvelles. Au début des années 1990, G. Lehmbruch se demandait si l’effritement de la cohésion des segments minoritaires, notamment catholiques et socialistes, et la montée de l’individualisme n’érodaient pas les traditions consociatives suisses. Il concluait cependant que la persistance des clivages linguistiques et culturels, l’architecture institutionnelle et la socialisation politique des élites lui semblaient assurer au système politique suffisamment de flexibilité pour être « capable de survivre à l’érosion des réseaux organisationnels traditionnels » [Lehmbruch, 1993, p. 59]. Près de vingt ans plus tard, l’interrogation demeure, mais elle est peut-être propre à tout système démocratique, dont les ressorts sont autant de mises en tension permanente. La Suisse est probablement un des rares exemples de démocratie réflexive au sens de P. Rosanvallon, c’est-à-dire comme un système disposant de « mécanismes correcteurs et compensateurs » des limites de la démocratie électorale-représentative, [2008, p. 195-196]. Sans le citer, les analyses de Rosanvallon, notamment quand il parle d’une forme d’ « encadrement du système majoritaire », rejoignent celles de Lijphart. Plus encore que le politologue néerlandais, Rosanvallon ne prend toutefois guère en compte les droits populaires comme une forme de dépassement de la règle majoritaire, privilégiant comme mécanisme correcteur le contrôle de constitutionnalité ou les formes de contre-démocratie, sans envisager le modèle de démocratie de consensus suisse. C’est pourtant dans les droits populaires que résident peut-être les ressources les plus efficaces permettant à la démocratie de consensus de résoudre les tensions qu’elle affronte.

Pour autant, les droits populaires n’éliment pas ce que B. Voutat [Bacqué et alii, 2005] nomme l’ambivalence de la démocratie et de la souveraineté populaire parce que cette ambivalence est pour ainsi dire l’essence même du pari démocratique. La démocratie directe ne repose pas sur l’illusion que les citoyens garantissent la « bonne décision », mais elle postule que les citoyens sont in fine plus aptes que les rois-philosophes, les avant-gardes ou les professionnels à décider des affaires de la cité. La démocratie n’est pas un sport de spectateurs, ni une affaire de professionnels, mais une activité citoyenne. Les votations offrent dans les limites bien particulières propres à la Suisse une rare expérience assez poussée de la conception de la démocratie comme pouvoir du peuple pour le peuple par le peuple… Dans le débat engagé sur la crise qu’affrontent les institutions représentatives, l’expérience suisse offre, toutes choses égales par ailleurs, matière à réfléchir pour les démocraties représentatives à la recherche d’une nouvelle légitimité.

Références bibliographiques

Bacqué M.-H., Rey H., Sintomer Y., 2005, Gestion de proximité et démocratie participative, une perspective comparative, La Découverte, Paris.

Baglioni S., 2004, Société civile et capital social en Suisse, L’Harmattan, Paris.

Beaudoin J., 1998, Introduction à la sociologie politique, Seuil, « Points », Paris.

Benz M., Stutzer A., 2004, « Are Voters Better Informed When They Have a Larger Say in Politics? Evidence for the European Union and Switzerland », Public Choice, 119 (1-2), p. 31-59.

Bévort A., 2007, « Le paradigme de Protagoras », Socio-logoS, n° 3, avril.

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Kaufmann B., Büchi R., Braun N., 2007, Guide de la démocratie directe en Suisse et au-delà, IRI.

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Lehmbruch G., 1993, « Consociatonal Democracy and Corporatism in Switzerland », Publius : The Journal of Federalism, 23 (2), p. 43-60.

Lijphart A., 1999, Patterns of Democracy, Government Forms and Performance in Thirty-Six countries, New Haven and London, Yale University Press.

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Trechsel A. H., Sciarini P., 2003, « Direct democracy in Switzerland: Do elites matter ? », European Journal of Political Research, vol. 41, Issue 6, janvier, p. 759-776.

[1] Notre analyse prend son origine dans un voyage d’études en Suisse organisé par IRI (l’Institut européen sur l’initiative et le référendum) qui a eu lieu fin septembre 2005. Nous y avons bénéficié d’un certain nombre de présentations et de rencontres avec des acteurs et des chercheurs. Outre les informations réunies lors de ce voyage, notamment dans une rencontre avec Hans-Urs Wili, chef de la section des droits politiques à la Chancellerie fédérale, et les données et analyses réunies dans le Guide de la démocratie directe en Suisse et au-delà, par Bruno Kaufmann, Rolf Büchi, Nadja Braun, édité par l’IRI [2005 pour la première édition en langue française, 2007 pour l’édition française], nos analyses sont redevables à l’ouvrage de référence de Hanspeter Kriesi, Le système politique suisse [1998], ainsi qu’au Dictionnaire historique de la Suisse, (DHS), Editions Gilles Attinger à Berne, 2002-2009, disponible [en ligne] : <http://www.hls-dhs-dss.ch/index.php?lg=f&pagename=project&pagenum=4>.

[2] Article « Démocratie de concordance » du Dictionnaire historique de la Suisse [2002-2009], [en ligne] <http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F10095.php>.

[3] Ces principes ne vont pas de soi. Ouvrant la séance du Conseil fédéral le 20 octobre 2004, le Président de la Confédération, Monsieur Joseph Deiss, a demandé à ses collègues de mettre fin à des semaines de discussions portant sur la collégialité, la concordance et les tâches du Conseil fédéral. Il a souligné que le mandat du Conseil fédéral est inscrit dans la Constitution. Celle-ci précise que le Conseil fédéral prend ses décisions en autorité collégiale, ce qui signifie que chacun des membres du gouvernement du pays doit respecter, défendre et appliquer les décisions du collège. Aux yeux du Président de la Confédération, le bon fonctionnement d’un gouvernement collégial repose sur le consensus. Pour parvenir à ce consensus, le Président attend de ses collègues qu’ils débattent de leurs divergences au sein du collège et non pas avec des déclarations publiques. (source, site de la Confédération suisse, [en ligne] <http://www.news.admin.ch/message/index.html?lang=it&msg-id=19741>)

[4] Depuis les élections du Conseil national du 21 octobre 2007, l’Union démocratique du centre compte 62 représentants (cinq UDC ont formé le Parti bourgeois démocratique en mars 2009) ; le Parti socialiste suisse, 43 ; le Parti radical démocratique, 35 ; le Parti démocrate chrétien, 31. Les autres mouvements politiques ont 29 représentants dont 20 pour Les Verts.

[5] Devenu le Parti libéral-radical au 1er janvier 2009.

[6] Traditionnellement, un conseiller fédéral est réélu jusqu’à sa démission et les cas de non réélections sont extrêmement rares. Ils ont cependant particulièrement touché l’UDC, d’abord en décembre 2003, quand sa représentante, Ruth Metzler-Arnold n’a pas réélue et fut remplacée par Christoph Blocher, qui à son tour n’a pas réélu en décembre 2007 et fut à son tour remplacé par un autre membre de l’UDC, Evelin Wildmer-Schlumpf. L’ exclusion de cette dernière de l’UDC est à l’origine de la création du parti bourgeois démocratique.

[7] Article « Droits populaires » du Dictionnaire historique de la Suisse.

[8] En 2010, le corps électoral suisse est très légèrement supérieur à 5 000 000 personnes. Il faut donc 1 ou 2 % des électeurs pour initier un référendum facultatif ou une initiative populaire, là où, en France, la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 exige un seuil de 20 % des électeurs pour saisir le conseil municipal en vue de l’organisation d’une consultation sur une opération d’aménagement.

[9] En France, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a élargi le domaine référendaire en instituant la possibilité de soumettre un projet aux citoyens d’une collectivité territoriale sous forme d’un référendum décisionnel. Cette dispositions est toutefois dans la logique du référendum des articles 11 et 89 de la Constitution de 1958 : seul l’exécutif municipal peut proposer la soumission d’un projet au référendum. La validation suppose que la moitié des électeurs inscrits ait pris part au vote.

[10] Citations extraites de la présentation de l’association Économiesuisse sur son site web.

[11] Le Matin, 3 mars 2010.

[12] Article « Landsgemeinde » du Dictionnaire historique de la Suisse.

[13] Rapport sur les projets pilotes en matière de vote électronique, Conseil fédéral, Berne, 31 mai 2006.

[14] Dernière date des votations prises en comptes dans cet article.

[15] Source de toutes les données : l’encyclopédie statistique de la Suisse, publié par l’Office fédéral de la statistique, l’administration fédérale. Pour ce tableau, toutes les données sont mises [en ligne] : <http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/17/22/lexi.html>.

Source: http://antoine.bevort.free.fr/entree.htm

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Brigitte Kehrer est de nationalité française et suisse et habite à Genève. Après avoir enseigné la littérature, puis été journaliste culturelle pendant dix ans, elle s’engage dans la Croix Rouge internationale puis dans la coopération au développement, principalement en Afrique.

sur le thème

« Poudre d’Afrique. (le Mali – Tombouctou) »

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Résumé

Pendant plus de quinze ans, elle travaille ainsi notamment au Mozambique, au Mali, au Sri Lanka, en Thaïlande, au Rwanda, en Côte d’Ivoire et en Guinée- Conakry.

Confrontée aux difficultés des pays en voie de développement en sortie de crise et aux questions récurrentes de résolution de conflits et de reconstruction de la paix, elle écrit un premier livre,Rwanda, part de Dieu, part du diable, puis un second ouvrage sur le processus de réconciliation et de réhabilitation après un conflit, L’art du conflit.

Aujourd’hui, elle partage son temps entre des mandats internationaux avec les Nations Unies ou les coopérations bilatérales, comme experte en projets de reconstruction de la paix, et des mandats de médiation internationale enseignant aux nouveaux gouvernements du monde des techniques de résolution de conflits et de production de médias pour la paix.

A propos du livre


Éva vit à Paris et s’ennuie. Elle voudrait travailler pour une grande cause et s’engage dans l’humanitaire. Au Mali, elle rencontre un Touareg dont elle tombe éperdument amoureuse, puis elle le quitte. Mais le destin la rattrape à Conakry lors de sa deuxième mission en Afrique. Elle est alors confrontée aux superstitions, à la magie noire et au culte des anciens à travers la figure emblématique d’un clochard.

Sa rencontre avec les forces obscures de l’Afrique va lui permettre de vivre un profond changement intérieur et un éveil à d’autres réalités et à de nouvelles valeurs de reconnaissance de l’autre dans sa différence.

Poudre d’Afrique est une initiation à l’Afrique, un apprentissage douloureux, destiné à aller au-delà des discriminations. Éva apprend à assumer ses choix, à revisiter ses croyances et à trouver de l’humanité profonde dans ce qui nous semble si aliénant sur cet obscur continent.

« Un jour, dans les temps anciens, à l’école coranique de Tombouctou, un jeune Touarègue apprenti philosophe posa à son maître la question suivante :

– Maître Imam, pensez-vous que nous vivons tous dans le même monde ?

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Commémoration des 75 ans du rejet de l’initiative Fonjallaz

Résumé: L’initiative Fonjallaz

Une demande d’initiative populaire, portant 56.000 signatures, a été déposée à la Chancellerie fédérale dans le dessein d’obtenir l’interdiction légale des soi-disant «sociétés secrètes» telles que FRANCS-MAÇONS, ODD FELLOWS, UNION, et sociétés similaires. Par un amas de mensonges, de calomnies et d’altérations de toute nature, les Fronts, les Ligues et certains milieux catholiques ont excité un grand nombre de citoyens à tel point que ceux-ci ont fini par apposer leur signature sur les listes. Là où ces manœuvres échouèrent, on eut recours aux épouses qui furent induites, sur la foi d’informations mensongères, à signer pour leurs maris, ce qui constitue naturellement un délit. Par des machinations de ce genre on est parvenu à réunir le nombre de signatures nécessaires et, maintenant, le peuple suisse va être appelé à faciliter la réalisation des projets des Fronts et Ligues en faisant la première brèche dans le droit d’association garanti par la Constitution.
Nous espérons fermement que le peuple saura reconnaître ses véritables ennemis et refusera de diffamer 10.000 citoyens suisses, auxquels, en toute justice, on ne saurait rien reprocher.
Le Conseil fédéral avait chargé le Département de Justice d’établir un rapport sur cette initiative. Celui-ci se livra à une enquête approfondie. Les trois associations incriminées lui avaient fourni spontanément leurs constitutions, statuts, listes de membres et règlements divers ainsi que tous leurs rituels et catéchismes. De même, elles lui ouvrirent entièrement leurs archives, car elles n’avaient rien à dissimuler, quand bien même elles n’avaient point jusqu’ici communiqué ces documents au grand public pour des raisons diverses et naturelles.
Le rapport du Département de Justice, que le Conseil fédéral approuva A L’UNANIMITÉ, aboutit d’ailleurs à la conclusion que, dans les trois associations incriminées, rien n’avait pu être trouvé qui puisse les faire considérer comme illicites ou dangereuses pour l’Etat. Leurs adversaires n’ONT, EN AUCUN CAS, PU APPORTER DE PREUVES DE LEURS. AFFIRMATIONS. Une modification de la Constitution est inutile parce que l’article 56, dans sa teneur actuelle, est suffisamment explicite pour permettre aux autorités d’inter- venir en cas de besoin.
Une nouvelle restriction du droit d’association ne saurait se justifier et constituerait un affaiblissement sensible de l’idée démocratique.
Le Conseil fédéral parvient ainsi à la conclusion qu’il n’y a pas lieu de procéder à une révision de la Constitution, telle que la demande l’initiative Fonjallaz, et propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple le rejet de cette initiative.
Le Conseil National et le Conseil des Etats ont tous deux nommé des commissions spéciales chargées d’étudier le rapport du Conseil fédéral. Celles-ci ont procédé à un examen approfondi de la question et décidé à l’unanimité de recommander le rejet de l’initiative. Enfin, les débats du Conseil National de décembre 1936 et juin 1937 ont abouti également à un vote négatif, le Conseil National ayant décidé à l’unanimité moins 2 voix (celle du conseiller national frontiste Tobler et celle du conseiller national Duttweiler) de recommander au peuple le rejet de l’initiative. Le Conseil des États a aussi pris position contre l’initiative Fonjallaz.


Document:

Initiative Fonjallaz Magazine Alpina 2012/12

Auteur: Dominique Freymond
75e anniversaire du refus de l’initiative Fonjallaz : une leçon de courage !

Le 28 novembre 1937, le peuple suisse rejetait l’initiative «Fonjallaz». Nous fêtons aujourd’hui le 75e anniversaire du rejet de l’initiative en faveur de l’interdiction des sociétés maçonniques. Durant la période troublée de l’entre-deux-guerres nos frères menèrent un combat courageux pour éviter la remise en cause de l’Alpina et pour défendre la liberté d’association.
Fils de Charles Fonjallaz et d’Emmy Margaretha Gelzer, Arthur Fonjallaz naît le 2 janvier 1875 à l’asile psychiatrique de Cery (Prilly) où sa mère est internée. Après ses études secondaires, il suit les cours de l’académie militaire de de Modène, où naît son italophilie. Rentré en Suisse en 1895, sa carrière militaire est rapide pendant qu’il effectue en parallèle des études de sciences sociales et politiques à Lausanne où il obtiendra un doctorat en 1922. Toutefois, en 1923, le colonel brigadier Arthur Fonjallaz démissionne, à la suite de divers conflits dans l’armée suisse, notamment l’affaire Estoppey-Bornand. De 1931 à 1933, chargé de cours à la section militaire de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, il mène parallèlement des affaires financières désastreuses. Politiquement, il adhère au parti des paysans, artisans et indépendants (1927-1932), puis évolue par étapes vers l’extrême-droite. En 1932, il milite à la Heimatwehr avant de fonder une année plus tard, à Rome et en grande pompe, la Fédération fasciste suisse. Condamné en février 1941 pour espionnage au bénéfice de l’Allemagne, le colonel Fonjallaz est emprisonné puis libéré sous condition en avril 1943.

Il mourra probablement d’une insuffisance cardiaque le 24 janvier 1944 à l’âge de 69 ans et sera modestement enseveli au cimetière de Saint Moritz.

Lancement de l’initiative et principaux arguments

Avec l’appui financier et politique de Benito Mussolini, Arthur Fonjallaz lance, avec sa Fédération fasciste suisse, une initiative fédérale qui propose un nouvel article 56 de la constitution fédérale avec la teneur suivante: «Les citoyens ont le droit de former des associations, pourvu qu’il n’y ait, dans le but de ces associations ou dans les moyens qu’elles emploient, rien d’illicite ou de dangereux pour l’Etat. Les lois cantonales statuent les mesures nécessaires à la répression des abus. Cependant les sociétés franc-maçonniques, les loges maçonniques et Odd Fellows, la société philanthropique Union et les associations affiliées ou similaires sont interdites en Suisse. Toute activité quelconque se rattachant directement ou indirectement à de semblables associations étrangères est également interdite sur le territoire suisse». Claude Cantini propose une explication sur les motivations du Colonel Fonjallaz. La récolte des signatures commence le 15 avril 1934. L’initiative est déposée le 31 octobre 1934 à la Chancellerie fédérale qui reconnaît formellement son aboutissement le 10 décembre 1934 avec 56 238 signatures valables sur 57 303.
Dans un tract encourageant à signer l’initiative, nous trouvons les arguments les plus fréquents : «On sent confusément les manœuvres occultes d’un pouvoir secret qui confisque l’Etat à son profit et fait litière de tout scrupule pour protéger des coupables, pour caser des gens incapables et des ambitieux dont le seul souci est de se servir aux dépends de la collectivité… La franc-maçonnerie travaille, sous le couvert d’une prétendue philanthropie, à l’asservissement général…Dans la grande masse, les Francs-Maçons sont évidemment des dupes, enrôlés par naïveté, par cupidité, mais ils obéissent à une redoutable hiérarchie… La franc-maçonnerie est l’arme secrète du piston !».

Soutiens politiques et ambiguïtés

Deux membres du Conseil national ont approuvé l’initiative dont naturellement le Dr Richard Tobler, chef du mouvement frontiste. Plus surprenant fut le soutien de Gottlieb Duttweiler, fondateur de l’Alliance des Indépendants et de la Migros. Voyant le risque que l’initiative soit refusée, il déposa le 8 juin 1937 la motion suivante: «Le Conseil fédéral est invité à déposer dans le plus bref délai un projet de loi ou d’article constitutionnel obligeant tout citoyen qui exerce ou postule une fonction publique à déclarer publiquement s’il appartient à une société secrète (loge maçonnique ou société analogue». Elle fut refusée par 63 voix contre 40. Le Conseiller fédéral Jean-Marie Musy, fribourgeois et PDC, joua un rôle ambigu. Il démissionne le 23 mars 1934 du Conseil fédéral. «Aussitôt certains le voient comme la victime d’un complot franc-maçon. Le pense-t-il également ? C’est possible car, dès cette époque, il se place plus nettement dans le camp des adversaires de la franc-maçonnerie», note Daniel Sebastiani dans sa thèse de doctorat sur J.-M. Musy. Quant à Arthur Fonjallaz apprenant sa démission, il lui tresse sur le champ une couronne de laurier.
De juin 1931 à août 1935, le Duce n’accordera pas moins de dix-huit audiences au fondateur du fascisme vaudois. Au total, depuis octobre 1932, Fonjallaz reçu du ministère des Affaires étrangères la somme colossale de 2 260 000 lires, soit environ 610 000 francs de l’époque, une des plus grosses subventions accordées par le Duce à des mouvements fascistes à l’étranger. En 1936 Rome cessa finalement d’apporter son aide parce qu’il était devenu évident que son mouvement n’avait pas obtenu de résultats concrets, et avait parfois même contribué à accentuer l’opposition contre le fascisme italien en Suisse».

Les défenseurs de la liberté d’association

L’écrivain bernois C.A. Loosli publia en 1935 son rapport officiel d’expert pour le Tribunal de Berne concernant le procès des «Protocoles de Sion». Selon lui, il n’y a que deux points de vue à faire valoir :

1) L’initiative trouble les notions de droit commun et de justice les plus élémentaires et les plus généralement reconnues, en abolissant les garanties constitutionnelle sur un point de droit essentiel, le droit d’association, et, implicitement, la liberté de foi et de conscience ; 2) elle établit à la place des garanties constitutionnelles et légales l’arbitraire despotique et illégal, ce qui reviendrait à l’abolition pure et simple du régime démocratique en Suisse. Donc : «Jeter le trouble dans l’opinion publique, semer la zizanie entre Confédérés, afin de pêcher en eau trouble, fomenter des discordes intérieures, afin de ruiner la constitution démocratique et républicaine au profit d’une dictature omnipotente de la tourbe fasciste et nationale-socialiste, voilà en dernière analyse le but de l’initiative Fonjallaz». Après une analyse détaillées et documentées de la franc-maçonnerie, il conclut : «Bon gré, mal gré, nous sommes obligés de nous rendre à l’évidence que la franc-maçonnerie, du simple fait qu’elle existe, soit qu’elle agisse, soit qu’elle demeure passive, représente l’un des postes les plus avancés de la défense des droits de l’homme et du citoyen et, de ce fait, de la liberté de foi et de conscience, du libre examen – donc de la démocratie dans l’acceptation la plus haute et la plus large du terme».

Positions du Conseil fédéral et des Chambres

Dans son rapport du 4 septembre 1936, le Conseil fédéral à l’unanimité aboutit à la conclusion que «rien n‘établit que la franc-maçonnerie et les autres sociétés nommément énumérées ou indirectement désignées par l’initiative soient illicites, dangereuses pour l’Etat ou contraires aux mœurs. En tout cas, l’abondante documentation que nous avons pu obtenir ne nous a pas apporté une preuve positive du contraire. De leur côté, les auteurs de l’initiative ne l’ont pas fournie non plus». Le Conseil national, après ses débats en décembre 1936 et juin 1937 a décidé à l’unanimité moins 2 voix de recommander au peuple le rejet de l’initiative. Le Conseil des Etats a pris la même position. Résultats du vote du 28 novembre 1937: l’initiative est rejetée par 515 327 non contre 234 980 oui avec un taux de participation de 64,5%. Seul le canton de Fribourg l’accepte avec 53 % de oui (participation de 43%) en raison de « l’influence du corporatisme, la présence de l’université catholique et la croisade antimaçonnique traditionnelle.», souligne l’historien fribourgeois Georges Andrey.
Conséquences de l’initiative : tentative de mise en sommeil de la GLSA. Malgré le vote clair en faveur de la liberté d’association, Alpina subira des conséquences négatives. Edmond Jomini dans son rapport en 1944 sur les loges vaudoises écrira : «Le Comité Directeur a répondu par un Non possumus net et catégorique aux tentatives de mise en sommeil de notre Grande Loge Suisse Alpina, exercée sous la contrainte d’événements politiques et militaires extérieurs à notre Patrie».

Par ailleurs, les coûts de la campagne contre l’initiative Fonjallaz ont été importants : 350 000.- francs de l’époque uniquement pour Alpina, soit environ 1 000.- par membre.

Message du Comité Directeur de l’Alpina

À l’issue de la votation, le Comité Directeur de l’Alpina publia le message suivant : «Le Comité Directeur tient à exprimer sa gratitude à tous les membres de la Grande Loge qui ont pris une part active à la lutte pour la défense de nos libertés (…) Au peuple suisse et à ses gouvernants, nous devons une profonde reconnaissance d’avoir prouvé une fois de plus, par le rejet imposant de l’initiative Fonjallaz, son inébranlable volonté de conserver intactes ses libertés fondamentales.
Cette reconnaissance envers le peuple et la patrie, d’autre part, implique l’obligation d’un accomplissement toujours plus consciencieux de notre devoir en Loge et au dehors, par l’élévation du niveau spirituel et intellectuel de nos travaux, par une prudence redoublée pour les admissions et par un contact plus étroit avec nos concitoyens, afin que nous méritions le vote de confiance prononcé par le peuple suisse le 28 novembre 1937».

Perte substantielle des effectifs

Rappelons qu’en 1935, selon C.A. Loosli, il y avait 8 920 loges maçonniques en Europe. En 1936, le Conseil fédéral estime à environ 5 000 les membres de la franc-maçonnerie suisse, dont 4 200 répartis dans 41 loges bleues, 450 au REAA, 150 au RER et environ 200 dans les loges mixtes. Alpina annonce officiellement 3 687 membres. Il n’y avait aucun franc-maçon au Conseil fédéral et à peu près une demi-douzaine dans l’Assemblée fédérale. L’épreuve laissa des traces comme l’explique Michel Cugnet : «Cette campagne antimaçonnique et les premières victoires de l’Axe Rome-Berlin laissèrent néanmoins de nombreuses cicatrices à la Maçonnerie suisse, qui vit de nombreux frères, en bute aux pressions extérieures, obligés de démissionner des Loges pour épargner autant leur vie familiale que leur vie professionnelle !». Après la Deuxième Guerre mondiale la maçonnerie suisse avait perdu la moitié de ses effectifs en tombant à quelque 2 500 adhérents en 1945.
En conclusion saluons leur courage de nos frères. Rendons hommage à nos frères qui se sont battus pour défendre nos valeurs, la liberté d’association, la liberté d’expression et les autres valeurs liées à la démocratie. «Le courage n’est pas l’absence de peur mais la conviction que l’objectif final est plus important que la peur». Ne jugeons pas les frères qui devaient pour des raisons personnelles se mettre en retrait, voire en sommeil. Chacun est seul juge de son attitude et de sa décision. Restons attentifs et vigilants. N’oublions pas les événements graves qui ont amené la Deuxième Guerre mondiale avec toutes ses conséquences. Cultivons ces souvenirs, non par nostalgie, mais pour demeurer vigilant et être capable d’agir à temps si les circonstances l’exigent. La franc-maçonnerie, de par ses caractéristiques intrinsèques, ne peut pas éviter d’avoir des détracteurs, des opposants et des ennemis. La liberté et la démocratie ne sont pas des acquis. Tout peut rapidement basculer. À nous de rester attentif et soyons prêt à agir directement, publiquement ou en arrière-plan, si les circonstances l’exigent et si nous le pouvons. Gardons confiance dans la force du mouvement maçonnique, son histoire, ses valeurs et ses rituels pour maintenir sa capacité à poursuivre ce combat pour la liberté et la démocratie dans le futur, quelles que soient les circonstances.


Dominique Freymond – loge Liberté, Lausanne

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Yvette MATTA

Yvette MATTA

Yvette MATTA, musicienne, voue sa vie au service des Muses. Encore écolière, mais déjà engagée dans le ballet du Grand-Théâtre, elle poursuit ses études de piano et chant au Conservatoire de notre ville et en privé. 
Elle obtient en Suisse, le premier prix de chant du Concours des Jeunesses Musicales , le prix Maurice SANDOZ et, en Autriche, pour l’opéra, le prix de virtuosité de l’Académie de Musique de Vienne. 
Elle a brillé sur les scènes autrichiennes, à Linz, Salzbourg et Vienne dans les rôles, entre autres, de Despina (Cosi fan tutte), Blondchen(Enlèvement au sérail), la Reine de la nuit (Flûte enchantée). 
Egalement plusieurs récitals et concerts. 
Remarquable conférencière, Yvette MATTA présente avec grand succès, depuis une dizaine d’années, des exposés sur divers compositeurs, en ayant soin d’y inclure des extraits musicaux. 
Voici quelques titres :

  • « Un Génie universellement reconnu ou MOZART dans son intimité » 
  • « La grande Influence de la Musique sur les moeurs et les courants de pensée » 
  • « ROUSSEAU, Génial musicologue et provocateur avisé parmi les musiciens de son temps » 
  • « VERDI, Flamme du génie, Flamme d’Italie »

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Jeremy Lack

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Jeremy Lack est un avocat indépendant, spécialisé dans la résolution de conflits, la propriété intellectuelle, les questions relatives au droit des sociétés ainsi qu’à la gouvernance.  Il est membre du comité d’experts de JAMS International et un médiateur certifié de l’Institut International de la Médiation (IMI) et. 
Il est également conseiller juridique de l’étude Pearl Cohen Zedek Latzer LLP à New York, Barrister anglais auprès de Quadrant Chambers à Londres ; et il enseigne à l’Ecole Polytechnique de Lausanne et à l’Université de Genève (Haute Ecole de Commerce). 
Jeremy Lack est le co-fondateur de Medabiotech, société de création de PME dans le secteur des Sciences de la Vie , qui a créé plus d’une douzaine de start-up dans ce secteur. Me Lack est avocat diplômé en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis (New York et USPTO) et inscrit au barreau de Genève en qualité d’avocat étranger. 
Après avoir obtenu son Baccalauréat International à l’Ecolint (LGB) en 1984, il a étudié le droit et les sciences physiologiques à Lincoln College, Oxford, et a obtenu des diplômes en droit européen de la concurrence et en droit comparatif de droits d’auteur au King's College à Londres. Il a vécu et travaillé en France, en Angleterre et aux Etats-Unis.

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Résumé

Nous proposons d’appeler « éthiques » les principes de comportement qu’une société adopte démocratiquement après les avoir estimés bons pour elle, et nous nommerons « morales » les normes de bonne conduite imposées à une société au nom d’un pouvoir transcendants (Omnis potestas a Deo – Ep. Rom. XIII, 1-7).

« La morale commande – l’éthique recommande »

Alain Etchegoyen, « La valse des Éthique

La dignité de la personne ne peut se conjuguer avec aucune des ségrégations ou exclusions envisagées par les théories racistes.

C’est ainsi qu’une nouvelle définition de la personne commande tout d’abord :

  • Un respect fondamental pour les personnes de toutes les origines ethniques, en rejetant tout racisme manifesté ou rampant.
  • L’instauration de l’égalité des deux sexes sans dérobades dans des arguties retardatrices. Il n’y a pas une sous-humanité de « féminitude ».
  • Le respect des handicapés, des naufragés sociaux, des diminués par vieillesse ou maladie, des condamnés, des prisonniers et même le respect des personnes qui sont mortes.
  • La dignité de la personne exige la mise hors-la-loi de la torture.
  • Le contrat social doit exiger que la vie de tout humain soit considérée comme sacrée. Cela signifie qu’un châtiment ne devrait jamais prévaloir sur le respect de la vie, même lorsqu’il faut sanctionner l’individu le plus criminel.
  • La peine de mort – encore légale dans de nombreux pays – est une source d’injustices irréparables et une négation ignominieuse de l’inviolabilité de la personne. Finalement, sauf à se profaner dans la barbarie totalitaire ou se laisser réifier par une économie de marché effrénée, l’humanité sera bien obligée de fonder, sur le seul respect d’elle-même, une motivation de la sauvegarde absolue des personnes.


Mais hormis la défense de la dignité et du droit à la vie pour toute personne constituée, il serait hypocrite de prétendre analyser ces valeurs fondamentales sans spécifier aussi les libertés qui leur sont intimement associées :

  • La liberté de vivre de toute personne devrait nécessairement comporter l’accès aux soins médicaux préventifs et curatifs ainsi qu’une demeure décente.
  • La liberté pour toute personne de ne subir aucune mutilation organique ou mentale ou limitant sa vie sexuelle et sa liberté de procréation ou de non procréation sans nuisances pour autrui.
  • La liberté de l’esprit – ce qui exclut l’information tendancieuse ou truquée, la rumeur meurtrière et l’endoctrinement sectaire.
  • La liberté de la croyance mais aussi de la non-croyance, y compris dans les pays où existe une religion d’état. Cela signifie qu’aucune personne ne devrait plus être méprisée, rejetée ou condamnée pour des raisons religieuses.
  • Enfin, la liberté de s’exprimer par la parole, par l’écrit et l’audiovisuel.


La Maçonnerie évolutive veut être un centre de l’union que tout humain de bonne volonté – quelles que soient ses croyances personnelles – est invité à rejoindre.
L’éthique maçonnique ne se borne pas à favoriser la réflexion littéraire ou philosophique sur le symbolisme, mais elle propose d’intégrer des éléments de sagesse dans la pratique quotidienne des personnes et des sociétés humaines.


Chantiers et documentation

1.- La franc-maçonnerie a-t-elle encore un sens au 21e siècle?

En 40 ans, la franc-maçonnerie a perdu presque 50% de ses adhérents aux États-Unis.

En France et ailleurs en Europe le nombre de francs-maçons augmente, mais les dissensions de toute sorte sont fréquentes.Elles contrecarrent les raisons de notre adhésion à ce mouvement. L’influence de la franc-maçonnerie sur la société a régressé partout. N’est-ce pas le moment pour réfléchir sur le sens et le rôle de la Franc-Maçonnerie au 21ème siècle et redémarrer sur d’autres bases?

Introduction

La franc-maçonnerie est un mouvement initiatique que certains confondent avec une religion, d’autres avec un mouvement politique, une occasion de se réunir entre amis pour philosopher, ou bien un organisme de bienfaisance. Enfin, pour de nombreux maçons il s’agit principalement, sinon uniquement, d’un système de moralité à la fois voilé et explicité par des allégories et illustré par des symboles. Toutes ces démarches sont respectables et correspondent en partie au rôle de la franc-maçonnerie, mais elle n’a pas été créée uniquement ou principalement pour elles.

  • Si la franc-maçonnerie s’identifie à une assemblée de croyants, elle cesse d’être unique et irremplaçable.
  • Quand elle tente de jouer le rôle de parti politique ou de syndicat, elle n’accomplit pas non plus sa tâche spécifique. Par ailleurs, elle ne dispose pas d’outils appropriés pour être vraiment efficace dans ces domaines.
  • Ses règles de fonctionnement n’en font pas non plus le meilleur club de débats.
  • En se limitant à la bienfaisance, elle est surpassée par les ONG et autres sociétés caritatives.
  • La « haute valeur morale » étant la condition d’admission en maçonnerie, on peut concevoir que le travail en loge sert à la développer, mais la Constitution d’Anderson,fondatrice, lui assigne encore d’autres tâches.
  • Quant à certaines loges, transformées en instrument de promotion d’intérêts personnels, elles trahissent la franc-maçonnerie.

Certes, la franc-maçonnerie offre à ses adhérents une dimension spirituelle et morale, mais elle n’est pas nécessairement religieuse. Elle les incite à s’impliquer davantage dans la cité, mais ne se substitue pas pour autant aux partis, syndicats, associations, ni à l’université. Enfin, elle ne doit pas être un groupement d’intérêts. Ces confusions réduisent l’impact de la franc-maçonnerie et il n’est pas surprenant que depuis 40 ans elle ait perdu presque la moitié de ses effectifs, notamment aux Etats-Unis.

Cependant, la diminution de son attractivité n’est pas due uniquement à de telles erreurs d’entendement, pas plus qu’à la prétendue baisse d’intérêt des sociétés occidentales pour la spiritualité. Si cette baisse était réelle, les « sectes » et autres nouveaux chemins vers la transcendance ne fleuriraient pas autant, en particulier aux USA.

Il ne faut pas oublier que presque depuis la naissance de la franc-maçonnerie moderne, en 1723, les tenants de pensées centralisatrices et autoritaires expriment leur hostilité, parfois la haine, de sa nature humaniste, égalitaire et de sa liberté d’esprit. La premièreBulle papale date de 1738… Elle a été suivie par plus de deux siècles de calomnies et de tentatives de déstabiliser la franc-maçonnerie qui ont brouillé encore davantage son image. En Europe, les attaques et la persécution des francs-maçons par les nazis et les communistes du bloc soviétique sont dans toutes les mémoires.

Il n’est donc pas étonnant que les non-initiés, et parfois les francs-maçons eux-mêmes ne comprennent plus bien le sens profond et le rôle spécifique de ce mouvement.

La franc-maçonnerie moderne invite ses membres à faire un travail sur eux-mêmes et à assumer vis à vis de l’humanité des devoirs qu’aucune autre organisation ne prend en compte. Elle leur offre une méthode initiatique particulière. Toutefois, pour savoir si la franc-maçonnerie a encore un sens au 21e siècle, il faut revenir à ses fondamentaux.

XVe – XVIIIe siècles: époque charnière de l’histoire occidentale

Pour saisir le sens de la franc-maçonnerie dans le monde actuel il faut d’abord se rappeler les circonstances de sa naissance il y a trois siècles.

La franc-maçonnerie moderne a surgi à un moment de basculement de civilisation européenne où quatre loges de Londres ont considéré utile, et même nécessaire, de se fédérer et de doter l’initiation maçonnique traditionnelle d’un contenu réactualisé.

  • A la Renaissance, au XVe et XVIe siècles, l’Europe a redécouvert la puissante culture antique gréco-romaine.
  • Le saut technologique des transports maritimes permet de relier les continents et de découvrir de nouveaux territoires. En même temps, les échanges en Europe se développent grâce aux relais postaux, créés au XVe siècle pour les courriers administratifs et militaires, puis ouverts aux privés. L’invention de l’imprimerie les a enrichis.
  • Parallèlement, de nombreuses sciences connaissent un développement radical et de nouvelles disciplines naissent. La recherche s’affranchit d’un bon nombre de préjugés,  ses méthodes deviennent plus fiables, ses résultats vérifiables.
  • Toutes ces avancées approfondissent la connaissance de la plupart des civilisations du monde, passées et présentes, et posent les prémices d’une meilleure compréhension entre les individus et les sociétés éloignées.

L’acquisition de ces savoirs a abouti, entre autres, à la création de l’Encyclopédie.

Cette richesse d’informations et d’expériences, à la fois personnelles et collectives, sans équivalent jusqu’alors, rendait possible un bond dans l’étude de l’homme, de sa place dans l’univers et de l’univers lui-même. Elle posait les fondements d’une nouvelle étape du développement de l’humanité.

Naissance d’une civilisation planétaire

Divisés jusque-là en familles, clans, tribus, villages, pays et divers autres groupements, limités dans le temps et l’espace, les humains ont commencé à se percevoir comme parties prenantes d’entités planétaires durables, économiques, politiques et culturelles. Cela n’a pas dissout les sous-ensembles précités, mais a fait comprendre que les hommes et les femmes étaient aussi des parcelles de l’humanité, sorte d’organisme composé de tous les humains. Ce nouveau concept de l’humanité qui s’inscrit peu à peu dans la réalité « palpable », a abouti, au XVIIIe siècle à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au XIXe siècle à la Déclaration universelle des droits de l’homme qui place ce dernier sous la protection de l’ensemble de la communauté, puis au XXe siècle à la création de tribunaux supra-nationaux jugeant les « crimes contre l’Humanité ». Quelle sera la prochaine expression de cette philosophie?

Méthodes de création d’une civilisation planétaire

La formation d’une entité planétaire peut s’effectuer soit par la domination d’un pays ou d’une civilisation sur les autres, soit par la construction d’une humanité multiculturelle, basée sur le respect des différences. La première méthode existe et se perpétue depuis la nuit des temps au niveau des clans, pays, religions. La deuxième est utilisée moins souvent.

Les auteurs de la Constitution d’Anderson semblent avoir été convaincus que la mise en commun du potentiel de l’humanité dans sa diversité pourrait être la condition indispensable de réussite de la « mondialisation » qui s’annonçait.

Comment l’ont-ils exprimé ? De quelle manière leur héritage peut-il contribuer au succès de la construction pacifique d’une civilisation planétaire multiculturelle?

Les fondateurs de la franc-maçonnerie moderne faisaient partie des penseurs les plus éclairés de leur temps. Plusieurs appartenaient à l‘Académie Royale de Londres. Scientifiques et philosophes, ils évoluaient parallèlement au mouvement des Lumières en France. Ils avaient l’intuition, et sans doute  aussi les moyens de comprendre rationnellement, l’esprit de leur époque et de le traduire en action. C’est à peu près comme si au XXe siècle la méthode initiatique aurait été repensée par Einstein, Bergson, Freud, Marie Curie, Ghandi et quelques autres de leurs pairs…

Pour faire saisir la merveilleuse richesse des savoirs, accumulés par les générations précédentes, au plus grand nombre de leurs contemporains et de leurs successeurs, ils les ont rassemblés sous forme de rituels et de symboles, régis par les règles spécifiques d’un système initiatique. Ils n’ont pas traité ces connaissances, opinions et pratiques du point de vue historique. Ils ne les ont pas non plus exposés sous forme logique, mais représentés par des images faciles à mémoriser. A  la différence de « vraies » encyclopédies, les symboles et rituels maçonniques ne décrivent pas les connaissances, ils se contentent de les évoquer et de dessiner les liens qui les unissent par-dessus les civilisations. En plus, ces rituels et symboles contiennent le mode d’emploi orientant l’utilisation de tous ces savoirs vers la création d’une « humanité nouvelle ».

L’origine des symboles, rites et rituels maçonniques est étonnamment disparate.

A première vue, mélanger les cultures égyptienne, grecque et romaine, les religions juive et chrétienne, les procédés initiatiques des alchimistes et des templiers, réunir dans un même ensemble des francs-maçons « opératifs » et « spéculatifs », risquait d’aboutir à un kaléidoscope de contradictions. Nos savants prédécesseurs auraient certainement été en mesure d’élaborer un système cohérent sans recourir à ces mélanges, sans anachronismes et contresens apparents. Pourquoi alors, à leurs yeux, pouvait-il paraître nécessaire de nous transmettre leur vision du monde par une telle méthode qui nécessite l’acquisition d’une grille de lecture permettant d’attribuer aux symboles des valeurs en fonction du contexte de leur utilisation ?

La réponse à ces questions se trouve dans la pratique maçonnique. Ce qui précède semble très compliqué, mais dans les temples l’initiation fonctionne sans que l’on soit nécessairement conscient de tous les tenants et aboutissants.

La franc-maçonnerie moderne est une sorte d' »encyclopédie universelle condensée ».

Pour « décompresser » ces savoirs, ses adeptes doivent fournir un intense effort. Le but n’est  pas d’acquérir l’ensemble des connaissances contenues dans les rituels et symboles, chacun acquière les informations qui trouvent un écho dans ses propres connaissances et expériences. Cependant, l’immersion dans l’atmosphère des loges favorise l’étude des idées les plus variées, souvent très éloignées de ce que les francs-maçons rencontrent dans leur vie de tous les jours. Ainsi apprennent-ils assez vite à déchiffrer les symboles, à écouter les opinions les plus contradictoires et à tolérer même celles qui s’opposent à leurs convictions. Il ne s’agit pas de les accepter passivement, pas plus que de renoncer à sa propre personnalité, bien au contraire. Les échanges qui s’ensuivent sont un bon entrainement à étayer ses propres pensées, et aussi à les exposer clairement, sans pour autant tenter de les imposer aux autres. Cet élargissement de l’horizon développe l’imagination. Par extension, l’initiation maçonnique fait comprendre que tout sur la terre est lié, au point d’être interdépendant.

Les fondateurs de la franc-maçonnerie moderne étaient écologistes avant l’heure.

Tolérance, liberté d’esprit, fraternité

Les membres des quatre loges de Londres étaient tous des fidèles sujets de sa Majesté et des bons croyants protestants mais, pour les raisons déjà exposées, ils ressentaient le besoin d’une liberté absolue de conscience. L’article premier de laConstitution d’Anderson qu’ils ont rédigée exprime clairement cette exigence:

« Un maçon est obligé, selon son Ordre, d’obéir à la loi morale et s’il entend bien l’art, il ne sera jamais un athée stupide ni un profane libertin. Quoique dans le vieux temps les maçons fussent obligés d’être de la religion de chaque pays où ils étaient, cependant on juge maintenant qu’il est plus convenable de les obliger seulement à être de la religion dont tous les honnêtes gens conviennent, en gardant leurs opinions particulières pour eux-mêmes: c’est à dire être des hommes vrais et bons, ou hommes d’honneur et d’honnêteté, peu importe par quel nom ou conviction ils peuvent être distingués; ainsi la maçonnerie devient-elle le Centre de l’Union et le moyen d’établir une étroite et solide amitié parmi des personnes qui auraient dû être à jamais maintenus à distance. »

« …  être de la religion dont tous les honnêtes gens conviennent » ne fait évidemment référence à aucune église ni foi métaphysique car aucune n’est commune à tous. Les fondateurs de la franc-maçonnerie moderne pensaient à la morale « des hommes vrais et bons, ou hommes d’honneur et d’honnêteté », qu’ils espéraient universelle. Elle semble exister, fondée à la fois sur l’instinct de survie et les exigences de la vie en commun. Elle incite, au moins dans les conditions de vie « normales », à la coopération et interdit de nuire aux autres.

Pour rendre « palpables » les liens unissant tous les humains et  »rassembler ce qui est épars », ils ont forgé la notion de « fraternité universelle ». Ils voulaient que les francs-maçons soient le point de départ et le centre de l’union de cette nouvelle humanité.

Ces hommes étaient vraiment admirables. Considérer, après tant de guerres interminables, tous les humains comme frères et vouloir dialoguer avec eux sans préjugés était une idée bouleversante.

Certes, de nombreuses religions sont fondées sur l’idée de fraternité, mais elle diffère en plusieurs points de la fraternité des francs-maçons:

  • La fraternité religieuse est toujours « verticale » car elle relie les humains en tant qu’enfants d’un être supérieur, leur Père.
  • Être issus tous du même père tout puissant est rassurant.
  • La fraternité qui en résulte est fondée sur la soumission à ce père, voire à ceux qui le représentent.
  • Elle est synonyme de l’amour qui, à l’instar des familles de sang, devrait régner entre les membres des églises.
  • Pour les religions la fraternité se limite presque toujours à leurs adeptes et à eux seuls.
  • Certaines églises ont tenté d’imposer leur croyance même aux non-croyants par le feu et l’épée, moyens pas vraiment appropriés pour répandre fraternité et amour…
  • La fraternité maçonnique est « horizontale ». Elle résulte d’une décision individuelle de percevoir les autres comme ses frères et d’être reconnu à son tour comme leur frère.
  • A priori, l’homme se méfie de tous ceux qui diffèrent de lui. Considérer par un choix volontaire,  directement, sans intermédiaire, les autres, tous les autres, comme frèresdemande un grand effort. La « méthode maçonnique » prépare les « initiés » à le fournir et leur offre les outils nécessaires.
  • La fraternité qui en résulte est fondée sur la liberté.
  • Plus que l’amour, elle exprime un lien. Il s’agit de comprendre et de ressentir à quel point les humains sont interdépendants à la fois entre eux et avec tout ce qui les entoure. Le caractère viscéral de ce lien pouvait être supposé depuis longtemps, grâce à l’observation de la nature en général et celle des foetus humains aux différents stades de leur évolution. Au XIXe siècle, ce lien a été prouvé par la théorie de l’évolution des espèces de Darwin, puis re-confirmé encore plus fermement un siècle plus tard par l’écologie.
  • Les observations scientifiques actuelles prouvent que la diversité est la condition indispensable du développement et du maintien de la vie sur la terre. Les fondateurs de la franc-maçonnerie moderne ont eu l’intuition de l’importance vitale de la diversité. Leur concept de la « fraternité universelle » enseigne la compréhension de toutes les visions du monde et, compte-tenu de ce qui précède sur l’évolution, le respect de toutes les formes de vie.
  • Les francs-maçons n’ont jamais voulu imposer par force l’adhésion à leur mouvement. Tous « les honnêtes gens » devraient en faire partie, toutefois cela ne dépend que de leurs libre-arbitre.

La fraternité religieuse et la fraternité maçonnique ne s’excluent pas, elles jouent chacune un autre rôle.

L’homme doit être capable d’être à la fois indépendant et de savoir se soumettre. Son indépendance d’esprit l’aide à apprendre, à comprendre, à développer un regard critique. Par contre, son interdépendance avec les autres, donc la nécessité de vivre en société, l’oblige parfois à obéir. La société lui permet de survivre et également de confronter son savoir avec celui des autres, de vérifier sa pertinence, de l’enrichir et de le rendre utile. Enfin, sa double nature d’individu et de parcelle de divers ensembles l’aide à choisir entre opinions et intérêts (le sien et celui de la collectivité) parfois opposés, puis d’agir en fonction de ce choix. Ces qualités contradictoires et complémentaires, apparemment inconciliables, peuvent coexister en alternance.

Exigence morale

La franc-maçonnerie est une vision du monde, une méthode initiatique d’apprentissage et une exigence morale. Ses concepteurs étaient conscients que, pour arriver à bon port, leur projet devait être fondé sur des « valeurs » et encadré par elles.

Les valeurs de la franc-maçonnerie moderne sont issues de la morale profane et religieuse, notamment protestante, de l’Angleterre du XVIIe et XVIIIe siècles. Elles ont été enrichies par d’autres apports. Bons sujets de sa Majesté et, pour la plupart, croyants fidèles, nos ancêtres ont été sûrs du bien-fondé de leurs convictions, mais ont été capables de relativiser leurs opinions. Ils admettaient que la franc-maçonnerie pouvait évoluer, se transformer et se diversifier suivant les pays. Ils savaient que si le « point ferme » d’Archimède était indispensable pour faire « bouger la terre », il pouvait être situé à divers endroits.

Si elle est maniée correctement, la méthode maçonnique exclue tout dogmatisme. Au contraire, dès ses origines la franc-maçonnerie moderne est vouée à la diversification car chaque maçon, chaque loge, obédience et pays déchiffrent son contenu en fonction de leurs cultures personnelles et collectives. La Constitution d’Anderson prône le respect et la tolérance. L’une des clefs  de ce système se trouve dans le symbole du « pavé mosaïque »…

Conclusion

Commencée à la Renaissance, accentuée au XVIIe siècle, confirmée au XVIIIe, l’unification du monde se poursuit jusqu’à aujourd’hui et continuera demain. Aujourd’hui les États hésitent entre la conquête et l’association. Ils tentent de collaborer pacifiquement, mais  s’arment au point de pouvoir détruire l’humanité entière. Certains pensent être en mesure d’imposer leur domination par intimidation, sans arriver à l’extrémité d’une guerre mondiale, mais ils marchent sur la corde raide, risquant de précipiter dans l’abîme avec eux toute l´humanité.

Cet armement à outrance relève de la folie. Même si une superpuissance arrivait à s’accaparer du monde, les problèmes posés par la construction d’une civilisation planétaire sont tellement complexes qu’un État ou un petit groupe d’États, aussi puissant soit-il, ne peut pas les maîtriser. L’exemple de nombreux très grands empires prouve que, mus par une seule vision, ils ont été voués à la destruction. La difficulté ne consiste pas uniquement dans la quantité de données « objectives » à prendre en compte, mais dans l’incroyable diversité des humains qui leur permet de s’adapter et de survivre dans  pratiquement n’importe quelles conditions. Elle résonne avec l’instinct vital de notre espèce et c’est aussi pour cette raison que chaque groupe défend sa particularité avec énergie.

L’initiation maçonnique ouvre l’esprit à la diversité, à la tolérance, au respect et à l’amour des autres. Elle nous permet de nous débarrasser de nos préjugés et d’imaginer une profonde réorganisation de nos modes de vie dont nous sommes prisonniers. Ainsi, la franc-maçonnerie moderne est-elle l’amorce d’une nouvelle civilisation.

Si pour la survie de l’humanité la diversité des cultures est aussi importante que la bio-diversité, alors la franc-maçonnerie est toujours d’actualité. En sommes-nous suffisamment conscients? Sommes-nous dignes de cet héritage? N’a-t-il pas été dilapidé ou trahi?

Source: http://www.franc-maconnerie-moderne.com


2.- LA FM, laboratoire de l’idée européenne

https://www.canal-u.tv/video/universite_de_nice_sophia_antipolis/embed.1/la_franc_maconnerie_laboratoire_de_l_idee_europeenne.8186?width=100%&height=100%


3.- Éthique maçonnique

Voici un extrait d’une planche intitulée « L’éthique maçonnique. Le Franc-Maçon entre le doute et la certitude » sur l’éthique en général et l’éthique maçonnique en particulier.
Source: Grand Orient de Luxembourg / Curitiba-2002

…… Et nous en arrivons à l’éthique.

C’est par la méditation, la discussion avec les autres, la réflexion que le doute se transforme lentement en certitude et que la certitude devient vérité, devient éthique. Comme Jacques Monod, je dirai donc que l’éthique, c’est la quête incessante de la vérité.
Le terme  » éthique  » est utilisé à tout bout de champ : il y a l’éthique professionnelle, l’éthique de l’environnement, l’éthique militaire, l’éthique de l’information, la bio-éthique, l’éthique sociale, l’éthique commerciale, l’éthique de l’économie, l’éthique maçonnique etc. Ce terme est sans cesse confondu avec ceux de loi, de règlement, de principe, d’interdit fixant des droits et des devoirs.
Il nous faut donc retourner à la source de toute éthique dans la pensée humaine ; la philosophie.

L’éthique implique une réflexion critique sue les comportements. L’éthique est la partie de la philosophie qui étudie les fondements de la morale.
En pratique, la morale ou les morales concernent des valeurs, des principes, des règles, des normes régissant nos comportements.
L’éthique appliquée est ce qu’il convient de faire pour tendre vers le bien dans un champ d’application particulier. Il s’agit d’une démarche individuelle ou de groupe tenant compte et influencée par notre culture, notre religion, les obligations légales, les pratiques sociales de notre communauté et les pratiques institutionnelles, nos règles déontologiques.
Citons  » Ethique et valeurs  » de Suzanne RAMEIX : l’éthique n’est ni une science, ni une technique, ni un système de règles institutionnelles comme le droit ou la déontologie. Pourtant elle est bien l’objet d’un travail rationnel sur les valeurs. (Fin de citation).

Partons rapidement à la recherche de quelques-unes de nos valeurs de notre horizon normatif commun dans notre civilisation.
Citons pour cela quelques extraits de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 :
 » Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, sans distinction aucune notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique, etc. Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants. Chacun à la droit à la reconnaissance  en tout lieu de sa personnalité juridique. Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ni d’atteinte à son honneur et à sa réputation. Toute personne à droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. « 

Aborder l’éthique, aborder les fondements de la morale :
C’est interroger nos connaissances des choses et des hommes en utilisant nos facultés de jugement et de discernement, faire la différence entre ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, entre ce qui est bien et ce qui est mal.
C’est entrer dans le monde de l’action et s’interroger sur ce que nous pouvons faire ou ne pas faire.
C’est entrer dans un espace intérieur, dans notre propre exigence de vérité qui nous fait tâtonner, chercher à comparer et à comprendre.
L’éthique est donc à la croisée de trois domaines :

  • Notre besoin de comprendre une situation ;
  • Notre pouvoir d’agir sur cette situation ;
  • Et notre propre exigence de vérité.

La dimension éthique ou morale est une des spécificités de l’espèce humaine. Les religions ainsi que les philosophies ne s’y sont pas trompées. Etrangement le mot « éthique » est aujourd’hui accepté dans le discours, alors que le terme « moral » est souvent rejeté au nom d’une connotation vaguement religieuse ou bien pensante. Ce sont pourtant deux termes qui étymologiquement sont dérivés de la même idée.
« Ethique » vient du grec « ethos » et « morale » vient du latin « mores » qui tous deux signifient ce qui a rapport aux mœurs, aux comportements humains, à la façon de vivre.

Cela ne nous explique pas la différence entre morale et éthique. Quelle est cette différence ?
La morale se fonde sur la notion de bien et de mal « en soi », c’est à dire : est bien ce qui a été reconnu comme étant bien par la collectivité.
L’éthique se rapporte d’avantage à ce qui peut être bon ou mauvais « pour soi ». Ici la priorité est donné à ce que la personne considère comme étant bon ou mauvais pour elle même.
La morale nous aide à répondre à la question « que dois-je faire ».
L’éthique cherche la réponse à « comment dois-je vivre ».
La morale tend à promouvoir la vertu.  L’éthique tend à favoriser le bonheur. La morale tient pour idéal le bien-être.


L’éthique tient pour but ultime la sagesse.
Pour en finir, je dirai ceci :
L’éthique est universelle. Elle s’énonce donc au singulier. Elle a une visée réflexive et propose un comportement personnel selon la conscience de chacun. L’éthique est cohérente. Elle prend en compte des éléments apparemment sans lien, des paradoxes, pour une cohérence plus élevée que celle envisagée à première vue, par exemple : souhaiter la mort de quelqu’un qu’on aime parce qu’il souffre atrocement. L’éthique réhabilite les fonctions cordiales et symboliques entre les personnes.

Et que dire de l’éthique maçonnique ? Sommes-nous concernés ?…….
……Dans un rituel du Grand Orient de Luxembourg, écrit à l’occasion de l’Assemblée Générale du CLIPSAS qui a eu lieu à Luxembourg le 28 mai 1995, le Vénérable Maître demande au Frère Orateur :
« Frère Orateur, veuillez énoncer les sept piliers de la Sagesse, tels qu’ils furent énoncés le 4 mai 1986 au Palais de l’Europe à Strasbourg et qui constituent les fondements de l’éthique maçonnique libérale. »
Réponse du Frère Orateur :
« Les principes fondamentaux sont :

  • La tolérance.
  • Le respect des autres.
  • L’attachement à la liberté.
  • Le sens de la liberté.
  • Le désir du progrès humain.
  • La pratique de la fraternité.
  • Le principe démocratique.

Rappelons que le 4 mai 1986 au Palais de l’Europe à Strasbourg a eu lieu l’Assemblée Générale du CLIPSAS, célébrant son 25èmé anniversaire. En réponse aux exclusives de Londres dans ses landmarks, le CLIPSAS donnait ainsi les landmarks de la Maçonnerie libérale.
La liberté, nous venons d’en parler.
La tolérance n’est pas inconditionnelle. Qu’est-ce qui est tolérable pour moi ? Et pour les autres ?
C’est mon éthique qui va me proposer mon comportement après réflexion.
La fraternité entraîne automatiquement la complaisance. Par rapport à qui ? Par rapport à quoi ?
Encore une question d’éthique.

Voici deux citations.
La première est une phrase prononcer par un Frère lors d’une émission radiophonique sur France Culture ayant pour thème la définition d’une Loge. Ce Frère disait :  » Une Loge est l’endroit où l’on se forge son éthique « .

La deuxième est de Mathieu RICARD :  » Les fondements de l’éthique sont très simples. Il n’y a pas de bien et de mal en soi. Il n’y a de bien et de mal qu’en termes de bonheur et de souffrance à autrui et à soi même « .

Le Franc-Maçon doit rester cohérent avec lui-même. Il doit rechercher les bases naturelles de l’éthique, délivrée de toute considération métaphysique. Selon Jean-Pierre Changeux,  » ce n’est somme toute, que réactualiser la démarche des Lumières « .

A la fin de notre rituel au 1er grade, le V M  dit ceci:
« Mes SS  et mes FF , n’oublions pas que notre travail maçonnique ne s’achève pas au moment où se ferment nos tenues. Il se continue, se perfectionne, se développe dans la constante amitié de nos SS  et nos FF , ainsi que par notre exemple, notre action et notre enthousiasme dans le monde profane. »
Il ne s’agit donc pas de gérer le quotidien. Gérer le quotidien, c’est le rôle des parties politiques.

Notre travail, c’est de réfléchir sur l’avenir et le développement de la société. C’est pour cette raison que les obédiences maçonniques ont consacré une grande partie de leur temps à la réflexion sur des projets de société tels que l’accouchement sans douleur, la contraception, le droit de cité de la sexualité, le droit à l’avortement, les dons d’organes et plus récemment le droit de mourir dignement à son heure. Il s’agit donc de conduire au mieux-être des hommes et pourquoi pas, au bonheur.

Les droits de l’homme et du citoyen ont été élaboré en Loge. Ils ont été rédigés dans le but de protéger l’homme contre les abus de pouvoir. Les philosophes du siècle des Lumières ont mûri lentement ces droits, faisant ainsi évoluer la société civile. De la même façon les Francs-Maçons, en demandant à leurs amis politiques de s’inspirer de leurs réflexions dans le monde profane, ont fait que l’éthique se substitue à la souveraineté de la Monarchie d’abord et à l’Église ensuite.

La Franc-Maçonnerie à travailler en sorte pour que le respect de la vie et des droits de l’homme apparaisse comme un grand moment de l’histoire universelle.
Une nation qui se détournerait de l’universel, renoncerait  » à travailler à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité  » comme cela est dit dans notre rituel.

Source: Curitiba/2002 – Grand Orient de Luxembourg

4.- Quelle Franc-maçonnerie pour le XXIème siècle




Conférence de Rémy Hildebrand

Déjeuner-débat à Genève

D&DS

Saison 2012-2013

Vendredi 8 juin 2012

au

6, rue de la Scie 1207 Genève

Nous aurons l’honneur de recevoir

Rémy HILDEBRAND

Rémy Hildebrand

Journaliste et écrivain

Fraternité, démocratie: dialogue dans le cas du tricentenaire de la naissance de J.-J- Rousseau

11h45  Accueil

12h10 Repas

13h00 Déjeuner-débat

Débats réservés aux Francs-maçons et Franc-maçonnes

Soyez les bienvenu(e)s.

Document :

1.- Jean-Jacques ROUSSEAU : Les difficultés d’une démocratie véritable

Dans ce texte du Contrat Social, Rousseau s’attache à l’analyse de ce que serait une démocratie véritable, satisfaisant à toutes les exigences que semble sous-entendre son sens étymologique. Il pose ainsi pour principe qu’une telle forme de gouvernement relève d’un idéal inaccessible aux hommes, car par trop exigeant.

Pour ce faire, l’auteur commence par une analyse purement quantitative : si  » démocratie  » signifie  » pouvoir du peuple « , elle engage une participation et un engagement constant de celui-ci dans les discussions et les prises de décisions, ce qui s’avère difficile, voir contre-nature.
Par suite, cette implication collective requiert qu’un certain nombre de conditions pratiques soient satisfaites, faute de quoi cet exercice commun de l’autorité politique ne saurait être mis en œuvre : petit état, simplicité de mœurs, égalité sociale, et abolition du luxe.
En outre, ces exigences pratiques ne sauraient elles-mêmes aller sans une exigence morale, car seule la vertu, comprise ici comme qualité éminemment sociale, nous poussant à vouloir et à faire le bien, peut nous permettre de répondre à tous ces impératifs.
Enfin, et parce qu’elle sous-entend un débat d’opinions, lesquelles sont par nature changeantes et diverses, la démocratie nécessite de la part des citoyens beaucoup de volonté, voir de courage, pour être maintenue malgré l’instabilité caractérisant son fondement.
Nous le voyons donc, Rousseau, s’il ne remet pas en question la valeur théorique de la Démocratie, fait cependant de celle-ci un régime politique utopique supposant une nature humaine idéale.
Pourtant, comme tout idéal, le modèle démocratique semble d’un intérêt certain, et il serait dangereux de renoncer à sa mise en œuvre. Peut-être conviendrait-il en effet de réaffirmer avec force et conviction cette formule citée par

Rousseau :  » Mieux vaut une Liberté dangereuse, qu’une servitude tranquille « .

Du Grec Démos signifiant le peuple, et cratos, le pouvoir, le terme de Démocratie semble devoir désigner une forme de gouvernement où l’autorité politique ne serait pas l’apanage d’un individu ni même d’une élite, mais bien plutôt la propriété d’un peuple dans son ensemble. Ceci engagerait donc que toute décision soit l’expression, non d’une volonté particulière, mais générale, c’est-à-dire la traduction d’un intérêt commun qui ne peut transparaître qu’au travers de la confrontation des intérêts privés.
 » Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale ; celle-ci ne regarde qu’à l’intérêt commun ; l’autre regarde à l’intérêt privé, et n’est qu’une somme des volontés particulières : mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et les moins qui s’entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté générale « . Rousseau ; Du Contrat Social.

Aussi semble-t-il nécessaire, pour le respect de l’idéal démocratique, que tous les citoyens participent au débat politique, et ce de façon systématique, faute de quoi les décisions qui pourraient être prises ne seraient plus véritablement adéquates à cette volonté générale ou volonté du peuple, posée comme fondement d’une telle forme d’état.
Cela dit, il semble difficile d’affirmer la possibilité d’une telle constitution.
En effet, l’idée même d’une autorité commune pose problème : en dehors de la société humaine, et de façon générale dans la nature, l’autorité n’est a priori jamais également répartie entre les individus. Certes, nous pourrions ajouter que généralement cette autorité s’acquiert par la force, et ainsi reposer le problème de ce fameux droit du plus fort, supposé dans la nature, et dont certains ont pu s’inspirer pour concevoir un modèle politique. Ainsi Hobbes en vint-il à user de celui-ci jusqu’à en faire l’essence même de ce grand Léviathan, Etat fort et autoritaire,  » pouvoir visible visant à tenir les hommes en respect, et à les lier, par la crainte des châtiments, tant à l’exécution de leurs conventions, qu’à l’observation des lois de nature.  » Hobbes ; Léviathan.

Mais ce serait oublier que ce terme de droit n’ajoute rien à la force, et que pour être légitime, une autorité, même politique, ne peut s’exercer et être maintenue que si ceux qui y sont soumis le sont en vertu d’une obligation morale, c’est-à-dire par devoir. Néanmoins, que cette autorité repose sur la force, ou encore sur un charisme ou une sagesse reconnue, et finalement, quelque soit le principe sur lequel elle s’appuie, elle n’est généralement la propriété que d’un petit nombre, et jamais de l’ensemble de la collectivité, puisque toujours elle renvoie à une caractéristique spécifique.
Par ailleurs, envisager l’exercice commun du pouvoir politique engage de la part des citoyens une disponibilité et une attention de tous les instants. Or, comment envisager qu’un peuple puisse rester incessamment assemblé ? Ce serait supposer une existence exempte de tout impératif particulier, ignore les contraintes de la vie quotidienne : travail pour subvenir à ses besoins, taches domestiques…, mais aussi prétendre un intérêt génral pour la vie politique et les affaires publiques (res-publica), ce qui ne semble pas garanti.
Faute d’une implication effective et constante de l’ensemble des citoyens, grande est la tentation de confier à des commissions, c’est-à-dire des groupes restreints d’individus, la tache de réflexion et d’entente préalable, nécessaire à toute prise de décision. Mais c’est là considérablement appauvrir le débat politique, et par suite dénaturer la démocratie véritable, qui ne peut s’appuyer que sur un débat public : la volonté générale ne saurait être obtenue et suivie dans de telles conditions.

Quoi de plus facile en effet, pour un petit groupe d’individus, que de se mettre d’accord sur une ligne de conduite, et, par suite, de tronquer les débats, d’influencer les décisions, en présentant comme solution raisonnée, des intérêts particuliers, ou bien encore en restreignant volontairement le nombre des choix offerts à des individus qui n’auraient pas pris le temps de la réflexion, et ainsi d’abuser de leur confiance en s’octroyant insidieusement un pouvoir et une autorité accrue, mais non légitime ?
Nous le voyons donc, la Démocratie, au sens étymologique, engage une constitution bien précise, ne souffrant aucune concession.
Or, il apparaît nécessaire qu’un certain nombre d’exigences pratiques soient satisfaites pour qu’un tel régime puisse voir le jour.

Tout d’abord, il ne saurait s’exercer convenablement sur un territoire trop vaste, ni s’appliquer à une population trop importante : assembler un peuple entier engage en effet que celui-ci puisse aisément et rapidement se regrouper et sous-entend donc une certaine proximité. Et dans la mesure où, non seulement chaque citoyen doit pouvoir prendre part au débat, mais encore où les décisions prises doivent viser l’intérêt général, et engagent donc une bonne connaissance des intérêts particuliers, seule une collectivité limitée pourra prétendre à une telle forme de gouvernement.
Secondement, et c’est un fait d’expérience, la multiplicité et l’hétérogénéité des habitudes de vie, la diversité des us et coutumes, favorisent toujours l’apparition de conflits au sein d’une société. Or, plus les difficultés sont nombreuses, plus les solutions sont complexes à découvrir. L’expression d’une volonté générale sera en effet d’autant plus aisée à dégager que les intérêts particuliers à surmonter et à concilier seront en nombre limité. En cela, une grande simplicité de mœurs semble donc bien nécessaire.

Ensuite, tout débat véritablement démocratique suppose que les interventions de chaque citoyen aient autant de valeur les unes que les autres, et donc qu’aucun n’est la possibilité d’acquérir ou d’exercer sur l’autre une plus grande autorité ou influence. Ceci ne semble pouvoir se réaliser que si règne au sein de la collectivité la plus grande égalité qu’il soit possible d’obtenir, tant dans les rangs que dans les fortunes. Car si celui qui dispose d’une certaine aisance financière pourra, sans que son confort en pâtisse, facilement se consacrer à la chose publique, il n’en va évidemment pas de même pour celui qui, pour subvenir à ses besoins, doit exercer une activité professionnelle. Par suite, cette inégalité risque également d’en faire apparaître une autre, puisqu’il est courant que le second dépende financièrement du premier, ou, à défaut, que le premier puisse exercer une influence directe ou indirecte sur le second, soit que l’un soit salarié de l’autre, et fasse preuve d’une certaine retenue, soit que l’autre, ou bien soit plus présent lors des prises de décisions et ainsi obtienne une plus grande influence, ou bien puisse exercer directement son autorité sur le premier.

Enfin, il convient que le luxe soit absent de la société démocratique, en tant qu’il représente, pour cette dernière, un danger. Cette exigence semble d’ailleurs pouvoir se déduire logiquement de la précédente, puisque le luxe, outre son côté inessentiel, et donc la superficialité qu’il engage chez l’individu qui le recherche, suppose également une inégalité sociale : le luxe ne peut être en effet que l’apanage de quelques uns dans la mesure où parmi les choses qui le caractérisent, nous retrouvons la rareté et le côté dispendieux. En sorte que l’objet de luxe peut devenir marque d’appartenance sociale, et donc affirmer les différences et par suite susciter la convoitise et créer les conflits. Cela étant, la recherche du luxe, en tant que recherche de l’inutile et du superflu, peut également amener à une perte des priorités et des valeurs fondamentales dont la Démocratie ne peut s’accommoder, et reste la marque d’un esprit commandé par les passions ou les désirs, et non par la raison. En cela, il est annonciateur bien plutôt d’un règne de l’opinion, que de la réflexion, et est donc nécessairement négatif.

De l’analyse des conditions requises pour l’exercice d’une Démocratie véritable, c’est tout naturellement que nous sommes finalement amenés à postuler chez le citoyen idéal une vertu sans faille, tant les exigences d’un tel régime sont nombreuses. La vertu en effet, parce qu’elle désigne toute qualité humaine nous poussant à vouloir et à faire le bien, semble indispensable à la réalisation et au maintien d’une telle société politique.
A noter cependant que ce n’est point là une spécificité de la Démocratie, mais que de façon générale, tout état, en tant qu’il suppose une forme de contrat, même tacite, et en tant que sa pérennité dépend du respect de ce contrat et par suite de la constitution, suppose ces qualités éminemment sociales que la vertu désigne. Si l’état vise le bien de la société, le fondement de l’état doit renvoyer et s’appuyer sur la volonté des citoyens d’accéder au bien commun.
Mais il est vrai que, parce qu’elle engage le peuple dans son ensemble, et que son essence est la volonté du peuple, la démocratie, plus que tout autre régime, engage cette vertu, faute de quoi la multitude des conflits d’intérêts particuliers rendrait bien vite impossible son fonctionnement ou la rendrait inefficace.

La Démocratie est donc bien un régime exigeant, mais aussi extrêmement fragile et instable, ce qui se laisse aisément expliquer par l’essence même de son fondement, à savoir la volonté générale. Celle-ci en effet n’est pas assimilable à la volonté de tous, mais n’est que le résultat de l’entre destruction des volontés particulières ou opinions qui s’opposent. Or, par définition, les opinions sont changeantes et mal assurées, d’où une volonté générale quelque peu lunatique dont les renversements et contradictions successifs expliquent nécessairement conflits et luttes intestines. Il faut pourtant parvenir à dépasser ces oppositions et sauvegarder la forme de la république, ce qui exige de la part des citoyens courage et constance, mais aussi vigilance, afin de veiller au respect de la constitution et des institutions.
En ces circonstances, l’on pourrait concevoir que parfois les citoyens renoncent et abdiquent face aux difficultés, mais il faut faire un choix : la liberté ou la facilité. Si la démocratie est aussi idéale qu’elle paraît, et si grâce à elle notre liberté et nos droits peuvent être garantis, les efforts et concessions qu’elle demande valent certainement la peine d’être endurés. D’où cette affirmation riche de sens et qu’il conviendrait de toujours méditer :  » mieux vaut une liberté dangereuse qu’une servitude tranquille « . L’homme doit se donner les moyens de sa liberté.

Ainsi la perfection d’un tel régime est évidente, mais semble finalement sérieusement contraster avec notre nature véritable, et il n’est pas certain que l’homme puisse répondre et satisfaire autant d’exigences.
Mais, plutôt que de renoncer à un tel idéal, ne devons-nous pas accorder aux hommes le bénéfice du doute et leurs laisser une chance de l’atteindre ?
© GUICHARD Jérôme.

2.- Jean-Jacques Rousseau et la démocratie



Conférence de Alain Marti

Déjeuner-débat à Genève

D&DS

Saison 2012-2013

Vendredi 11 mai 2012

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6, rue de la Scie 1207 Genève

Nous aurons l’honneur de recevoir

Alain Marti

Alain Marti

sur le thème

Histoire de l’Organisation Judiciaire de Genève (1814-2010)

Résumé

Le titre donne l’impression que cet ouvrage est consacré à un sujet qui ne concerne que les habitués du Palais de Justice. Mais cela ne se vérifie que pour quelques chapitres seulement. Les autres sont proprement des pages de l’histoire générale de Genève, car le pouvoir judiciaire a été un enjeu politique à maintes époques et les affrontements idéologiques au Grand Conseil se sont succédé à propos de l’organisation judiciaire.
Le jury, par exemple, a toujours été en faveur auprès d’une partie non négligeable des conseillers d’Etat ou des députés. Même sous le régime de la Restauration. De grandes figures de l’époque en étaient de fervents partisans, même si ils ne sont pas parvenus à l’imposer. Il faudra attendre la personnalité bouillonnante de James Fazy pour que cette aspiration diffuse prenne enfin corps. Mais petit à petit, on a réduit le rôle du jury et on a fini par le vider de son sens. Quand la Confédération l’a balayé, il était déjà mort. Et pourtant, tout récemment encore, il a fait parler de lui dans le procès de la Banque Cantonale.
Depuis les révolutions radicales, il y a toujours eu un courant d’opinion pour parler d’une justice populaire à laquelle les conservateurs opposaient la justice tout court, car ils n’en connaissaient pas d’autre. D’abord dirigée contre l’ancienne classe dirigeante, cette tendance a voulu battre en brèche ce repaire des l’aristocratie que constituait pour lui le pouvoir judiciaire. A la suite d’un concours de circonstances tiré de l’histoire religieuse de Genève et de l’Europe, Carteret a inventé l’institution de juges assesseurs non juristes, pour mieux contrôler les juges. Quand il a été question de les abroger, le parti socialiste a lancé une initiative populaire pour obtenir l’élection des magistrats par le peuple. Il en avait été longtemps question, mais personne n’avait osé franchir ce pas. En réalité, les partis politique étaient plutôt désireux de garder la haute main sur la justice en élisant qui leur convenait. Les élections avaient été très politisées. Or, curieusement, l’élection par le peuple n’a pas changé cette situation et, très rapidement, des voix se sont élevées pour remédier à cela. Des réflexions sur l’indépendance de la justice, il n’est sorti que le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Pendant de nombreuses années, la clef de voûte de nos institutions a été une loi sur la Responsabilité de Conseil d’Etat. Elle fut proposée par James Fazy, qui fut le premier à violer la séparation des pouvoirs, ce qui provoqua un conflit ouvert entre lui et le Procureur Général et ce dernier fut contraint de démissionner. Dans les années 1930, lors de la faillite de la Banque de Genève, cette loi se révéla inapplicable et fut abolie, au milieu des convulsions qui agitèrent la République dans un état de crise sans précédent.
De nombreuses pages de ce livre méritent ainsi de retenir l’attention de non juristes : c’est l’histoire chahutée et tourmentée de Genève qui défile sous les yeux du lecteur.

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Conférence de Esther Jouhet

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Esther Jouhet

Esther JOUHET

Esther Jouhet-Bordoni est la créatrice de la méthode Penser, Voir et Agir Systémique© et fondatrice du Systemic Learning Institute SA. Après une riche carrière en entreprises et de nombreuses expériences, elle découvre la systémique, à laquelle elle décide alors de se consacrer et finit par créer sa propre méthode qui se distingue par sa simplicité et son efficacité. Pendant plus de 15 ans, Esther Jouhet-Bordoni a partagé sa passion et transmis son savoir à de nombreuses personnes qui appliquent avec succès sa méthode au quotidien, tant dans leur vie professionnelle que privée.

sur le thème

Représentations systémiques en entreprise

La méthode Penser, Voir et Agir Systémique©, créée par Esther Jouhet-Bordoni, permet de se mouvoir dans la complexité et apporte des résultats rapides et durables. Basée sur les principes fondamentaux de la systémique, elle place le sens au cœur de toute démarche et s’appuie sur la responsabilisation et l’autonomisation des individus, ainsi que sur la co-construction de l’organisation. C’est une véritable boîte à outils qui apporte fluidité et agilité aux organisations et aux individus.

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Conférence de Alain Marti

Déjeuner-débat à Genève

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Saison 2022-2023

Vendredi 8 avril 2022

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Alain Marti

Alain MARTI

Avocat, écrivain et homme de lettres

Les guerres de 1870 et l’équilibre européen

La guerre franco-allemande de 1870-1871, parfois appelée guerre franco-prussienne ou guerre de 1870, est un conflit qui oppose, du 19 juillet 1870 au 28 janvier 1871, la France à une coalition d’États allemands dirigée par la Prusse et comprenant les vingt-et-un autres États membres de la confédération de l’Allemagne du Nord, ainsi que le royaume de Bavière, celui de Wurtemberg et le grand-duché de Bade.

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