Nous vivons en effet un moment où tous les fondamentalismes, tous les extrêmes nous désarçonnent, nous interrogent sur la façon de protéger l’Etat de Droit. Un moment qu’un auteur comme Zeev STERNHELL évoquait dans son livre sur les anti-lumières. Un moment qu’Amos Gitai a su saisir, de façon éclairante, dans son film sur les derniers jours avant son assassinat, il y a 20 ans, d’un homme des Lumières, l’ancien premier ministre israélien Yitzhak Rabin.
Je souhaiterais vous communiquer un texte ancien, très court d’Eduardo Galeano qui me vient à l’esprit et que je voudrais partager avec vous.
Journaliste uruguayen, décédé en avril 2015, auteur de nombreux essais, dont son œuvre la plus connue : « les veines ouvertes de l’Amérique latine » Eduardo Galeano est emprisonné à la suite du coup d’Etat militaire de 1973 à Montévidéo et le début d’une des dictatures les plus froides, les plus implacables de cette période, que Denise et moi avons traversé pendant nos 8 années dans ce pays.. Après le coup d’Etat de mars 76, cette fois en Argentine, Eduardo Galeano se voit obligé de s’exiler à nouveau, menacé de mort par les escadrons de la mort. [Il vit à Barcelone, avant de rejoindre l’Uruguay en 1985, lors de la transition démocratique.
Ceux qui travaillent ont peur de perdre le travail
Ceux qui ne travaillent pas ont peur de ne pas trouver du travail
Celui qui n’a pas peur de la faim
A peur de la nourriture
Les automobilistes ont peur de marcher
Et les piétons ont peur de se faire renverser
La démocratie a peur de se souvenir
Et le langage peur de dire
Les civils ont peur des militaires
Et les militaires ont peur de manquer d’armes
Les armes ont peur du manque de guerres
C’est le temps de la peur
Peur de la femme face à la violence de l’homme
Et peur de l’homme face à la femme sans peur
Peur des voleurs
Peur de la police
Peur de la porte sans serrures, au temps sans montres, à l’enfant sans télévision
Peur de la nuit sans cachets pour dormir
Peur du jour sans cachets pour se réveiller
Peur de la multitude
Peur de la solitude
Peur de ce qui fut
Et de ce qui peut être
Peur de mourir
Peur de vivre…
Dans « la danse de la vie » un auteur et philosophe espagnol, Carlos Gonzalez remercia Eduardo par ces mots : « Merci l’ami, pour les graines que tu as semées, nous en prendrons soin jusqu’ à ce que ton nom soit pure essence de l’humanité »
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